Le spectre de la récession
En 2012 l’épargne sera omniprésente, affirme Gino Van Ossel d’emblée. « Nous nous sommes assez vite remis de la récession précédente, mais tout porte à croire que 2012 ne sera pas une période évidente. Ce qui aura également son impact sur le climat des investissements ».
Les entreprises, collaborant avec des groupes d’investisseurs, ressentiront davantage la pression des marchés financiers. La bourse est instable, les actionnaires veulent des résultats rapides et ne sont donc plus intéressés par des projets à long terme ou des gros investissements.
« Lars Olofsson a voulu par exemple développer rapidement la formule Carrefour Planet, mais suite aux mauvais résultats sur le marché français, il a été rappelé à l’ordre par les actionnaires. De la même manière d’autres grands projets prendront du retard, tant pour les petits retailers que pour les grands groupes internationaux », estime le professeur Van Ossel.
Suite à l’index et l’inflation, les frais ne cessent d’augmenter. Par conséquent, selon lui, les commerçants dépenseront moins au niveau du personnel, de la publicité, … à tout niveau en fait.
Le secteur de la mode prédit l’imprévisibilité
Au niveau de la budgétisation l’incertitude est grande pour cette nouvelle année. « J’entends dire continuellement que la récession entraîne une grande nervosité. Principalement dans les secteurs étroitement liés aux saisons, notamment dans la branche de la mode, on est très prudent au niveau des commandes. » Les magasins de vêtements commandent moins de stock, craignant de se retrouver avec trop d’invendus.
L’angoisse est d’autant plus grande que 2011 n’a pas été non plus un grand succès. « Le secteur de la mode a connu une année très étrange. La saison d’été était excellente, entre autres grâce à l’arrivée précoce du beau temps, mais la saison d’hiver a été carrément dramatique. Au mois de mai la crise semblait derrière le dos et donc les consommateurs ont à nouveau fait du shopping. En automne toutefois cette confiance fragile s’est soudainement à nouveau effondrée, » observe Gino Van Ossel.
« Même si les organisations de commerce indiquent que les ventes au mois de décembre se sont très bien déroulées, il ne faut pas oublier que la base de comparaison est très faible. En effet l’année dernière les chiffres d’affaires ont été très médiocres en période de fin d’année suite à l’enneigement durant les dimanches d’ouverture des magasins à la période de Noël.
Les chiffres pour la totalité de l’année 2011, grâce au succès de la saison de printemps, ne sont pas mauvais en soi, mais au bout du compte la mauvaise saison d’hiver est déterminante. De plus les vêtements d’hiver sont plus chers que les vêtements d’été. Elément positif toutefois : cette année les soldes ont démarré durant les vacances de Noël. »
Le secteur alimentaire n’est plus épargné
Jusqu’à présent la branche alimentaire avait été épargnée, mais on constate maintenant que ce secteur est également touché par la récession. C’est quasiment la première fois que le chiffre d’affaires des supermarchés augmente moins que l’inflation, raison pour laquelle ils enregistrent une légère régression.
La fois dernière la distribution alimentaire avait bien traversé la récession, parce que le consommateur allait moins souvent manger à l’extérieur et se préparait à manger chez lui. Actuellement même cet avantage a disparu, affirme le professeur Van Ossel. « Une période difficile s’annonce donc pour les supermarchés. »
D’autre part il y a également la concurrence entre les différents supermarchés : “Albert Heijn doit encore faire ses preuves, mais ses nombreuses promesses inquiètent les concurrents. Carrefour pour sa part renaît de ses cendres et Delhaize a de plus en plus de mal à générer une croissance like-for-like. Chez Colruyt le bénéfice est compromis, alors qu’Aldi et Lidl reprennent le dessus. »
Côté consommateur dans ce climat tendu, on ne constate absolument aucune disposition à faire des concessions. Alors que les prix des matières premières et autres frais augmentent, le consommateur continue résolument à exiger le plus bas prix.
Gino Van Ossel se réjouit tout bas d’observer la relation entre les fabricants de marques et les distributeurs dans la période à venir. « Les négociations de fin d’années se sont bien déroulées – il n’y a pas eu de nouveaux conflits – mais la nervosité augmente, » estime-t-il.
Tendance à reporter à plus tard
L’incertitude règne également dans les autres secteurs : la branche du bricolage est particulièrement imprévisible en temps de crise. « A chaque creux économique, le secteur du bricolage ressent un double effet. Logiquement on pourrait s’attendre à ce que les gens bricolent davantage, fassent plus de travaux eux-mêmes, mais d’autre part les gens peuvent facilement reporter à plus tard des travaux dans la maison. Le secteur du meuble lui aussi est touché par cette tendance à remettre au lendemain. »
Dans le secteur de l’électronique il faudra attendre l’arrivée de nouveaux produits, mais plus encore que dans d’autres secteurs l’évolution vers la vente online y joue un rôle considérable.
“Paradoxalement les supermarchés profiteront peut-être de la hausse du taux de chômage. Généralement c’est une bonne nouvelle pour les supermarchés, par exemple parce que les consommateurs-chômeurs au lieu de commander des sandwiches au travail, se font leurs tartines eux-mêmes et s’achètent donc davantage de pain et de garniture pour tartines. »
« 2012 année décisive pour l’e-commerce »
Il serait faux de dire qu’en cette période de difficulté économique il n’y aura pas d’innovations. La tendance e-commerce évolue rapidement et de plus en plus de retailers comprennent que s’ils ne prennent pas ce train en marche, ils seront définitivement dépassés.
L’évolution du commerce en ligne en 2012 sera très importante. Non seulement sur le plan technologique, mais également en utilisant des moyens modestes, les retailers tenteront d’établir leur présence online. La question n’est pas de savoir ‘si’, mais plutôt ‘comment’ il faut intégrer internet dans la stratégie de vente. On peut le faire par exemple en utilisant tout simplement des iPads en magasin.
Les consommateurs de toute manière introduisent l’internet au sein du magasin physique, donc en 2012 tout le monde devra chercher comment gérer ce phénomène. « Une discussion intéressante à ce sujet est celle de l’internet mobile : de plus en plus de retailers (pensez par exemple à Starbucks, McDonald’s et Tesco) proposent eux-mêmes l’internet sans fil .
Mais le consommateur exigera-t-il l’accès à Wi-Fi ou prendra-t-il son propre abonnement? Et les retailers, les villes ou d’autres instances doivent-elles proposer ce réseau sans fil ? » se demande le professeur Van Ossel.
Le consommateur insaissisable
L’année 2012 sera marquée par la récession, mais il y aura comme toujours dans ce genre de climat des audacieux qui fonceront au moment même au chacun économise ses forces. De plus étant donné que les priorités des grands se situent ailleurs que dans notre petit pays, cela pourrait bien être une bonne tactique.
Dans le domaine du commerce en ligne tout retailer, petit ou grand, devra s’investir au maximum. Pour le retail physique il s’agit réellement du ‘dernier appel’ à se lancer online, étant donné que le consommateur accueille à bras ouverts le canal du e-commerce.
Ce qui frappe avant tout c’est le côté insaisissable du consommateur : « Des produits chers comme les iPads se vendent comme des petits pains, alors qu’on économise sur l’alimentation et le textile », observe Van Ossel.
Pour les acheteurs il est très important de tenir compte de ces changements dans les besoins du consommateur, signale l’expert en retail : “Pour les acheteurs et les retailers il est important d’investir dans la vente et de ne plus penser uniquement en termes de marge. »
Traduit par Marie-Noelle Masure