Nul n’ignore que le modèle hard discount de la ‘vieille école’ a connu de meilleurs temps. La possible apparition de quelques marques A chez Aldi Belgique marque-t-elle un tournant ou est-ce une convulsion d’un modèle d’entreprise en perte de vitesse ?
Pas de revirement
Des marques dans les rayons d’Aldi, ce n’est pas une première pour la chaîne. Depuis quelque temps déjà le discounter vend des produits de marque, dont Ferrero, Mars et Coca-Cola, dans nos pays voisins, notamment les Pays-Bas et la France. L’introduction de ces marques A n’a pas provoqué de revirement, tout au plus une petite augmentation du panier moyen. Les résultats d’Aldi Nord sont sous pression dans toute l’Europe (du Nord) depuis des années.
Rien d’étonnant donc à ce que certaines marques frappent à la porte d’Aldi Belgique : cela reste une belle entreprise et impossible de négliger 10% du marché, qui plus est lorsque votre stratégie marketing stipule que vous devez être présents partout. De plus, le risque d’une érosion des prix est limité dans un pays où Colruyt mène la danse.
La simplicité face à la complexité
Le risque semble être plus important pour Aldi : la simplicité a toujours été au cœur de la stratégie Aldi. La simplicité des opérations (pour maîtriser les coûts), mais également la simplicité pour l’acheteur (qui dans un Aldi n’a pas l’embarras du choix comme dans un hypermarché). Une idée révolutionnaire à l’époque, et cela mérite un immense respect.
L’approche d’Aldi est devenue plus complexe : des magasins plus grands et plus beaux, un assortiment plus étendu avec davantage de produits frais (même du pain), des heures d’ouvertures plus larges, … Le discounter souhaitait devenir une nouvelle sorte de supermarché de quartier, ce qui lui a valu un succès relatif.
L’introduction de marques nationales dans la gamme fera encore augmenter cette complexité : tant pour l’organisation (qui va devoir mener des discussions difficiles avec des fabricants de marque et qui va devoir apprendre à exploiter d’autres flux logistiques) que pour l’acheteur (qui sera confronté à un plus grand choix dans les rayons). Et ceux qui compareront les prix, verront qu’Aldi n’est pas le moins cher.
Ultra-conservateur
Si le hard discounter se voit obligé d’adapter sa stratégie, c’est par pure nécessité. Le public d’Aldi vieillit et celui qui souhaite attirer un public plus jeune, doit vendre du Coca-Cola ou des pizzas Dr. Oetker (qui viennent d’entrer dans la gamme en Allemagne), ou du Red Bull, comme aux Pays-Bas.
Par ailleurs, les consommateurs n’acceptent plus les compromis. Ils exigent les prix les plus bas, une gamme complète et un service parfait. La plupart des retailers offrent tout ceci à leur clientèle, en plus d’un assortiment de marques de distributeur de qualité ainsi que des promotions importantes sur les grandes marques A, et ce dans des magasins privilégiant l’expérience d’achat. La barre se situe donc à un niveau très élevé.
Aldi Süd et Lidl sont confrontés aux mêmes défis, mais semblent mieux réussir à se réinventer. Contrairement à ces chaînes, l’enseigne Aldi Nord est ultra-conservatrice. Dans le domaine de l’innovation, que pouvez-vous attendre d’une entreprise qui, en 2016, ignore les médias sociaux, qui ne veut pas entendre parler de transparence et qui communique encore par fax avec ses fournisseurs ? Ne serait-ce pas un peu ‘too little, too late’ ?
Less is more
L’histoire d’Aldi illustre bien ce que l’on appelle ‘the wheel of retailing’ en marketing : de nouveaux concepts de magasins arrivent sur le marché, avec des prix bas et peu de fioritures et connaissent le succès au début, mais à mesure que la concurrence réagit en baissant ses prix, leur croissance ralentit et leurs marges diminuent. Les discounters tentent de renverser la vapeur en rajoutant un assortiment de qualité supérieure et en augmentant le service. La roue continue de tourner, ce qui crée un vide dans le bas du marché, qui peut à nouveau être comblé par de nouveaux acteurs agressifs.
C’est ce qui se passe aujourd’hui : la chaîne Action non plus n’est pas active sur Facebook, ni dans le développement durable. Néanmoins elle conquière l’Europe avec une part croissante de marques FMCG à des prix défiant toute concurrence. Peut-être Aldi devrait-il se ressourcer. Un retour à la simplicité au lieu d’augmenter la complexité. Un profond assainissement, avec l’accent sur le consommateur soucieux des prix. Less is more.