Avec Brantano, c’est une marque emblématique du marché belge qui disparait, mais l’acheteur néerlandais vanHaren ne s’engouffre pas entièrement dans la brèche : pour lui, seule la Flandre lui offre des opportunités. La concurrence est-elle en train de s’intensifier ou est-ce le contraire ?
Différences culturelles
Au printemps 2017, vanHaren faisait son entrée sur le marché belge avec une offre très pointue : une large gamme de chaussures de marques A et de marques de distributeur, destinées à toute la famille et vendues à des prix imbattables – grâce à l’énorme pouvoir d’achat de sa société mère Deichmann. Depuis, la chaîne a ouvert, à elle seule, seize magasins belges, tant dans les centres-villes qu’en périphérie. 43 points de vente viennent donc s’y ajouter soudainement : un grand pas pour le détaillant, bien qu’il aurait pu en racheter davantage encore. Cependant, VanHaren n’a que faire des deux tiers (66 sur 109) des succursales de Brantano, et la société n’est certainement pas intéressée par la marque même de Brantano. Peut-être n’avez-vous plus besoin de 109 magasins physiques dans un univers omnicanal ?
La chaîne de magasins de chaussures ne se risque pas non plus à franchir la frontière linguistique du pays. L’entreprise craint-elle les différences culturelles ? Pourtant, ces dernières représentent également un défi en Flandre. « Nous utilisons les mêmes mots, mais nous ne parlons pas la même langue », a déclaré le PDG, Krein Bons, à RetailDetail il y a deux ans. En Belgique, la saison des communions et la rentrée scolaire constituent des périodes de vente bien plus importantes qu’aux Pays-Bas. En outre, les clients belges sont plus friands de bonnes affaires et de réductions ponctuelles, tandis que vanHaren s’est développé aux Pays-Bas avec une approche « Every day low price » (des prix bas tous les jours).
La mode diffère aussi légèrement : « Les femmes belges achètent davantage de chaussures à talons et optent pour des couleurs telles que le marron, le cognac et le bleu. Aux Pays-Bas, nous vendons plus de bottes et le noir y sera privilégié. On observe donc une variation de 15 % de l’assortiment ». En matière de commerce électronique, le marché néerlandais est très loin devant. Au cours des trois dernières années, le détaillant a, dans tous les cas, eu le temps de s’identifier et de s’adapter aux attentes du consommateur belge.
Bouffée d’oxygène sur le marché
Pour VanHaren, la Belgique offre de nombreuses opportunités, principalement parce que le marché y est encore relativement fragmenté, avec de nombreux magasins de chaussures indépendants, des héros locaux généralement positionnés un peu plus haut sur le marché. De nombreux entrepreneurs en arrivent au point où ils désirent remettre leur commerce, mais ne trouvent bien souvent pas d’acquéreur. En outre, de nombreuses petites chaînes locales occupant différents segments du marché (Bent, Berca, New Paris Londres…) ne peuvent rivaliser en jouant uniquement la carte du prix.
Non pas que le choix ou la concurrence viennent à manquer – après tout, la plupart des grandes chaînes de mode vendent des chaussures, il existe plusieurs vendeurs internationaux de sneakers et Zalando est partout – mais il n’a encore jamais été question d’une consolidation majeure. Mais bien d’une polarisation : le milieu de gamme subit une importante pression. Avec son offre de base, vanHaren vise le segment entrée de gamme du marché, pour acheter les sneakers dernier cri, tournez-vous plutôt vers Snipes (qui appartient également au groupe Deichmann).
Que signifie la chute de Brantano et l’expansion du nouveau venu pour les deux plus grandes chaînes belges, Torfs et Bristol ? Ils voient disparaître un grand concurrent, remplacé par un acteur plus petit (en Belgique), mais néanmoins agressif sur les prix. Cela semble être une moins bonne nouvelle pour le discounter Bristol que pour Torfs, qui se situe davantage sur le segment du milieu de gamme ou plus haut. Pourtant, la PDG de Bristol, Elise Vanaudenhove, ne voit pas les choses ainsi : « Brantano laisse une place vacante sur le marché et nous allons tenter de nous en emparer. » Bristol espère pouvoir reprendre quelques magasins Brantano. La diminution actuelle du nombre de boutiques de chaussures offre, pour les survivants, une bouffée d’oxygène sur le marché.
Opportunités
En conclusion, la concurrence semble faiblir légèrement. Après tout, la probabilité que les 66 succursales restantes de Brantano abritent à nouveau des magasins de chaussures est extrêmement faible. Il est maintenant trop tard pour Ziengs Retail, qui prévoyait une véritable relance de la marque Brantano : faire une nouvelle tentative avec Scapino, seul et à plus petite échelle sur le marché belge, a peu de sens. Certainement quand les meilleurs locaux ont déjà été repris.
Il est possible que quelques points de vente Brantano constituent une opportunité pour la chaîne française de chaussures en pleine expansion, Chaussea, qui possède déjà une vingtaine de magasins en Belgique. Une grande partie des locaux bientôt vacants se situant en Wallonie, certains d’entre eux pourraient bien éveiller l’intérêt de Torfs : en effet, la chaîne souhaite investir davantage dans la partie francophone du pays. Dans tous les cas, suffisamment de candidats d’autres secteurs se présenteront sans doute pour racheter la plupart des magasins : le commerce de périphérie se porte comme un charme, surtout en cette période de pandémie, puisqu’il confère aux consommateurs un sentiment de sécurité contrairement aux commerces urbains. Enfin, qui rachètera le prestigieux et coûteux flagship store de Brantano situé au cœur du Meir à Anvers ? Le suspens demeure…