Baisse du pouvoir d’achat , vive les marques maison
La vie est de plus en plus chère et cette situation ne devrait pas changer de sitôt vu la hausse des prix énergétiques, les mesures d’austérité et les nouvelles taxes. Le consommateur en est bien conscient et réfléchit à deux fois avant de dépenser son argent.
En temps de prospérité, le consommateur choisira entre telle ou telle marque, mais lorsque le pouvoir d’achat est en baisse, il hésitera entre tel ou tel produit. L’argent épargné en renonçant à l’achat d’un certain produit lui servira à acheter d’autres produits, comme par exemple ce nouveau smartphone dont il rêvait depuis longtemps.
Résultat : les MDD font l’objet de ‘rebranding’ et se taillent la part du lion dans les rayons des supermarchés. Qu’il s’agisse d’Everyday et Boni chez Colruyt, des marques maison 365 et Taste of Inspirations chez Delhaize ou encore tout simplement la marque Carrefour chez Carrefour, l’assortiment des MDD est à ce point complet, qu’on pourrait très bien se passer de produits de marque ? Mais est-ce vraiment le cas ?
Glissement dans la chaîne des valeurs
Autrefois les marques dominaient le marché. Celles-ci étant devenues trop chères, les retailers ont alors décidé de prendre les choses en main et se sont mis à fabriquer eux-mêmes leurs produits.
Même si l’époque des fameux ‘produits blancs’, synonyme de produits à prix plancher mais de moindre qualité, est définitivement révolue, les marques maison n’en reste pas moins meilleur marché que les marques A. Une différence de prix qui s’explique par le fait que pour les MDD le prix est déterminé uniquement par le coût des ingrédients, alors que pour les marques A les frais de marketing et de recherche entrent également en ligne de compte dans la fixation du prix.
Par ailleurs à l’ère de la numérisation, les consommateurs actuels appartiennent à une génération ‘shortcut’ : ils se regroupent en ‘communautés’ où ils échangent leurs propres produits (allant de légumes cultivés dans leur jardin jusqu’aux plats préparés maison), ils adhèrent à des systèmes d’abonnement tels qu’Amazon Fresh et ils ont une préférence pour les produits locaux et bio. Les valeurs et les rapports de force s’en trouvent complètement changés et bout du compte les fabricants de marques se trouvent devant un rude combat à mener.
Les marques sont nécessaires pour innover
L’ère des marques touche-t-elle à sa fin ? Certainement pas, car elles représentent l’innovation, un atout qu’elles doivent exploiter. Si les marques en innovant sont en mesure de proposer aux consommateurs des produits qui répondent à leurs désirs, elles auront toute leur raison d’être et leur prix plus élevé sera entièrement justifié.
Mais la différence de prix entre les marques A et les MDD est inévitable. Tenter de concurrencer les MDD au niveau du prix est donc un combat perdu d’avance. Dès lors la voie à suivre pour les marques est d’offrir aux consommateurs une plus-value dans le domaine de la durabilité, des valeurs sociétales et de l’innovation.
Danser sur la corde raide
D’autre part la mise hors-jeu des marques A peut avoir de fâcheuses conséquences pour les chaînes de supermarchés. Quelle serait encore la différence entre un supermarché classique et un discounter, si par exemple Colruyt, Delhaize et Carrefour intégraient plus de 70% de MDD dans leur assortiment et si Aldi et Lidl pour leur part inséraient 30% de marques dans leur offre ?
Toute chaîne de supermarchés doit déterminer pour elle-même à quel type de consommateur elle souhaite s’adresser, de façon à ce que sa politique à court terme (gagner la guerre des prix) ne lui explose pas en pleine figure. Cette vision à court terme peut occasionner de sérieux dégâts à long terme.
Les fabricants de marques, avec leur département ‘research & development’, ne fournissent pas uniquement des produits innovants, mais procurent également de nombreux emplois : les licenciements et pertes d’emplois suite aux fermetures d’usines et à la délocalisation d’unités de production en sont la triste preuve. Si seules les grandes marques et les marques maison subsistent, la situation pour le segment moyen s’annonce dramatique.
La chaîne des valeurs est en pleine révolution, c’est incontestable. La question est de savoir jusqu’où tout cela peut aller : les bonnes affaires dans les supermarchés seront-elles si avantageuses que ça à long terme ? Evoluons-nous vers une société où les supermarchés engloutiront les producteurs ? Ou est-ce l’inverse : les producteurs, grâce à l’internet, deviendront-ils des vendeurs et limiteront-ils encore davantage la liberté de manœuvre des retailers ? L’avenir nous le dira …
Cet éditorial a été écrit par Jorg Snoeck, fondateur de RetailDetail. Cliquez ici pour découvrir son précédent éditorial ‘Toute la chaîne des valeurs est sous pression’.