« Les retailers connaissent leur métier, mais ils manquent parfois de recul. » Tel est l’avis de Pierre Vandenbroucke de Tintto, professionnel chevronné dans le domaine de la décoration d’intérieur. « Le secteur de la distribution évolue à la vitesse grand V et Tintto souhaite guider les commerçants dans le choix de l’habillage des sols, des fenêtres et des murs afin de les aider à mieux faire face à la nouvelle réalité du retail. »
Opportunités
Tintto compte à l’heure actuelle vingt-huit commerçants affiliés (plus un partenariat avec divers fournisseurs). Le groupement – qui a fondé sa croissance sur son pouvoir d’achat – s’engage à apporter son soutien aux commerçants actifs dans un paysage retail en rapide évolution. Les affiliés sont répartis de manière quasi égale en Flandre et en Wallonie. « Il est grand temps d’élargir nos horizons, car le retail émerge d’une sorte de tunnel et est contraint de s’adapter à la tempête qui s’apprête à s’abattre sur le secteur de la distribution, si ce n’est pas déjà le cas. »
Il ne sert à rien de le nier : la digitalisation fait des victimes. Pierre Vandenbroucke refuse toutefois catégoriquement de succomber au pessimisme. « L’e-commerce ne signifie pas la mort du magasin physique. On assiste simplement à la naissance de nouveaux modes de distribution hybrides qui nécessitent un changement de mentalité dans le retail. Pourquoi réagir sur la défensive quand la digitalisation a tant d’opportunités à offrir aux magasins physiques ? »
Les achats à tarifs préférentiels ne constituent aujourd’hui plus l’activité principale de Tintto. Avec l’aide d’une collaboratrice administrative à mi-temps ayant suivi une formation de styliste, Pierre Vandenbroucke veut faire avancer les choses. « Le retailer doit se profiler comme le spécialiste en décoration local ayant des liens étroits avec ses clients. Investir dans l’aspect humain est crucial : les commerçants indépendants doivent montrer et promouvoir leur sens du contact, leur empathie et leur expertise. »
Priorité stratégique
L’indépendance des commerçants affiliés reste un point important. « Le fait que nous adoptions tous l’orientation client comme priorité stratégique crée une cohérence », explique Pierre. « En optant pour une mentalité offensive, nous pouvons en outre anticiper les problèmes. L’heure n’est donc pas aux jérémiades : la réalité est ce qu’elle est, et il ne faut pas non plus exagérer l’impact du commerce en ligne sur le marché de la décoration. »
Aux yeux de Pierre Vandenbroucke, le magasin de décoration indépendant local doit absolument se profiler comme un spécialiste auprès de qui les clients peuvent trouver conseils et accompagnement. « Nous devons travailler sur notre image tout en affinant notre approche. Il ne faut plus avoir tous les tissus et coloris en stock et assaillir le client de propositions, mais se mettre à l’écoute de ses besoins individuels et y répondre de manière ciblée. »
Viser l’excellence
Au-delà des écarts de prix, c’est sur le terrain de l’ampleur de l’offre que le magasin physique perd irrémédiablement la bataille face au commerce en ligne. « La mission du spécialiste en décoration indépendant consiste précisément à ôter les doutes des clients qui peinent à s’y retrouver dans l’offre en ligne. Le client a besoin d’un conseiller en qui il peut avoir confiance et qui le guide adroitement tout au long du difficile processus de décision. »
Un client qui veut redécorer son séjour n’a que faire des interminables séries d’échantillons classées par fabricant. Passer l’après-midi à feuilleter de volumineux catalogues n’a rien de très amusant. Afin de remédier à cette situation, Tintto propose à ses affiliés le projet ‘Décorer c’est harmoniser’. « Nous ne voulons pas être les moins chers et choisissons plutôt de nous profiler comme les meilleurs du marché. »
Séduire le client
Pierre Vandenbroucke considère personnellement Tintto comme le syndicat du commerce indépendant dans le secteur de la décoration. « Notre produit est trop beau pour devenir l’apanage du commerce en ligne », affirme-t-il d’un air de défi, mais sans se départir de son sourire. « L’empathie vis-à-vis du produit et du client va bien plus loin que la connaissance des fiches techniques. En tant que spécialiste, il faut être capable de les interpréter et de les intégrer dans un projet créatif en concertation avec le client. »
Convivialité, émotion… Pas vraiment les principaux atouts des canaux de vente en ligne. Tintto souhaite donner aux magasins de décoration indépendants des outils leur permettant de renforcer leur position. Severine Dewulf, styliste chez Tintto, conçoit à cette fin des moodboards orientés client, où ambiances et univers prennent vie au moyen de palettes de couleurs, de formes, de textures et de tissus, à l’aide desquels le spécialiste-vendeur peut séduire le client.
Une image vaut mille mots
« Avant que le client formule une demande concrète, vous devez en tant que retailer montrer votre intérêt pour la personne qui se présente devant vous avec une question, un besoin ou un projet. Il ne faut pas oublier que la décoration est plus qu’un ‘produit’ aux yeux du client. Il aspire avant tout à créer ‘une maison qui lui ressemble’. Permettez donc d’abord au client de vous raconter comment il vit aujourd’hui et comment il veut vivre demain. Ce n’est qu’alors que vous pourrez pleinement exprimer votre valeur ajoutée en tant que spécialiste », témoigne Pierre.
La capacité à harmoniser les éléments du décor (papier peint, habillage des fenêtres, tapis…) dans un lieu de vie créatif fait partie de cette valeur ajoutée. « Si vous vous contentez de présenter des échantillons au client, vous ne serez pas à même de découvrir dans quel environnement il se sentira bien. Si vous parvenez en revanche à visualiser son espace, sa satisfaction est pratiquement garantie. Un dialogue empreint d’empathie est néanmoins une condition préalable indispensable. »
Marquer sa différence
Le dialogue est évidemment capital, même si les mots peuvent s’interpréter de multiples façons. Le sens donné aux qualificatifs ‘moderne’, ‘vert’ ou ‘classique’ peut être très différent d’une personne à l’autre. « Le vendeur doit vraiment se mettre dans la peau du client. Ce n’est que comme ça qu’il peut lui proposer des produits adaptés. Les clients viennent souvent bien préparés au magasin, avec leurs idées et plans ; le mieux est de développer le concept à partir de là afin d’éviter malentendus et frustrations. Les moodboards sont à cet effet très efficaces. »
Le consommateur est en quête de singularité, d’authenticité, de personnalisation. Si ces critères peuvent être appliqués aux bouteilles ou cannettes de Coca-Cola et aux sneakers, il n’y a pas de raison de ne pas en jouer dans une branche comme la décoration d’intérieur ! « Le commerçant local doit exploiter son savoir-faire et ses connaissances pour mettre en œuvre notre outil dans son magasin », recommande Pierre Vandenbroucke. « La décoration s’y prête quand même mieux que la charcuterie ou les chaussures ! Cela permet à chacun de marquer sa différence. »
La plate-forme Tintto
En plus de sa mission initiale en tant que groupement d’achat, Tintto veut aussi se profiler comme une sorte de plate-forme visant à aider les retailers actifs dans le secteur de la décoration à actualiser et promouvoir leur valeur ajoutée pour le client, et ainsi à mieux faire face aux défis de demain. Outre les brochures présentant les moodboards correspondant à huit univers de vie, Tintto mise sur sa présence en ligne : le site www.decorercestharmoniser.be / www.decorereniscombineren.be fournit des informations professionnelles objectives et entend jouer un rôle national générique afin de se distinguer des informations orientées produit des fournisseurs et des touches personnelles apportées par les retailers locaux.
Les marques et produits jouent un rôle secondaire par rapport aux ambiances génériques illustrées par les moodboards et aux informations objectives qui s’avèrent à la fois utiles et inspiratrices de confiance. Les fournisseurs peuvent en tenir compte pour organiser leurs actions. Le ‘pourquoi’ prend le pas sur le ‘quoi’. Pierre Vandenbroucke résume : « Les développeurs produit y ont déjà réfléchi ; les commerciaux doivent aussi adopter cette manière de penser en expliquant et exploitant l’histoire du produit, sans banaliser l’acte de vente. Si un produit n’a pas d’histoire, pourquoi aurait-on envie de l’acheter ? »