Si les commerçants ne savent pas ce qu’ils veulent, comment les consommateurs devraient-il le savoir ? Comme presque toute la Belgique, le commerce de détail oscille constamment entre la peur et l’arrogance. C’est surtout le secteur de la mode qui est en souffrance – espérons que ce ne soit pas le coronavirus.
Conclusions après deux jours
Les groupes d’intérêt du secteur de la mode se déchirent. Reporter les soldes, demande Unizo après un sondage fantôme. Très mauvaise idée, estiment les chaînes de magasin. Resserrer les mesures, demande le syndicat. Très mauvaise idée, affirment tous les autres, cette fois-ci en chœur. Le consommateur, spectateur, est rapidement parti en quête des offres du Black Friday.
Deux jours à peine après la fermeture de l’horeca, Mode Unie, filiale d’Unizo, sait déjà que ces fermetures coûtera aux magasins de prêt-à-porter flamands la moitié de leur chiffre d’affaires. La corrélation est irréfutable et, au bout de deux jours seulement, statistiquement prouvée, n’est-ce pas ? Et l’organisation des entrepreneurs indépendants sait avec tout autant de certitude que 80% de ses membres sont favorables à un report des soldes d’hiver au moins de février est. Cela aussi ressort irréfutablement d’une enquête.
Pensez à cet été
Cependant, personne ne semble avoir répondu à ce sondage, ni même avoir été interrogé. Les membres réagissent et ne tardent pas à exprimer leur mécontentement. Les acheteurs de chaussures pour les chaînes de mode belges demandent ainsi un nouveau sondage, un auquel ils auront le droit de répondre. Et cette réponse sera assassine, ils le savent déjà : pensez à cet été, lancent-ils. À l’époque, les soldes avaient également été reportées d’un mois, mais cette mesure avait remporté un succès mitigé.
Le chiffre d’affaires pendant les soldes d’été a reculé d’environ 40% par rapport à celui de l’été 2019. Les soldes avaient même horriblement mal commencé, selon Comeos et le SNI. Il est d’ailleurs étonnant qu’Unizo soit favorable à un nouveau report des soldes : en août, l’organisation avait lancé une campagne avec des cartoons assez cyniques pour demander au gouvernement d’autoriser les clients à faire leurs achats au minimum à deux.
Chaussures d’hiver en février
Les mesures anti-coronavirus, y compris un confinement à Anvers, ont bien entendu beaucoup influencé la faible participation, mais il est également frappant de constater que, entre la réouverture des magasins en mai et la période effective de soldes, les réductions étaient toujours en toile de fond. Dans une tentative acharnée de sauver ce qui pouvait encore l’être, une bataille de réductions a immédiatement éclaté, qui a également facilement fait son chemin jusqu’en période d’attente. Ça a sans aucun doute été le cas du côté des acteurs étrangers et des ventes en ligne, et les consommateurs s’étaient de toute façon habitués à faire leurs achats sur internet. Après le confinement, nous avons ainsi bénéficié de trois périodes de soldes. L’histoire est-elle en train de se répéter ?
Le secteur est déjà très divisé : JBC, Mayerline et Xandres , entre autres, sont favorables au report, de même que les indépendants, tandis que la plupart des chaînes et leur porte-parole Comeos sont contre. Ou, comme le dit la centrale d’achat ABCD (Association Belge de la Chaussure au Détail) : « Reporter les soldes, c’est concéder un énorme avantage concurrentiel à nos concurrents étrangers qui inonderont le marché belge de super réductions anticipées grâce au e-commerce. Cela a déjà été éprouvé. De plus, nous craignons que les consommateurs reportent à nouveau leurs achats. Sans parler du décalage, car qui veut acheter des chaussures d’hiver en février ? »
Colère contre le syndicat
Heureusement, les différents acteurs peuvent encore s’accorder sur une chose : la résistance commune contre les syndicats. Ceux-ci demandent des mesures plus strictes, craignant de nouvelles contaminations et une pression excessive sur les employés en magasin. Demandez à nouveau aux clients de faire leurs achats seuls, imposez un délai et mettez fin au fun shopping, a revendiqué ACV Pulse. Et le fait que, justement ce jour-là, un magasin Colruyt ait dû fermer parce que toute l’équipe avait été mise en quarantaine suite à sept contaminations, ne pouvait que renforcer son appel.
Cela a cependant suffi à Comeos et Unizo pour enterrer la hache de guerre à la hâte et affirmer d’une seule voix que ce n’était absolument pas nécessaire. Mieux vaut faire plus de shopping plutôt qu’un peu moins, comme à l’occasion du Bel Friday, auprès de « vrais » détaillants belges. Sinon, pour certains magasins de prêt-à-porter en difficulté, la question des soldes ne se posera de toute façon pas…