Gagnants et perdants sur le marché du retail
Sur base de chiffres de Locatus concernant le développement du nombre de magasins par secteur durant les dix dernières années (de 2004 à 2013) aux Pays-Bas et durant les cinq dernières années en Belgique (de 2008 à 2013), le bureau de consultance retail Eysink Smeets a réalisé une étude sur l’évolution du nombre de magasins par secteur individuel.
Même si les nombreuses fermetures de magasins et faillites sont bien réelles, cette étude démontre que ce sombre tableau doit être nuancé : tandis que certains secteurs régressent, presqu’autant de secteurs sont en croissance. Ainsi aux Pays-Bas le nombre de magasins a baissé dans 90 des 176 secteurs retail analysés, alors que 81 secteurs ont connu une augmentation du nombre de magasins. Dans un tiers des cas, le nombre de magasins a même augmenté de plus de 30%.
Eysink Smeets a observé des résultats similaires en Belgique. Après une enquête menée auprès de relations dans le monde entier, il semble que partout sur la planète – du moins dans les pays développés – on constate les mêmes tendances.
Le Darwinisme incontournable de l’économie
Ces observations sont importantes, car elles permettent de se débarrasser de l’idée que la crise économique est la grande coupable. Hans Eysink Smeets : « Il n’est pas uniquement question de crise (temporaire) et l’inoccupation n’est pas en train de se répandre de façon incontrôlée. Par contre, le marché du retail connaît une très forte volatilité avec d’un côté des secteurs qui s’écroulent, et de l’autre des secteurs qui émergent. »
Selon Eysink Smeets, cette forte volatilité sur le marché du retail permet de tirer d’importantes conclusions et leçons. « Dans tous les centres-villes du Benelux, on peut observer l’émergence et la disparition de différents types de commerces. Dernièrement je me trouvais à Anvers par exemple : lorsque vous prenez les petites rues transversales au Meir (qui arrive à survivre), vous remarquerez des bâtiments qui ont autrefois abrité un commerce. Ces immeubles ont généralement été transformés en appartements, mais sur la façade subsiste souvent un logo d’un épicier datant de la première moitié du 20ième siècle. »
« Il s’agit tout simplement de Darwinisme économique », précise Hans Eysink Smeets. « A la fin des années cinquante, les petits magasins de ‘maman et papa’ ont disparu au profit des supermarchés et des vrais retailers. A l’heure actuelle, le même phénomène se produit dans des régions comme Dubaï. Aujourd’hui nous devons accepter que dans nos contrées le portefeuille de magasins se réduit. On assiste à une polarisation de plus en plus marquée au niveau du nombre de m² des espaces commerciaux : soit ils deviennent gigantesques, soit très petits. »
« Tout aussi révolutionnaire que la machine à vapeur »
Quels sont les secteurs les plus menacés de disparition ? Tous les secteurs en très forte baisse, mais tout autant les secteurs en très forte croissance. « Quiconque est actif dans un secteur qui, selon le NoCompromise Index, a connu une hausse ou une baisse de plus de 30% durant ces dix dernières années, devrait s’interroger sérieusement et mettre sur papier comment il voit évoluer son commerce durant les dix prochaines années. »
« Car même ceux qui connaissent une forte progression, devraient faire attention de ne pas trébucher. La durée de vie de tous les modèles d’affaires est de plus en plus courte. Pensez par exemple aux magasins vendant des cartouches d’encre. Ils ont connu une croissance phénoménale ces dernières années et se sont multipliés comme des champignons, mais aujourd’hui ils perdent du terrain tout aussi rapidement . Qui achète encore ce type de produits dans un magasin physique ? »
Le consultant en retail estime que l’évolution actuelle sur le marché du retail ne s’explique pas uniquement par les fluctuations conjoncturelles normales. « Nous ne sommes qu’à l’aube de la révolution internet. Le secteur de l’alimentation n’est pas en avance à ce niveau-là. Mais si Amazon Fresh se lance sur le marché allemand prochainement, ensuite Amazon n’aura aucun mal à englober le Benelux, ce qui changera radicalement le paysage retail. »
Selon Hans Eysink Smeets, nous devons accepter que nous sommes en pleine période de révolution, tout comme au 19ème siècle lorsque les premières machines à vapeur ont entraîné une véritable révolution industrielle.
« Toutes les vieilles lois du retail restent valables »
En revanche, contrairement à certains experts, il ne croit pas que la ‘shopping experience’ soit le mot magique pour sauver les retailers traditionnels du déclin. « Certains, comme le professeur Cor Molenaar, estiment que les magasins doivent devenir une source d’expérience et de divertissement. Je ne partage pas ce point de vue. Jusqu’à quel point le consommateur sera-t-il réceptif au divertissement ? A un moment donné il en aura assez. Selon moi les quatre P ‘traditionnels’ restent d’application : le produit et l’assortiment, le prix, la promotion et la place. Toutes les vieilles lois du retail sont toujours valables. »
De plus, Eysink Smeets estime que le ’divertissement’ n’est pas le point fort des commerçants. « Les retailers ne doivent pas trop s’éloigner de leur ‘core business’. Ces ‘experience stores’, dont ils font l’éloge, ne se limitent souvent qu’à des mots et bien souvent ils s’aperçoivent après coup que cela ne rapporte rien. C’est valable également pour les producteurs. Leurs flagship stores engloutissent énormément d’argent, mais ne sont que très rarement synonyme de succès. »
Mais alors que doivent faire les retailers physiques ? « Evoluer en permanence, tout en sachant où l’on se situe. Réaliser que les difficultés d’aujourd’hui ne disparaîtront pas. Remettre en question son business dans sa totalité à tout moment et être en mesure d’innover rapidement. »
Lors du RetailDetail Real Estate Congress du 20 mars, Hans Eysink Smeets entamera le débat. Vous souhaitez y participer ? Inscrivez-vous sans tarder, car le congrès affiche presque complet !
Traduction : Laure Jacobs