The age of ‘everyware’
Cette année, nous devrons sans aucun doute d’abord tenir compte de l’internet mobile. C’est une histoire récurrente depuis plusieurs années et vous avez peut-être une impression de déjà-vu, mais selon Herman Konings, nous ne pouvons vraiment plus faire l’autruche : l’heure est venue de la révolution mobile, également en Belgique. Bien entendu, la mise en marche est lente, certainement en ce qui concerne les achats mobiles proprement dits, mais un mouvement a été déclenché.
« En 2014, la barrière des 50% sera franchie : cette année, plus de la moitié des adultes belges possèderont une tablette ou tout autre appareil mobile. Nous serons enfin face à une masse critique permettant au ‘commerce mobile’ de percer réellement. Le smartphone ou la tablette deviendront le nouveau couteau suisse virtuel, que tout le monde a toujours en poche. »
Le chasseur de tendances parle dès lors de ‘the age of everyware’ : tout est partout, et portable. Ce qui est le cas de la technologie littéralement portable, comme les montres et les lunettes interconnectées, qui devrait faire son apparition cette année.
Pop-ups sur roulettes
La tendance mobile revêt un caractère plus large qu’uniquement l’appareil qui se trouve dans votre poche, puisque dans un monde de plus en plus mobile, les espaces physiques doivent également s’adapter. Ainsi, Herman Konings observe l’émergence de magasins pop-up déplaçables : pop-ups sur roulettes. La marque américaine de jeans Levi’s en est un exemple frappant : durant trois semaines, la marque s’est déplacée en train de gare en gare, avec dans une partie du train un magasin complet et dans l’autre partie un espace d’exposition pour jeunes artistes. L’arrivée dans chaque gare était accompagnée de festivités et de toutes sortes d’événements.
Le pop-up mobile est très en vogue dans l’horeca. A l’exemple des célèbres ‘food trucks’ à New York, on voit apparaître à Berlin et en Scandinavie de nombreux restaurants et cafés sous forme de caravane ou de camionnette.
Chez nous, Herman Konings cite l’exemple de Hopdog à Bruxelles, mais il voit également beaucoup de possibilités d’application au retail. « Vous pourriez dire ‘oui, mais c’est ce que les marchands ambulants ont toujours fait’, mais ces pop-ups exploitent des lieux originaux et très à la mode. »
Short-cut economy
Peu importe s’il s’agit d’internet ‘normal’ ou mobile, la croissance du commerce en ligne est néanmoins synonyme de grands défis. L’e-commerce a augmenté l’année dernière de 15 à 20%, ce qui signifie que la Belgique est encore toujours légèrement en retard mais que les choses se développent quand même très rapidement.
« La logistique constitue l’un des problèmes majeurs aujourd’hui. La livraison à domicile est une excellente chose, mais souvent les gens ne sont pas à la maison en journée. De plus, ils se déplacent beaucoup en voiture, et, selon une enquête, en moyenne 70 à 75% de l’espace des voitures en circulation est inutilisé et vide. Ce qui a donné naissance au concept de ‘crowd-sourced delivery’ : des gens qui apportent des colis à d’autres. »
En Suisse, on peut citer l’exemple réussi de BringBee. Ce site permet aux gens de s’inscrire et de transmettre leur petite liste de commandes placées, entre autres, chez IKEA. Et inversement, vous pouvez annoncer que vous comptez vous rendre, par exemple, chez IKEA et que vous avez encore de la place dans votre voiture pour ramener des marchandises pour quelqu’un. Celui qui prend un objet pour le livrer à une tierce personne, reçoit une réduction sur ses propres achats.
« Ces systèmes connaissent un grand succès, parce que vous en retirez un bénéfice et qu’il s’agit d’une solution durable. Un autre exemple est le service Postmates à Seattle et à San Francisco qui cible le groupe de cyclistes récréatifs dans les villes qui ne cesse de croître. Via le gps-tracking sur votre smartphone, vous êtes localisés et via une alarme, le service vous demande d’aller chercher et de déposer des petits colis, avec une compensation financière en contrepartie. »
Tout se résume à ce que Herman Konings appelle ‘short-cut economy’ : « Le consommateur passe outre certaines phases. Cela peut parfois être préjudiciable pour le retailer – pensez aux plates-formes qui mettent les producteurs et les acheteurs en contact direct, comme Thuisafgehaald.be – mais quelquefois, cela peut offrir des solutions, comme dans ce cas-ci en matière de frais logistiques. »
Own your own data
Dans la nouvelle réalité retail, Herman Konings remarque que le consommateur s’organise davantage lui-même, également dans sa relation avec les médias sociaux. On commence à réaliser que toutes les informations qu’on dévoile – avec notre propre approbation – sont revendues. Cette conscience a pris une nouvelle dimension en 2013 avec les divulgations du dénonciateur Edward Snowden, et maintenant les contre-réactions surgissent.
« Le consommateur va se barricader et si les entreprises veulent obtenir des infos, elles devront prévoir une compensation. Le raisonnement est le suivant : les utilisateurs veulent également leur part du gâteau lorsque des bénéfices sont engrangés grâce à leurs données. On veut pouvoir contrôler soi-même ses propres données (own your own data). »
Par ailleurs, les entreprises en tireront de plus en plus profit, notamment en utilisant les ‘social currencies’. Herman Konings développe son propos grâce aux exemples suivants : « Le Kellogg’s Store a lancé un coup publicitaire vous permettant d’obtenir une réduction si vous tweettiez à propos de vos achats dans le magasin. Un autre exemple est celui d’un hôtel qui vous offre une nuit gratuite si vous avez plus de 10.000 suiveurs sur Instagram. En d’autres termes, votre réseau social devient la monnaie d’échange. »
La doctrine de l’hospitalité
Toute cette attention pour l’évènement en ligne ne peut néanmoins mettre en péril l’attention pour le point de vente physique. Selon Herman Konings, le retail a bien des choses à apprendre du ‘hospitality’, le secteur des voyages et de l’horeca. « Les secteurs doivent davantage interagir. Par exemple, qu’est-ce qu’un hôtel peut apporter au retail ? Beaucoup de choses, parce qu’ils sont tous les deux orientés de façon absolue vers le client. »
« Dans les grandes lignes, les défis sont semblables pour tout le monde : ils cherchent tous à limiter le plus possible les pertes dues à l’émergence du marché en ligne. Expérience, étonnement et bienveillance doivent dès lors jouer une rôle central », poursuit Konings.
Pour l’élément ‘étonnement’, le spécialiste en psychologie de la consommation fait référence au ‘serendipity shopping’, une tendance où les consommateurs se font membres payants d’un service qui leur envoie tous les mois un colis surprise comprenant toutes sortes de produits. Chez nous, il y a Deauty.be, qui, pour 15 euros par mois, vous envoie quatre produits cosmétiques dans le but de les tester et de les utiliser.
Pourquoi les gens s’inscrivent-ils à ce genre de choses ? En raison du besoin humain fondamental de surprises, estime le psychologue Konings. « Si vous sortez dîner, c’est généralement meilleur que lorsque vous cuisinez vous-même. Si vous êtes surpris, c’est plus savoureux. Le retail va également devoir s’en rendre compte. »
Herman Konings : « Cela peut aussi se répercuter sur la façon d’aménager un magasin : faites en sorte que les choses ne soient pas trop prévisibles, le consommateur craint la prévisibilité. Vous pouvez également surprendre en aménageant, par exemple, le magasin de façon modulaire, ce qui permet au client de ne pas devoir effectuer toujours le même parcours, ou en jouant avec l’éclairage. »
Lors du RetailPodium du 21 février Herman Konings commentera ces tendances et bien d’autres. Pour obtenir de plus amples informations et vous inscire, cliquez ici.
Cet article est paru précédemment dans le numéro de janvier 2014 du Magazine RetailDetail.