Cinq ans après l’effondrement des usines textiles du Rana Plaza au Bangladesh, la Belgique prend peu de mesures contraignantes pour obliger les fabricants à garantir une production durable. C’est ce qui ressort d’une nouvelle étude de la KULeuven.
« La Belgique évite ses responsabilités »
« Notre pays évite ses responsabilités », estime Huib Huyse, chercheur à la HIVA (Onderzoeksinstituut voor Arbeid en Samenleving) de la KULeuven. Dans une nouvelle étude il analyse comment différents pays encouragent les multinationales à produire des vêtements propres.
« La politique belge n’entreprend pas assez pour obliger les multinationales à garantir une chaîne de production durable. En Belgique les multinationales qui font fabriquer des vêtements par une main-d’œuvre bon marché, n’ont pas de sanctions à craindre », explique Huyse dans le journal De Standaard. Selon lui, le gouvernement actuel se contente de sensibiliser les entreprises, sans y associer d’actions concrètes, contrairement à nos pays voisins.
Aux Pays-Bas et en Allemagne, par exemple, le gouvernement implique des entreprises et des organisations de la société civile dans diverses initiatives et impose des mesures contraignantes. En France une loi a été votée obligeant les 200 plus grandes entreprises françaises non seulement à identifier les risques dans leur chaîne de production, mais également d’y remédier activement, sans quoi elles risquent de lourdes amendes.
Il manque un cadre politique clair
La Belgique par contre entreprend peu d’actions de ce type, notamment en raison du paysage politique fragmenté, déplore Huyse : « Les compétences sont réparties sur plusieurs ministères et instances. Dans d’autres pays un institut national des droits de l’homme ou un Conseil socio-économique a été clairement mandaté pour définir une politique sur ce thème et d’en assurer le suivi. C’est une méthode de travail beaucoup plus efficace. »
En Belgique néanmoins un Plan d’action national a été rédigé autour de ce sujet, mais selon le chercheur de la KULeuven ce plan se limite « à répertorier les initiatives en cours et à énumérer des intentions politiques souvent floues. » En outre aucuns moyens financiers n’ont été débloqués pour l’implémentation et il manque un cadre politique clair.
Selon Huyse , la Belgique devrait, entre autres, avoir davantage recours aux clauses de travail et traités commerciaux existants en matière d’entreprenariat durable, que le gouvernement devrait alors imposer comme condition dans le cadre d’appels d’offres et d’investissements publics. Des initiatives existantes au niveau des Nations Unies et de l’Union européenne peuvent servir d’exemple.
24 avril 2013: 1.134 morts et 2.000 blessés
Le drame du Rana Plaza au Bangladesh s’est produit il y a tout juste cinq ans. Un immeuble de huit étages abritant des usines textiles s’était effondré, causant la mort de 1.134 personnes et faisant plus de 2.000 blessés. La plupart des victimes étaient des couturières et des ouvriers textiles, qui y fabriquaient des vêtements pour de grandes marques de mode internationales, dont H&M, Primark et C&A, dans des ateliers bondés et mal sécurisés.
Suite à cette tragédie, des accords et partenariats internationaux ont été conclus afin d’améliorer les conditions de travail dans l’industrie textile, dont le ‘Accord on Fire and Building Safety in Bangladesh’ : plus de 200 entreprises de mode internationales ont signé cet accord afin de remédier à l’insécurité des usines.
Depuis, la structure de 90% des ateliers a été revue, notamment par le renforcement des fondations et des supports afin d’éviter de nouveaux effondrements, une initiative baptisée ‘Alliance for Bangladesh Worker Safety’. Quasi toutes les usines affiliées à l’alliance ont également renouvelé leur système électrique et ont installé des portes coupe-feu.
Peu d’amélioration au niveau des conditions de travail et de salaires
Au niveau salarial par contre le situation s’est peu améliorée, selon un récent rapport américain de Global Workers’ Rights. Les salaires minimum ont beau avoir fortement augmenté ( le gouvernement bangladais a augmenté le salaire minimum de 77% à environ 55 euros par mois), cette hausse ne compense pas la forte inflation que connaît le pays. Selon les calculs de la Global Living Wage Coalition, un salaire viable au Bangladesh devrait se situer entre 177 et 214 dollars (entre 145 et 175 euros), en fonction de la région.
En outre, la hausse des salaires minimum et l’amélioration des mesures de sécurité ne changent rien pour les nombreux ouvriers textiles qui sont payés en-deçà des barèmes légaux et qui bien souvent travaillent pour des sous-traitants de grandes chaînes de mode qui leur paient un prix minimum par pièce produite. De plus, dans les usines les ouvriers continuent de faire de nombreuses heures supplémentaires et de subir une charge de travail très élevée, indique le rapport de Global Workers’ Rights.