L’introduction des marques premiers prix est une mauvaise stratégie dans la lutte contre le hard discount, estime IPLC (International Private Label Consult). Leur qualité inférieure nuit à l’image des supermarchés et les marges diminuent.
Echec de l’approche classique
La question de savoir comment les supermarchés doivent s’y prendre pour ne pas perdre des clients au profit des hard discounters, préoccupe quasi tous les retailers alimentaires, d’autant plus que les hard discounters parviennent de plus en plus à proposer des produits de bonne qualité à bas prix. L’une des stratégies classiques des retailers traditionnels consiste à proposer des produits à prix réduits dans des emballages rudimentaires : les produits dits ‘premiers prix’. Mais cette approche s’est soldée par un échec, estiment les experts d’IPLC, qui ont étudié l’offre de marques de distributeurs (MDD) de chaînes de supermarchés dans neuf pays européens. A chaque fois ils ont comparé la MDD et la marque premier prix des supermarchés avec la MDD de Lidl et la principale marque nationale.
Le prix moyen de la MDD s’est avérée inférieur de 33% par rapport au prix d’une marque nationale, la marque premier prix 62% moins cher et Lidl 54% moins cher. Ces dernières années les différences de prix entre les marques nationales, les MDD, les marques premiers prix et Lidl sont restées plus ou moins inchangées.
Outre la comparaison de prix IPLC a également réalisé une comparaison qualitative, sur base de la liste des ingrédients et l’aspect de l’emballage (pas d’évaluation sensorielle). Dans bon nombre de cas la qualité des marques premiers prix s’est avérée inférieure à celle de Lidl. Les enquêteurs se sont basés notamment sur le pourcentage de tomates contenu dans le ketchup, de noisettes dans la pâte à tartiner ou encore de fruits dans la confiture. De plus l’emballage des marques premiers prix était souvent rudimentaire : graphisme ou photos simples, utilisation limitée de couleurs, pas d’anneau d’ouverture pour les conserves, pas de bouchon anti-gouttes pour le ketchup.
Effets négatifs
A noter que la plupart des retailers (sauf Edeka en Allemagne et Spar en Autriche) positionnent leur marque premier prix sous le niveau de prix de Lidl. Ils cherchent absolument à être meilleur marché que les hard discounters. L’exemple le plus frappant est celui de Tesco au Royaume-Uni, où la marque premier prix Everyday Value est en moyenne 85% moins cher qu’un produit de marque.
Au niveau de la qualité les produits de Lidl semblent toutefois être similaires, voire même meilleurs que les marques nationales. En revanche la qualité des marques premiers prix des retailers traditionnels est nettement inférieure à celle des marques nationales (là aussi Edeka et Spar font exception). Les marques premiers prix bon marché ne semblent donc pas avoir été une arme efficace face à la montée des hard discounters en Europe. Bien au contraire : les faibles marges générées par les marques premiers prix entraînent une baisse de la rentabilité au sein de leur catégorie, lorsque les acheteurs sont nombreux à opter pour l’offre la meilleur marché. Par ailleurs la moindre qualité de ces produits premiers prix peut avoir un effet négatif sur l’image du retailer.
Alors quelle stratégie adopter ?
Les experts d’IPLC évoquent quelques initiatives récentes, qui peuvent s’avérer intéressantes dans le cadre de la lutte contre les hard discounters. En 2014 Carrefour a décidé de supprimer le logo Carrefour sur sa gamme Carrefour Discount. Ainsi les produits premiers prix ne sont plus associés à la marque Carrefour.
Albert Heijn a pris une décision similaire en 2015 en retirant la gamme AH Basic de sa catégorie de produits frais du quotidien. Ces produits premiers prix ont été remplacés par des labels sans référence à Albert Heijn ou par la MDD AH de meilleure qualité. Aux Pays-Bas Jumbo a introduit la gamme ‘Allerslimste Koop’ : des produits ayant la même qualité que les marques nationales, dans des emballages attractifs et reconnaissables, au niveau de prix de Lidl.
L’allemand Edeka a aligné sa gamme premier prix Gut & Günstig au niveau de prix et de qualité des marques Aldi, tout en améliorant l’emballage. Par ailleurs la chaîne allemande propose des produits avec davantage de valeur ajoutée sous sa marque propre Edeka, dont le prix n’est inférieur que de 19% par rapport aux marques nationales (alors qu’en Europe l’écart de prix est d’en moyenne 33%).
Les consommateurs ne se laissent pas piéger
Ces initiatives témoignent de la volonté des retailers d’empêcher les consommateurs de délaisser le retail traditionnel pour se tourner vers le hard discount. Selon IPLC, la stratégie MDD classique à trois niveaux (bon marché – meilleur marché – le moins cher) finira par disparaître. Les consommateurs ne se laissent pas piéger par des produits de moindre qualité à bas prix, s’ils peuvent trouver une qualité meilleure à bas prix chez les hard discounters. De plus les retailers doivent être conscients du fait que l’offre de produits de faible qualité sous marque propre peut affecter la confiance de consommateur.