Les racines des scandales qui touchent actuellement FNG possèdent des origines assez lointaines. Maintenant que de plus en plus d’informations font surface, il devint clair que plus d’une partie est impliquée et que de nombreux autres cadavres risquent encore de sortir du placard.
De Steps à e5 mode ?
Depuis 2014, une mystérieuse petite entreprise, Mogali, gravite en arrière-plan autour du groupe de mode, qui était déjà très ambitieux à l’époque. Selon De Standaard, ce nom mène à l’entrepreneur néerlandais Rens van de Schoor dont les liens avec FNG sont, à l’heure actuelle, particulièrement critiqués. Ce dernier a conclu un accord avec le PDG Dieter Penninckx : Van de Schoor a racheté en son nom propre des chaînes en difficultés (Steps, Miss Etam et plus tard aussi Brantano) afin de les assainir pour ensuite les revendre en bonne santé à FNG.
Ce même système (achats privés, assainissement et revente à sa propre entreprise), que Penninckx décrit lui-même comme « ingénieux », a également été utilisé lors de l’acquisition de Brantano. Van de Schoor, Penninckx et Wouter Torfs ont uni leurs forces à cette occasion, et cette chaîne est elle aussi entrée dans la holding FNG quelque temps plus tard. Torfs Import Service, la holding mère qui regroupe l’ensemble des activités de la famille Torfs, avait clairement convenu que la participation dans Brantano serait convertie en actions de la holding FNG, déclare Wouter Torfs ayant lu avec étonnement les nouvelles révélations apparues dans les journaux. Aujourd’hui, Torfs Import Services détient donc une participation de (seulement) 4 % dans FNG, ce qui représentait à l’époque un investissement de 20 millions d’euros dont la valeur diminue aujourd’hui de manière visible.
Qu’en est-il de e5 mode ? Début janvier, FNG et e5 mode ont conclu un partenariat commercial quelques semaines à peine après que Frédéric Helderweirt ait racheté à titre personnel le détaillant de mode déficitaire. Helderweirt était-il un autre prête-nom pour Penninckx, tout comme Rens van de Schoor ? L’histoire semble se répéter, car Helderweirt a lui-même travaillé pour Brantano jusqu’en mars 2018 et était un camarade de classe de Dieter Penninckx. Helderweirt a toujours nié le lien entre son ancien employeur et son nouvel emploi, mais les liens d’amitié et les liens professionnels sont eux indéniables.
Il est également frappant de constater qu’en janvier FNG a fermement nié vouloir reprendre e5 mode, mais a pourtant annoncé coopérer par l’intermédiaire de ses plateformes d’achats en Turquie et en Asie. Précisément : la même plateforme où des transactions douteuses et des accords sans contrats ont eu lieu. Tout ce qui s’est passé à Hong Kong n’a pas encore été révélé, mais il s’agit certainement d’une question méritant d’être approfondie.
Trafic d’actions non imposées
La question est en tout cas de savoir pourquoi l’astuce de l’achat et de la revente est devenue une recette éprouvée de la formule FNG. N’enregistrer une société qu’une fois qu’elle ne se trouve plus dans le rouge permet bien sûr à une holding, vivant grâce aux investisseurs boursiers et à l’émission d’obligations, de garder une comptabilité « saine », mais nous savons aujourd’hui que ce n’était plus le cas depuis longtemps. Une autre piste intéressante ? En Belgique, la plus-value sur la vente d’actions n’est pas imposée… Le grand avantage des rachats privés est donc que cette plus-value finit directement dans la poche du vendeur. Cependant, si les acheteurs ne sont autres que ses propres entreprises, il se risque alors sur un terrain glissant.
La question est donc de savoir à quel prix des entreprises comme Brantano ont été achetées à titre privé, à quel prix elles ont été revendues et comment le paiement a-t-il été effectué ? Étonnamment, Jan De Nys, PDG de Retail Estates, spécialiste de l’immobilier, a récemment déclaré dans une interview accordée au journal De Tijd que « Brantano avait été saigné à blanc ». Encore plus frappant encore, est le fait qu’il déclare, qu’il y a un an, Brantano voulait se débarrasser de sept magasins wallons déficitaires. Quel lien existe-t-il entre la soi-disante success-story et ce retournement de situation ?
La revente aurait peut-être permis à Penninckx de passer sans encombre à la caisse – et donc d’injecter trois millions d’euros de fonds propres dans le club de football KV Mechelen. Cela pourrait également expliquer pourquoi Mogali est une société belge appartenant à Rens van de Schoor, dont l’ensemble des activités est basé à Amsterdam. En outre, selon De Standaard, un grand nombre d’actionnaires mystérieux et anonymes se dissimulent encore derrière de douteuses constructions financières. FNG est d’ailleurs la première société belge cotée en bourse qui (aujourd’hui) a introduit le droit de vote double : les actionnaires qui détiennent leurs actions depuis plus de deux ans peuvent obtenir le double de voix. À l’heure actuelle, ce serait le cas pour un actionnaire, non spécifié.
Omerta intenable
L’enrichissement personnel est-il la clé du secret ? Plus on creuse, plus les informations remontent. L’omerta qui y régnait s’avère aujourd’hui intenable : trop de personnes sont impliquées pour que tout ceci reste confidentiel. Mais de qui s’agit-il ? FNG était et reste une entreprise fortement enracinée dans tous les domaines d’activité au Benelux : un grand nombre de vétérans du secteur du commerce de détail sont ou étaient des actionnaires, des investisseurs ou des membres du conseil d’administration et du comité d’audit.
Compte tenu des nombreux changements dans la gestion financière – avec même une période sans directeur financier – le conseil d’administration et le comité d’audit auraient au moins dû avoir un aperçu des chiffres. Tout ceci ne peut être l’œuvre d’une seule personne. L’Autorité des services et marchés financiers ne compte pas lâcher prise et a déjà ouvert quatre enquêtes différentes.
Quel est à ce jour l’avenir de FNG et de ses plus de 3 000 employés ? Le problème est que tout le monde se retrouve aujourd’hui dans une position délicate : avec la menace de licencier des centaines d’employés, la direction espère pouvoir forcer les banques à aider l’entreprise. Ces dernières n’ont d’ailleurs pas beaucoup d’autres choix que de faire des concessions, car non seulement elles lui ont accordé des prêts, mais ont également vendu avec empressement les obligations de cet étoile montante.
Revendre maintenant leurs actions engendrerait désormais d’énormes pertes pour les actionnaires, tandis que la recherche d’un repreneur pour l’entreprise s’est aujourd’hui transformée en une tâche particulièrement ardue étant donné l’atmosphère scandaleuse qui l’entoure. Il est aussi possible que l’entreprise soit assainie au moyen d’une restructuration pour la faire ensuite acquérir par un grand magnat allemand du commerce de détail. Démêler cet imbroglio constitue certainement la première étape, et sans aucun doute quelque chose qui devrait également intéresser le Parquet…