Le consommateur digital
Comme le professeur David Nicholas du University College de Londres nous l’exposera le 26 avril, le monde digital a fait naître le consommateur digital. Dans son étude concernant la consommation médiatique, le professeur Nicholas a observé que les gens deviennent de plus en plus ‘promiscue’ : ils digèrent des informations à une vitesse incroyable, comme si de rien n’était.
Il y a une évolution très nette dans la manière d’aborder l’information : nous sommes passés d’une approche approfondie de l’information à un scanning superficiel. En effet dans un rapport par exemple les gens se contentent de lire le sommaire, les études sont résumées dans des présentations, qui sont ensuite diffusées sur Twitter, souvent réduites à une seule phrase. Autre exemple : 40% des sites visités par un internaute, ne seront plus jamais consultés ultérieurement.
Joeri Van den Bergh, co-auteur de ‘How cool brands stay hot’, lui aussi décrivait la Génération Y comme des junkies accros à de nouveaux stimulants. Ils recherchent sans cesse des stimuli visuels, qui entravent la lecture au niveau du contenu.
Ce comportement toutefois ne se limite plus à la Génération Y – ou la génération Google selon le professeur Nicholas : actuellement toutes les générations, tous âges confondus, présentent de plus en plus des caractéristiques propres au consommateur digital. Même offline ces nouvelles habitudes sont perceptibles, et d’autant plus durant le shopping…
‘Shopper-centric commerce’
Comment les retailers doivent-ils s’adapter à ce nouveau comportement du consommateur digital ? Comment peuvent-ils y répondre concrètement ? Si le consommateur applique également son comportement digital dans le magasin physique, il ne suffit donc plus d’être à la page au niveau online, en lançant un webshop ou des applications mobiles. De plus en plus de commerçants en sont conscients.
« Il ne s’agit pas de technologie, mais du client et de sa perception. Au lieu de continuer à catégoriser le retail en e-commerce, m-commerce, f-commerce … etc., il vaudrait mieux penser en termes de ‘shopper-centric commerce’. Le mot-clé est tout simplement ‘le commerce’, sous toutes ses formes, centré sur le ‘shopper’ », selon l’expert en retail Gino Van Ossel.
Les retailers adoptent encore trop souvent cette approche cloisonnée d’autrefois : « Pour le segment online il faut un webshop, pour le consommateur mobile il faut une application mobile, … » Aujourd’hui les choses fonctionnent différemment. Il s’agit de combiner tous ces canaux, comme l’exprime parfaitement le terme ‘cross-channel’ : le même consommateur achète via différents canaux, d’après le produit et d’après les circonstances.
C’est pourquoi Van Ossel préfère le terme ‘shopper-centric commerce’ : « ‘Shopper-centric’ signifie que le client constitue le point de départ et qu’il faut donc s’interroger sur le comportement d’achat du client et sur les changements que ce client souhaite. Il faut donc y apporter ses propres solutions au-delà des canaux . »
« A titre d’exemple : Sephora, la chaîne française de parfumerie et cosmétiques, qui outre son site web très complet – avec des films vidéo et un forum – propose une application différente pour iPad et iPhone », explique le professeur de la Vlerick. « L’application pour iPad se sert habilement de la caméra iPad2 comme miroir pour donner des conseils de maquillage à l’utilisatrice, alors que l’application iPhone permet le scanning de codes-barres. C’est ce qu’on appelle une démarche ‘shopper-centric’ : on a pensé aux différentes manières dont les consommateurs utilisent les appareils mobiles, et ce au profit du consommateur ! »
Le phénomène ‘mobile’
Toute cette effervescence autour du phénomène ‘mobile’ doit être interprétée avec prudence selon Gino Van Ossel : « L’erreur la plus courante est celle du ‘mobile for mobile’s sake’. On nous bombarde de statistiques comme quoi ‘le commerce mobile aurait doublé’ ou encore que ‘le m-tail représente 10 milliards d’euros’, mais cela ne donne pas une image exacte de la réalité. »
Le terme ‘mobile’ en soi est inapproprié, selon le professeur Van Ossel, étant donné qu’en général tant les smartphones que les tablettes PC son catégorisés sous ce même terme. A tort, car la plupart des utilisateurs de tablettes sont dépendants du WiFi et ne sont donc pas si mobiles que ça. « Le retailer online Wehkamp.nl a constaté que les heures de pointe pour les visiteurs via iPad se situaient entre 18 h et 22 h. On pourrait donc dire que ledit ‘mobile commerce’ est en fait du ‘couch commerce’ : le client est installé dans son fauteuil après le travail et en général devant sa télé. Ce qui nous ramène donc au scanning superficiel du consommateur digital. »
La démarche des retailers doit donc être différente pour les tablettes que pour les smartphones. Pour les smartphones par exemple le taux de conversion est beaucoup plus bas : l’écran est trop petit pour pouvoir véritablement faire du shopping.
Et dans tout cela, il ne faut certainement pas oublier le magasin physique : la plupart des consommateurs n’optent pas pour un commerce purement digital. Même le ‘pure player’ Amazon s’est lancé dans le magasin physique, car c’est très important pour ses tablettes Kindle.
Du point de vue du retailer
Lors du congrès Retailing 2020, Frank de Moor du groupe Macintosh Retail et Erwin Van Osta de la chaîne de bricolage Hubo nous expliqueront comment, en tant que personnalités marquantes du retail, ils perçoivent cette évolution et comment ils répondent concrètement à ces changements. Tout en étant des retailers très différents, ils croient tous deux dur comme fer au magasin physique.
Comment le magasin physique peut-il s’adapter à ce nouvel environnement ? Et surtout : comment une entreprise retail qui suit le même cap depuis des décennies peut-elle brusquement virer de bord ? Il s’agit souvent de grandes chaînes de magasins qui ne sont pas toujours aussi maniables.
Pour les retailers traditionnels c’est surtout l’aspect logistique qui pose problème, lorsqu’ils utilisent subitement différents canaux. Le flux continu de marchandises – non seulement aller, mais également retour – était un phénomène inconnu jusqu’à présent pour les chaînes de magasins. Dans le commerce digital de la mode par exemple 30% des commandes sont retournées, selon une enquête du VIL (Institut flamand pour la logistique).
Non seulement la logistique des retours représente un fameux défi, mais les livraisons elles aussi constituent un souci important. Quasi la moitié des retailers ayant un webshop en Flandre craignent la complexité des livraisons. « L’e-fulfilment est plus difficile et complexe qu’il n’y paraît. Lorsque vous gérez un magasin physique, il faut uniquement contrôler le stock et la disponibilité en rayon. A présent s’y est ajouté un nouvel élément très important », conclut Goedele Sannen, Senior Expert du VIL.
« Toutefois les retailers online ont également leurs désavantages. Ils ont un avantage au niveau logistique, mais la visibilité et la confiance demeurent les grands atouts des commerçants traditionnels », souligne le professeur Van Ossel.
Chacun ses canaux
Tout retailer doit donc déterminer par lui-même les canaux qui lui conviennent le mieux. De par la grande diversité des produits, certains canaux seront plus appropriés que d’autres, mais il y a de nombreux autres facteurs à prendre en considération – dont le principal est le comportement spécifique du client – qui eux aussi détermineront le mix optimal des canaux à utiliser pour une entreprise.
Ce cheminement sera différent pour chacun. « Il est très important de se poser deux questions bien précises : que veut-on atteindre avec son entreprise et comment peut-on y arriver ? », conclut Gino Van Ossel. « Le 26 avril inspirés par le point de vue du professeur Nicholas et les témoignages de Frank De Moor et Erwin Van Osta, nous discuterons avec tous les participants, afin d’échanger nos idées sur ce que le retail nous réservera en 2020. »
Soyez des nôtres le 26 avril 2012 à Anvers et inscrivez-vous au Congrès RetailDetail – Retailing 2020 : Serving the Digital Consumer.
Traduit par Marie-Noëlle Masure