Récession
« Nous utilisons souvent le mot récession, en oubliant toutefois qu’il n’est question de récession que si le produit national brut régresse pendant au moins deux trimestres consécutifs. Malgré les nombreux communiqués désastreux, ça n’a pas encore été le cas jusqu’à présent », observe un Herman Konings optimiste face au pessimisme de nombreux observateurs de tendances.
Mais visiblement le consommateur a adopté une attitude récessionniste, admet le trendwatcher. Même en ce qui concerne les achats de Noël, car le fait que le consommateur dépense autant en cadeaux de Noël, confirme selon lui – si paradoxalement soit-il – que nous vivons une période de crise. Le besoin essentiel de chaleur et d’humanité de l’individu à une époque difficile est une loi de base de la psychologie.
Actuellement il est de plus en plus difficile de préserver la chaleur du cocon familial, suite aux nombreuses familles recomposées, des familles vivant loin l’une de l’autre, mais c’est précisément en ces temps de difficultés sociales que l’on ressent le besoin de réinvestir dans cette valeur qu’est la famille.
La fait que vendredi dernier certains records de payements aient été battus, en est la preuve, plutôt qu’une contradiction, selon Konings,. « Cette quête d’humanité et de chaleur en temps de crise, se traduit également par le succès des causes humanitaires, comme par exemple Music For Life », explique-t-il ce regain de solidarité.
Le ‘smart’ de smartphone
Cela signifie également que le consommateur achètera de façon réfléchie durant les soldes d’hiver, estime Herman Konings : « Par ‘réfléchi’ j’entends qu’il y regardera à deux fois avant d’acheter. Comme on peut le constater depuis un certain temps déjà, le consommateur gère son budget plus intelligemment.»
Le m-tail (commerce mobile) est une tendance très nette qui a déjà été amorcée en 2011, mais qui en 2012 sera incontournable. Bien que la Belgique – comme c’est souvent le cas dans ce domaine – ait un sérieux retard, on voit de plus en plus de smartphones dans notre pays. Un gsm vendu sur trois est un smartphone. Selon une étude d’ici 2014 pas moins de 74% des consommateurs aux Etats-Unis auront un smartphone, dans l’Union Européenne il y en aura 43%. « Lorsqu’on considère que dans l’UE, certains pays sont encore plus lents dans l’adoption de nouvelles technologies, cela signifie donc que plus de la moitié des Belges en 2014 auront leur smartphone. », selon Herman Konings
D’autre part le consommateur fait tout avec son smartphone : non seulement pour vérifier des mails ou des horaires de trains, mais également pour rechercher des informations sur les produits. Les codes QR par exemple figurent déjà au top 5 des produits de l’année. On les retrouve en Allemagne et d’autres grands pays, non seulement dans la communication et les publicités, mais également de plus en plus dans les magasins.
En ajoutant les codes QR aux étiquettes des produits, les retailers peuvent fournir aux clients des informations intéressantes concernant l’histoire derrière le produit, une information plus approfondie du produit, voire même des infos concernant des actions et promotions temporaires.
Les retailers doivent donc se préparer à ce que les consommateurs avec leur appareil mobile amènent l’univers online dans le magasin physique. C’est une occasion pour les commerçants de créer une plus-value quant à l’expérience en magasin.
M-, S- et F-commerce
Dans le domaine online, outre le « m-commerce » (commerce mobile), Herman Konings constate également l’arrivée en force du « social commerce » ou « s-commerce ». Les médias sociaux occupent une place de plus en plus importante dans notre société, donc le retail doit lui aussi suivre ce mouvement. Depuis 2010 la répartition démographique de la société se reflète à travers les médias sociaux : InSites a calculé que les plus de quarante ans y constituent enfin une majorité.
En Belgique Facebook joue un rôle très important : avec 4,5 millions d’accounts Facebook, la Belgique compte 3 à 3,5 millions d’utilisateurs uniques de ce réseau social, soit 30% de la population belge. Il est évident que cela offre des perspectives pour ledit « f-commerce », c.-à-d. le Facebook-commerce.
Ainsi quelques 10.000 sites d’e-commerce se sont connectés à Facebook Connect, permettant au consommateur s’il aime un produit de le partager via ce media social. Si ses amis ensuite achètent l’un des produits (pas nécessairement online), le consommateur bénéficie de f-credits, lui permettant d’acheter d’autres articles. Le producteur de films Warner Bros. a récemment appliqué ce système en offrant gratuitement le film « The Dark Knight » pour 30 f-credits.
L’ingéniosité du système réside dans le fait qu’il peut créer un lien online et offline : Facebook Connect incite le consommateur à faire de la publicité online pour les produits qu’il aime, mais également à acheter offline et ensuite à partager son achat online. Les retailers en 2012 doivent donc d’urgence investir dans cette approche multicanal. Dans les quatre années à venir on s’attend au Royaume-Uni à une hausse d’environ 11% des ventes online par rapport à 2011, par conséquent d’ici 2015 quelques 26.500 commerces devraient fermer boutique suite à la concurrence internet.
Le ‘do’ de do-tail
Comment les magasins physiques peuvent-ils survivre ? Selon Herman Konings ils devront surtout investir dans la ‘convivialité’ : en montrant par exemple comment sont fabriqués les produits. Pour ce faire les workshops sont des instruments très efficaces et de plus en plus populaires.
Les workshops dans les Levi’s Stores en sont en bel exemple : « La marque de jeans Levi’s a connu des difficultés pendant un certain temps, jusqu’à ce qu’elle lance il y a deux ans environ aux Etats-Unis – à présent également à Berlin – des ateliers photos dans les magasins. Dans le magasin même les clients, sous l’accompagnement d’un instructeur, peuvent faire de la photo avec du matériel professionnel. Ensuite ils peuvent même montrer leur travail dans le magasin, comme une véritable exposition, vernissage inclus. Un exemple magnifique de traffic building, à mon avis. »
Le trendwatcher a surnommé cette tendance où les marques s’associent à l’idée du workshop, le ‘do-tail’ : « Le fait de dévier autant de son activité de base peut sembler étrange au retailer, mais c’est une façon de fidéliser le client. Certains boulangers par exemple organisent des workhshops de pâtisserie ».
L’ère du D, I et Y
Ainsi l’on passe sans problèmes de la tendance ‘do-tail’ aux tendances ‘edu-tail’ et DIY. Le groupe design hollandais Droog en est exemple original. Le client peut créer ses propres meubles via un logiciel gratuit. Une fois le meuble idéal conçu, il est fabriqué par des producteurs locaux et le client peut ensuite aller chercher son œuvre dans le magasin.
Ainsi on crée une histoire autour du produit et à la fois une complicité avec le consommateur. C’est une dimension supplémentaire pour le retail physique, dont le secteur a bien besoin, afin de faire face au commerce internet et aux champions des prix.
Pour ce faire et comme Droog l’illustre bien, la technologie peut être un allié de taille. Les exemples de tablets, de codes QR et autres sont innombrables, mais selon Konings le mot tendance pour l’année prochaine sera ‘gamification’ : « De plus en plus de chaînes de magasins conçoivent un jeu online ou mobile, afin de vendre leur produit. »
La chaîne de pizzas Domino’s a été l’une des premières à lancer un jeu ludique permettant au client de composer virtuellement sa propre pizza. Non seulement le client peut créer sa propre pizza (et ensuite la commander), mais il y a également un élément compétitif (le plus vite possible) qui intervient et le joueur reçoit des conseils d’un pizzaïolo.
Prix et qualité
Malgré – ou peut-être grâce à – les difficultés économiques le consommateur en 2012 n’est pas disposé à faire des concessions, ni au niveau du prix, ni au niveau de la qualité. L’importance de la qualité en 2012 ne doit pas être sous-estimée, mais ce à un prix fixe.
Les trendwatchers qualifient cette tendance d ‘ « extra-ordinaire » : autrefois le consommateur pour un prix de base se contentait d’un produit de base d’une qualité de base, aujourd’hui il veut davantage … pour le même prix de base. Il faut donc toujours plus : plus de choix, d’une meilleure qualité à un meilleur prix. Zara et JBC y parviennent, mais les chaînes hôtelières elles aussi sont obligées de développer des formules qui par exemple allient design et budget.
Pensez par exemple à l’hôtel Mama Shelter à Paris, un hôtel design très tendance et bon marché, signé Philippe Starck. Afin de réduire les frais, on préfère économiser sur le personnel : dans certains hôtels le client fait son check-in lui-même via son smartphone. Pour les retailers physiques aussi il est absolument nécessaire de proposer des espaces de qualité.
Les 20/30 ans (babybusters) ont moins de capital et sont souvent confrontés au manque de temps et d’argent, mais leur enfance a été baignée dans la qualité et la prospérité. Leurs parents sont les babyboomers qui ont bénéficié de la croissance d’après-guerre et ont pu offrir un luxe à leurs enfants qu’eux-mêmes n’avaient pas connu durant leur enfance. Ces jeunes d’aujourd’hui ne veulent pas restreindre leur train de vie, explique Herman Konings
Même les marques de distributeur ont très bien compris que le travail sur la qualité du produit est aussi important que la promesse de prix. Depuis trois ans environ les marques propres sont subdivisées en trois catégories, avec au sommet la ligne de luxe qui souvent tente de surpasser l’image qualitative des marques A.
Investir dans le babyboomer
Pour Herman Koning il est évident qu’en 2012 il faudra investir sérieusement. Car aussi surprenant que cela puisse paraître, en 2012 un capital important pourra être consacré au retail. Les babyboomers sont en train de quitter massivement le marché du travail et prennent leur pré-retraite, et disposent donc d’un capital important et de temps à consacrer au retail.
Durant les trois premières années de la pension les principaux postes de dépenses sont le retail et les voyages. Paradoxalement ils peuvent profiter de la récession économique : certaines choses deviennent meilleur marché et les babyboomers pensionnés en profitent un maximum.
Grâce au temps libre dont ils disposent abondamment , le « hobbyisme » sera également une tendance très marquante l’année prochaine. Si bien que Herman Konings dans son dernier livre ‘Sub Rosa’ écrit que l’ère de l’amateurisme est révolu : « Actuellement chacun peut avoir accès au matériel professionnel et via You Tube le hobbyiste peut suivre de chez lui une formation entière . L’amateur se hisse au niveau du professionnel. Dans la photographie l’amateur surpasse parfois même le professionnel. »
Afin de répondre à cette nouvelle tendance, Herman Konings conseille au retailers d’investir dans les hobbys, en organisant des workshops par exemple. Il s’agit de petits investissements, mais qui peuvent attirer les clients. C’est avec des initiatives de ce type que les retailers de 2012 devront prouver leur plus-value.
Traduit par Marie-Noëlle Masure