Capacité à se distinguer d’internet
Actuellement le ‘marketing expérientiel’ est un phénomène très en vogue : les marques ouvrent des ‘brand stores’ pour nous épater, les shop-in-shops sont de véritables lieux de découvertes et les marketeurs plaident avec fougue pour une expérience client plus intense. Pourtant le marketing expérientiel ne date pas d’hier : les chercheurs Pine et Gilmore y ont consacré un article très remarqué en 1998 dans le magazine Harvard Business Review.
« Le concept vit actuellement une deuxième jeunesse. Par le passé il avait déjà suscité l’intérêt, mais avec l’arrivée de l’e-commerce le marketing expérientiel revient en force. L’idée sous-jacente de cette technique de marketing est la suivante : pour certains internet constitue la solution idéale pour les achats fonctionnels, l’offre y est énorme et dans la perception des gens elle est également bon marché. Le canal offline doit donc à l’inverse se profiler dans le domaine du ‘funshopping’, où l’émotionnel prime sur le fonctionnel », explique Gino Van Ossel.
L’atmosphère est le maître-mot
Par conséquent l’expérience client en magasin est l’une des dimensions du marketing expérientiel qui revient sur le devant la scène. Par le passé quelques pionniers comme AS Adventure, qui en Belgique a été parmi les premiers à lancer un concept de magasin s’articulant autour du vécu, l’avaient déjà très bien compris à l’époque, mais aujourd’hui tout le monde s’accorde à dire que l’atmosphère en magasin est primordiale dans l’expérience d’achat du consommateur.
« Actuellement de nombreux nouveaux venus sur le marché consacrent une grande attention au vécu en magasin. Abercrombie & Fitch en est un exemple notoire, mais même le méga complexe commercial Uplace se qualifie de concept à vivre », indique le professeur. La démarche de l’icône de la mode Karl Lagerfeld, qui consiste à multiplier l’ouverture de flagship stores, peut également être interprétée dans cette optique, estime le spécialiste en marketing.
Le vécu de la marque constitue un deuxième aspect important du marketing expérientiel. « Les magasins multimarques ne permettent pas toujours aux marques de refléter l’image voulue. C’est pourquoi certaines marques comme Samsung lancent leurs propres points de vente. Nike fut un précurseur en la matière : il y a 20 ans environ les ‘Niketowns’ devaient représenter la marque dans toute sa gloire. »
Fini les boîtes en carton dans les rayons
On constate cette même tendance au niveau du vécu du produit : offline le client peut toucher, tester les produits, ce que le canal online bien entendu ne permet pas. C’est précisément là que le magasin physique doit ses distinguer d’internet.
Celui qui utilisera cet avantage judicieusement, pourra aller beaucoup plus loin que l’essai classique du produit en magasin. Ainsi AS Adventure a conçu un véritable parcours dans le point de vente pour l’essai de chaussures de marche et Nike a mis au point des installations fabriquant des chaussures de sport marche sur mesure.
Alors que par le passé les marketeurs se plaignaient du fait que les produits trop souvent étaient présentés en rayon dans des boîtes en carton, ces dernières années l’attention accordée au vécu en magasin s’est fortement intensifiée. Gino Van Ossel constate qu’actuellement les retailers eux-mêmes créent leur propres univers expérientiels, très différents des ‘branded’ shop-in-shops d’autrefois.
Makro par exemple a introduit dans ses magasins le concept des univers expérientiels, par catégorie et au-delà des marques. « On crée ainsi différents espaces expérientiels au sein du même point de vente, ce qui favorise à la fois le vécu du produit et de la marque », observe Van Ossel.
Une ambiance appropriée incite à acheter plus et plus cher
Tous ces nouveaux concepts permettent de se distinguer tant des commerçants concurrents que de l’e-commerce. « Grâce au marketing expérientiel, on peut construire une image pour le magasin, le produit et la marque, mais également pour le consommateur lui-même. Songez à AS Adventure, où le client inévitablement se prend un peu pour un aventurier », poursuit Van Ossel.
D’ailleurs les retailers en ressentent les effets positifs dans leur caisse. Des étude ont démontré que le taux de conversion est plus élevé lorsque le consommateur fait son shopping dans une ambiance appropriée et que le client dépense davantage dans un cadre agréable.
Van Ossel admet pourtant que les marques, qui ouvrent des flagship stores dans de grands centres commerciaux ou d’autres emplacements exclusifs, ont parfois du mal à les rentabiliser, comme Sony en a fait l’expérience dans ses magasins en propre.
Rien ne vaut ‘the real thing’
Le phénomène se manifeste dans tous les secteurs : même si le client s’oriente davantage vers le canal online, il préfère voir et toucher le produit avant de passer à l’achat. C’est pourquoi les marques conçoivent des ‘vitrines’ physiques pour leurs produits visant à stimuler les sens du consommateur.
« Une démarche on ne peut plus logique, car la filière en ligne ne peut offrir une expérience comparable à celle vécue offline. Par définition un site internet ne peut stimuler que deux sens, or nous en avons cinq. Le magasin physique par contre peut faire jouer les cinq sens. Le digital ne pourra jamais remplacer ‘the real thing’ », souligne Gino Van Ossel.
« Certes certains acteurs online s’efforcent d’exploiter l’expérience client sur leur site. Net-à-porter par exemple dit utiliser 50% de son site internet comme webshop et 50% comme magazine lifestyle. Mais ce que peut faire internet, le magasin physique peut le faire aussi, par contre l’inverse n’est pas nécessairement vrai. »
Lors de la Vlerick Retail Platform du 12 septembre 2013 Tom Lambert, directeur des ventes chez AS Adventure, et Peter Van de Voorde, directeur opérationnel chez Makro, nous expliqueront comment le marketing expérientiel se traduit concrètement dans leur chaîne de magasins.
Traduction : Marie-Noëlle Masure