Le groupe de mode belge FNG saura la semaine prochaine si le tribunal lui accorde un report de paiement : le tribunal prévoit un délai d’une semaine pour se prononcer sur la réorganisation de la société mère de Brantano. Une affaire des plus complexes, comme le montre l’aperçu ci-dessous…
« Il n’y a plus de confiance »
La question clé pour le tribunal de Malines sera d’accorder ou non au groupe de mode une protection de quatre-vingt-dix jours contre ses créanciers, mais le tribunal devra également décider d’instituer ou non des administrateurs externes. Les syndicats déclarent n’avoir aucune confiance dans la direction actuelle.
Retail Estates, qui loue une trentaine de locaux commerciaux à Brantano, a également demandé au tribunal de désigner un représentant légal pour la société fille. Le propriétaire immobilier veut ainsi que les flux d’argent soient contrôlés, de peur que Brantano soit drainé. Comment en est-on arrivé à une telle perte de confiance ? Nous vous proposons un retour en arrière…
Des acquisitions trop ambitieuses ?
Les premières questions critiques sur l’histoire du développement de FNG ont fait écho dans les médias en septembre 2019 : le groupe de mode belgo-hollandais avait annoncé qu’il allait reprendre le détaillant scandinave omnicanal Ellos pour 229 millions d’euros. Un montant bien supérieur aux 180 millions d’euros que valait FNG (jusqu’alors uniquement actif au Benelux) à l’époque, ce qui a fait naître des inquiétudes parmi les analystes.
Entre-temps, l’Autorité des services et marchés financiers avait lancé sa propre enquête sur les notifications de participation tardives au sein de la société. L’ancien PDG, Dieter Penninckx, a indiqué à RetailDetail qu’il s’agissait d’une enquête de routine suite à l’introduction de la société sur la bourse de Bruxelles, à l’initiative de la direction elle-même. L’action est suspendue depuis le 11 mai…
En décembre 2019, Frédéric Helderweirt, ancien collaborateur du FNG et camarade de classe des fondateurs, a également repris la chaîne de vêtements belge e5 mode. Les deux parties nient que FNG ait voulu incorporer la chaîne de cette manière, bien que le processus ressemble à celui des rachats antérieurs du groupe de mode : les enseignes en difficulté, préalablement nettoyées par des entrepreneurs externes, sont ensuite rachetées comme des chaînes en bonne santé financière.
La crise du coronavirus a donné au groupe de mode et à sa stratégie d’endettement particulièrement risquée le coup de grâce, contraignant notamment le FNG à reporter la publication des chiffres annuels de l’exercice écoulé.
Structures et constructions opaques
En avril 2020, le PDG, Dieter Penninckx, a dû démissionner pour des raisons de santé : dans une interview, l’ancien directeur a déclaré qu’il était physiquement épuisé et que la trop petite équipe de direction gérait un nombre trop important de tâches. Le groupe aurait également manqué d’expertise « entrepreneuriale » : les trois fondateurs étaient encore directeur de création, directeur d’exploitation et PDG, mais sont tous les trois ingénieurs.
Lorsque les chiffres annuels de 2019 ont finalement été publiés en mai, les choses se sont accélérées. Outre la dette élevée (plus de 500 millions d’euros), le chiffre d’affaires organique a baissé (5,3 %) et, plus mauvaise nouvelle encore, la perte nette s’élève à 292,1 millions d’euros. Il convient également de noter que les auditeurs ont imputé 94 millions d’euros de « créances douteuses » : « plusieurs transactions et structures complexes et internationales » se sont révélées incomplètes ou opaques.
Concrètement, il s’agissait de promesses de remises sur quantités par l’intermédiaire de sociétés d’achat en Suisse et à Hong Kong, que le groupe pourrait ne jamais recevoir. La presse a fait état de sociétés douteuses exploitant l’opacité du marché commercial asiatique, mais, selon Penninckx, la flambée de la pandémie de coronavirus en Chine était la cause des difficultés de la centrale d’achat.
Négociation des actions déficitaire
Par la suite, des questions ont été soulevées par rapport à des montages financiers, par le biais desquels FNG a acheté ses propres actions afin de financer (en partie) l’acquisition d’Ellos. La société a alors acheté, selon le journal De Standaard, 1,4 million d’actions à un prix de 32 euros chacune à une société ayant des liens étroits avec elle, mais, au final, la valeur de ces actions n’était que de 14 euros chacune. Résultat : une perte de 25,2 millions d’euros.
Dans ce contexte d’incertitudes et d’interrogations, le tribunal de l’entreprise doit maintenant se prononcer sur la demande de réorganisation judiciaire. Le plan de réorganisation envisage la fermeture de 47 magasins et des négociations avec les banques pour un rééchelonnement de la dette : 19 magasins Brantano et tous les magasins de « Boutik by Brantano », Fred & Ginger et Ginger sont concernés.
La société se tourne également vers les autorités flamandes pour obtenir des garanties de l’État. Certains des détenteurs d’obligations ont déjà accordé leur confiance à FNG et lui ont accordé un report de remboursement pour un total de 30 millions d’euros. Le 16 juillet, les détenteurs de 45 millions d’euros de prêts obligataires se réuniront.