De ‘héro’ à ‘zéro’… et inversement
Que l’innovation ne soit pas une question de choix, Adu Advaney, fondateur de Mexx et premier orateur de la journée, l’a d’emblée bien fait comprendre à un auditoire particulièrement attentif. Pour lui, les héros d’aujourd’hui peuvent très bien devenir les zéros de demain. Et inversement, les cancres d’aujourd’hui peuvent très bien devenir des stars en moins de temps qu’il ne le faut pour l’écrire.
Alors que, sur internet, de nouveaux acteurs passent à la vitesse supérieure et font mal au retail traditionnel – songez aux turbulences que traversent des chaînes comme HMV et Virgin Megastore – la mode, et plus particulièrement le middle segment, est en danger, subissant une double pression : l’offre toujours plus importante de marques premium et trendy d’une part et les discounters branchés de l’autre.
Advaney prévient : imaginer qu’il y ait encore de la place pour tout le monde parce que le marché est stable depuis des années, est tout simplement illusoire.
Le génie d’Apple
Mais innover en temps de crise, c’est vite dit encore faut-il en avoir les moyens. Effectivement répond Advaney, mais c’est pourtant un impératif absolu. Il donne l’exemple des Apple Stores qui excellent, entre autres, dans l’utilisation créative de l’espace et de l’architecture.
Le cube vitré du magasin d’Apple sur la prestigieuse 5ème Avenue à New York est devenu une véritable référence architecturale. Sans compter que le magasin étant situé en sous-sol, le géant de l’informatique l’a payé deux fois rien. Même chose d’ailleurs pour le magasin de Central Station : il est, lui aussi, devenu une véritable attraction.
Résultat : les 250 Apple Stores des Etats-Unis réalisent un chiffre d’affaires moyen de 60.000 euros par mètre carré. Celui de la 5ème Avenue atteint même le chiffre record de 350.000 euros ! Il y a donc encore la possibilité d’engranger de fameux succès “pour autant que vous n’ayez pas peur de bouleverser vos habitudes.”
Les hommes regardent le foot, les femmes font du shopping
Marijn Van Roij, CEO de Zalando et deuxième orateur de la journée, s’est également attaché à montrer que le succès était toujours possible. Pour sa première intervention publique, le Néerlandais, qui dirige les activités de l’e-tailer depuis Berlin, ne laisse planer aucun doute : le retail de la mode sur internet est en plein boom, même en Belgique où le consommateur s’était montré plutôt circonspect au premier abord.
Zalando est actif sur notre territoire depuis le mois d’avril, même si Van Roij considère que le véritable lancement n’aura lieu qu’en juillet : l’entreprise compte en effet profiter des soldes pour se faire connaître du grand public, notamment au travers de spots télévisés.
Van Roij s’attend aussi à ce que la reprise de la saison de football stimule les ventes en ligne : “Lorsqu’il y a diffusion d’un match à la télévision, le nombre de visiteurs et les ventes s’envolent. Les femmes font leur shopping sur internet pendant que les hommes regardent le foot.”
La Wallonie est loin d’être ‘sous-développée’
En Flandre, la brand awareness de Zalando culmine aujourd’hui à 89%. Et la Wallonie recèle encore un fort potentiel. “Certains prétendent que le marché wallon est sous-développé mais ce n’est pas notre constat, loin de là. Le succès des ventes sur internet peut s’expliquer par une moindre densité urbaine au sud du pays.”
Zalando a bien l’intention de s’implanter encore davantage sur le marché belge : “Nous n’en sommes qu’au début.” Mais pour atteindre ses objectifs, la marque va devoir investir massivement en termes d’image et de notoriété. Pour des acteurs de ce type – exclusivement présents sur internet – il est vital de rester ‘top of mind’ du consommateur puisqu’ils n’ont aucun moyen de l’attirer physiquement.
Kipling se (re)découvre lui-même
Il n’y a pas que pour les acteurs online qu’il est essentiel d’investir sans cesse sur leur image. C’est ce dont témoigne le troisième orateur, Kipling, par les voix de sa vice-présidente Tina Debo et de son CEO Richard Macey. La marque est partie à la recherche d’elle-même et a pleinement réussi à rafraichir son image.
Kipling a convaincu VF Corporation, sa maison mère américaine, d’entamer le dialogue avec ses clients pour savoir ce que représentait réellement la marque pour eux. Cette stratégie lui a permis d’identifier clairement son groupe cible (les mères de famille autour de la trentaine) et ses attentes par rapport à la marque.
Kipling a su tirer les conclusions qui s’imposaient : nouveau branding, nouvelle communication et nouveau concept de magasin. Avec succès puisque le magasin de Londres attire 40% de visiteurs en plus. Aujourd’hui, c’est au tour des flagshipstores belges de bénéficier d’un complet relooking.
Le fabricant de sacs ne s’est pas arrêté en si bon chemin : le crosschannel fait désormais partie de son vocabulaire. Macey pense en effet que le client doit se sentir partout chez lui. Qu’il s’agisse des webshops, des magasins indépendants multimarques, des outlet stores ou des magasins en propre, l’offre et l’expérience client doivent bénéficier d’outils adaptés à leur spécificité.
Le consommateur de demain est ‘cru’ et cynique…
Le retail de la mode sur internet est un secteur jeune, à l’image de son public : il n’y a pas consommateurs plus sensibles aux tendances, préoccupés de mode et dépensiers que les 15/30 ans. On s’étonne cependant que si peu de retailers sachent réellement qui sont ces jeunes. D’où la difficulté à les fidéliser.
Ce constat a incité l’observateur de tendances Tom Palmaerts (Trendwolves) à établir un petit florilège de ce qui est important aux yeux de la génération actuelle des vingt ans et plus. La “raw culture” est la première grande tendance qu’observe Palmaerts : la jeunesse sait que le monde ne va pas bien, que la crise est là et que personne ne sait vraiment à quoi s’attendre.
Avec elle, pas besoin de fioritures, il faut aller droit au but. Celui qui se montrera honnête et ouvert gagnera son respect, tout comme les personnes qui se battent pour leurs idées et veulent faire de leur mieux. C’est également valable pour le retail.
… mais également créatif et constructif
Cette génération n’a rien connu d’autre qu’un monde digital et les médias sociaux. De manière bien compréhensible, on observe une première contre réaction : elle tient à sa vie privée et ne va pas ‘liker’ les marques à tour de bras sur Facebook.
Mieux, les petits espaces et les moments intimes sont totalement à la mode, comme les soirées ‘salle de bain’ ou les sorties au restaurant, dont on se sent exclu si l’on ne fait pas partie du groupe. Cette jeunesse aime se déconnecter, prendre le temps de s’ennuyer et cherche des plages de calme.
A côté de cela, ces nouveaux consommateurs accordent beaucoup d’importance au ressenti et au vécu. Ils retrouvent le plaisir du matériau et de sa texture, exactement comme s’ils créaient eux-mêmes ce qu’ils achètent. La marque qui saura faire place à leur créativité est sûre de les attirer.
Bart Claes, ‘Belgian Fashion Personality of the Year’
Enfin, nous nous en voudrions de ne pas évoquer l’attribution du premier Award de Belgian Fashion Personality of the Year décerné par Kiala.
Il est revenu à Bart Claes, CEO de JBC, élu par les managers présents pour sa contribution au retail belge de la mode. Claes a devancé au palmarès Esfan Eghtessadi (Essentiel) et Michel Delfosse (Bel & Bo).
– Traduction: Philippe De Reuck