L’industrie de la mode subit de plein fouet la crise du coronavirus et les confinements et autres restrictions de fréquentation des magasins qui en découlent. Mais le changement est également plus profond, estime Dwayne Branch, senior manager chez Deloitte. « De plus en plus de magasins vont devoir se remettre en question », dit-il.
Segment du milieu de gamme étouffé
« En soi, l’impact de la crise du coronavirus sur l’industrie de la mode n’est pas différent que dans d’autres secteurs des biens de consommation, en particulier lorsqu’ils ont des points de vente au détail », explique Branch. « Pour ceux qui ont également une forte présence en ligne, le bilan est mitigé : situation difficile pour les magasins physiques, mais taux de croissance inédit dans les activités en ligne. »
Deloitte a analysé les tendances du commerce électronique en Europe. « La croissance numérique a atteint des sommets au Royaume-Uni mais beaucoup d’autres pays, dont la Belgique, n’étaient pas très loin, avec une croissance à deux chiffres. » Branch constate également une accélération de la tendance à l’étouffement des acteurs du milieu de gamme par les acteurs du luxe d’une part, et par les combattants des prix d’autre part.
Une question récurrente dans l’évolution du secteur de la mode concerne les chances de survie du modèle de la mode rapide. Branch y croit fermement : « La mode rapide n’est pas morte, mais elle est très affaiblie et il faut y remédier », déclare-t-il. « La durabilité s’est incontestablement imposée comme une priorité. Les acteurs traditionnels de l’industrie de la mode rapide vont devoir s’adapter pour rester pertinents. »
La mode rapide reste un modèle pertinent
Toutefois, selon Branch, le concept est loin d’être en bout de course : « Il y a encore des clients qui se ruent sur les tenues similaires que celles portées par les stars. Jouer sur cette tendance en sortant rapidement de nouvelles collections reste un modèle pertinent. Mais les clients sont de plus en plus soucieux des matériaux utilisés dans les collections et de la durabilité sur l’ensemble de la chaîne de production de ces vêtements. »
La crise du coronavirus a indéniablement laissé des traces et Branch doute que nous revenions à « l’ancienne normalité » une fois que la pandémie sera terminée. « Il faut simplement se demander à quand remonte cette ancienne normalité », sourit-il.
Pas de vague de faillites grâce au soutien des banques et du gouvernement
« Certaines tendances impulsées par le coronavirus devraient perdurer après la crise. Nous faisons des achats moins souvent en ce moment vu le contexte, mais je pense que cette tendance se maintiendra après le coronavirus. Les gens deviennent plus économes, moins enclins à jeter leurs vêtements. Et ils ne doivent pas les jeter, car les vêtements s’usent moins vite. Le télétravail sera au moins partiellement maintenu, même après le coronavirus. Et comme nous allons moins souvent au bureau, nous avons moins besoin de nouveaux vêtements. »
Étonnamment, la crise n’a pas encore entraîné une forte vague de faillites ou de restructurations dans le secteur, comme le souligne également Branch. « C’est grâce au soutien que le secteur reçoit des banques, qui octroient des reports de paiement et de prêts-relais, et du gouvernement, qui a instauré un moratoire sur les faillites et différents systèmes de chômage économique. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de problèmes de fond. Une fois que ces filets de sécurité disparaîtront, il faudra payer les factures. De plus en plus d’entreprises devront alors remettre en question leurs pratiques de financement et de fonds de roulement. »
RetailDetail Fashion Congress
Le Fashion Congress de Retail Detail aura lieu le 25 mars. Peter De Sutter (e5 Mode), Dwayne Branch (Deloitte Belgique), Dirk Smet (WASTED Atelier) et Laurent Mainil (Crunch Analytics) viendront y partager leur vision de la mode de demain. Vous pouvez d’ores et déjà réserver vos billets ici.