L’année a remarquablement mal commencé pour le commerce de détail de la mode en France : des noms familiers comme Camaïeu, Go Sport, Pimkie, Kookaï et Cop.Copine ont récemment fait faillite ou sont en redressement judiciaire. Que se passe-t-il ?
Aucune amélioration en vue
L’automne dernier, la marque de mode française Camaïeu a été déclarée en faillite définitive après une relance infructueuse et une longue agonie : 511 magasins et 2 600 emplois ont été perdus en France – en Belgique, la marque était déjà partie. Il semble bien que la fin de la chaîne de mode ne soit que le signe avant-coureur d’une longue série de faillites et de restructurations dans le secteur français de la mode : les noms familiers et établis disparaissent les uns après les autres, sans qu’aucune amélioration ne soit en vue.
Pimkie, par exemple, dont la division belge a fait faillite en 2021, est en vente depuis l’année dernière et passera bientôt entre les mains d’un consortium de trois entreprises de mode : Lee Cooper France, Kindy et le fabricant turc Ibisler Tekstil. Au moins 100 magasins et 500 emplois disparaîtraient. Les syndicats ont les plus grands doutes sur le plan d’affaires des acheteurs.
En redressement judiciaire
En janvier, Go Sport a été placé en redressement judiciaire. La chaîne sportive de 223 magasins et 2 160 employés, qui appartient au groupe Hermione People & Brands (HPB) depuis 2021, connaît depuis quelque temps des problèmes financiers et a vu son chiffre d’affaires passer de 430 millions d’euros en 2018 à un bon 300 millions d’euros en 2021. Chaque année, les pertes s’élevaient à des dizaines de millions. L’entreprise a maintenant six mois pour redresser la barre ou trouver un acquéreur.
Depuis le 1er février, la chaîne de mode Kookaï, qui compte 121 magasins et 320 employés, subit le même sort. Le détaillant, propriété de l’Australien Rob Cromb, veut profiter de la réorganisation judiciaire pour assainir sa situation financière et déployer une nouvelle stratégie. La chaîne de magasins de chaussures André, qui compte environ 70 magasins et quelque 280 employés, est également en redressement judiciaire.
Le milieu de gamme sous pression
Mais la réorganisation judiciaire n’est souvent que le prélude à la faillite, comme en témoigne le sort de la chaîne de mode Cop.Copine, qui n’a pas trouvé de repreneur et cesse donc d’exister, même si 23 de ses 48 magasins seront détenus par son homologue du secteur, Antonelle. La chaîne de magasins de chaussures San Marina se dirige également vers la faillite, ce qui signifiera la fin de l’histoire pour 163 magasins et quelque 600 employés.
Selon les experts, les chaînes françaises ne sont tout simplement pas à la hauteur de la croissance du commerce électronique, de la mode rapide et de la seconde main. Ils sont restés trop longtemps fidèles à leur modèle commercial et à leurs collections traditionnelles, ce qui a entraîné l’abandon des jeunes clients, qui préfèrent H&M, Zara, Primark ou Shein. Le segment du milieu de gamme est partout sous pression, tandis que les discounters et les marques de luxe se développent.
Les investisseurs n’y croient plus
Pendant ce temps, alors que les coûts salariaux, logistiques et énergétiques ont fortement augmenté, le nombre de passants dans les rues commerçantes et les centres commerciaux est en baisse. Les consommateurs limitent leurs dépenses. Et ce, après une crise Covid qui n’a pas encore été totalement digérée. Les chaînes n’ont guère besoin d’attendre le salut des acheteurs, déclare l’expert en commerce de détail Frédéric Boublil à capital.fr : « Les investisseurs ne croient plus au renouveau de ces marques. Le paysage va continuer sa recomposition. Ça va être rapide et massif. »
Bien sûr, ce remodelage du paysage de la mode n’est pas un problème exclusivement français : ailleurs, les chaînes de mode doivent aussi se réinventer radicalement si elles veulent survivre. Il suffit de penser aux restructurations successives de C&A, qui travaille à un redressement stratégique.