Ikea est à mi-parcours de son exercice financier et célèbre cette année son 80e anniversaire. C’est donc le moment idéal de faire le point avec Tolga Öncü, Head of Retail chez Ingka Group, la holding des magasins Ikea. Après les difficultés liées au coronavirus, la chaîne d’aménagement d’intérieur sait mieux que jamais où se situent ses priorités et ses opportunités.
De retour chez Ikea ?
Jusqu’à présent, l’exercice financier décalé pour 2023, qui a débuté en septembre, dépasse les prévisions. Une bonne nouvelle sachant que le bénéfice net a dégringolé lors du dernier exercice, passant de 1,5 milliard d’euros à peine 0,3 milliard. Maintenant que la pandémie est passée, la fréquentation des magasins est à nouveau en forte hausse, tandis que le canal numérique continue de progresser.
« Sur la plupart de nos grands marchés, nous constatons un mouvement de rattrapage. La disponibilité des produits s’est également améliorée. Nous entrevoyons désormais des possibilités de nous développer davantage et de compléter notre offre », a déclaré Tolga Öncü dans une interview accordée à RetailDetail. Le manager ne donne cependant pas de chiffres concrets pour l’instant.
« Les consommateurs reviennent dans nos magasins », un phénomène auquel la situation macroéconomique n’est pas étrangère, estime Öncü. « Le pouvoir d’achat et la confiance des consommateurs sont en baisse, l’inflation et les taux d’intérêt suscitent de vives inquiétudes. Pour nous, c’est à double tranchant : nous ne sommes pas à l’abri mais, dans l’ensemble, c’est dans un tel contexte que le modèle Ikea excelle. Nous misons continuellement sur des coûts et des prix bas, ce que les consommateurs apprécient beaucoup aujourd’hui. C’est notre grande force par rapport aux concurrents. » La chaîne attire ainsi aussi de nouveaux clients : des personnes qui n’étaient encore jamais venues chez Ikea ou qui n’y avaient plus mis les pieds depuis des années.
L’avarice de Kamprad porte ses fruits
« Nous avons l’avantage de ne pas avoir de surplus de coûts que quelqu’un doit supporter. Même si, bien sûr, nos coûts augmentent. Comme toujours, nous cherchons ensuite des solutions pour les réduire. La chaîne, qui existe depuis 80 ans, doit son existence à la réduction des coûts : c’est là toute la raison d’être du mobilier à monter soi-même. Le fondateur, Ingvar Kamprad, a toujours été connu pour son avarice notoire, même lorsqu’il était multimillionnaire.
Le PDG n’a toutefois pas voulu dire si les magasins Ikea allaient se réorganiser ou réduire leurs activités. « Plutôt que de réduire les magasins ou le personnel, il s’agit d’investir plus intelligemment dans l’expansion et dans les magasins existants. » Les magasins doivent également jouer un rôle de plus en plus important dans l’exécution des commandes, conséquence de la croissance du commerce électronique.
Cela passe notamment par l’automatisation. Ainsi, à Zagreb, en Croatie, Ikea a investi dans la robotique, ce qui a permis de quadrupler la capacité sur la même superficie. Dans l’entrepôt de Zaventem, le 100e drone s’est envolé pour contrôler les stocks. Öncü : « Ces domaines sont porteurs des plus grandes opportunités. »
Investissement de 3 milliards d’euros en 2023
Parallèlement, la combinaison des canaux numériques, des magasins traditionnels et des nouveaux formats commence à porter ses fruits. C’est donc dans cette combinaison omnicanale que le géant de l’ameublement entend continuer à investir. En 2023, la société débloquera pas moins de 3 milliards d’euros.
Une nouvelle application permettant de scanner ses achats directement dans les magasins et des services tels que des appels vidéo avec le personnel pour des conseils en aménagement (« vente à distance »), entre autres, permettent à la composante numérique de générer une part croissante du chiffre d’affaires total. « Nous déployons simultanément les connaissances acquises en ligne dans les magasins physiques. Dans les zones géographiques où l’on combine le commerce en ligne et le commerce physique, on constate que 1+1 font réellement 3. »
La technologie facilite l’expérience, tant dans les magasins qu’à domicile. L’une des questions que se pose Öncü est de savoir comment montrer davantage Ikea dans un espace plus restreint. Pour la maison, il existe déjà l’outil de réalité augmentée Ikea Kreativ, qui permet aux consommateurs de scanner leur pièce en 3D et de la remplir virtuellement avec des meubles Ikea.
Les magasins urbains constituent un tout nouveau marché
Les petits magasins urbains, quant à eux, constituent un bon complément sur les marchés matures, observe Öncü. « À Paris, par exemple, nous avons déjà six magasins traditionnels mais nous en avons ouvert deux autres dans le centre-ville. Résultat : la fréquentation dans les magasins existants et sur la boutique en ligne a augmenté et nous enregistrons de meilleurs résultats qu’auparavant à Paris. Il en va de même à Londres ou à Stockholm, où nous avons ouvert un magasin urbain dans le centre commercial Gallerian l’été dernier. »
À Stockholm, le magasin urbain attire une nouvelle clientèle, locale. Deux tiers des visiteurs ne sont pas des clients d’Ikea. Mais ils poussent la porte, naviguent sur la boutique en ligne, téléchargent l’application et viennent manger dans l’espace de restauration rénové. « Il s’agit d’un tout nouveau marché », déclare le Head of Retail. À New York, deux magasins urbains ont pourtant fermé leurs portes l’année dernière : Ikea Planning Studio et Ikea Queens.
Le groupe devait apprendre de ses erreurs, semble-t-il. « C’était le tout début du format Planning Studio. Depuis, nous en avons ouvert environ 80 autres et je peux dire que nous commençons à maîtriser la recette du succès. Il ne faut pas oublier que, pendant 78 ans, nous n’avons compté que sur nos magasins traditionnels. Comme toujours, certains essais sont concluants, d’autres non. »
Boulettes suédoises à San Francisco
À Londres, le centre commercial Livat Hammersmith est un autre essai, mais un essai qui commence à prendre de l’ampleur. D’autres centres commerciaux de ce type sont en préparation. Le prochain ouvrira ses portes au printemps à San Francisco, dans un centre commercial vide depuis sept ans. L’accent est davantage mis sur la restauration avec, outre les recettes scandinaves typiques, des collaborations avec des entreprises et chefs locaux.
On peut s’attendre à voir émerger de nouveaux partenariats à l’avenir, même dans les magasins existants, non seulement du côté des consommateurs mais aussi en coulisses. Par exemple, Ikea vise à rendre toutes les livraisons du dernier kilomètre 100 % électriques, un domaine qui, selon Tolga Öncü, constitue encore une lacune sur le marché. Il entrevoit donc d’importantes opportunités de partenariat.
Pour terminer, que souhaite Ikea pour son 80e anniversaire ? Continuer à investir dans la transformation de la chaîne afin d’intégrer les accomplissements du passé et le succès de la formule dans l’avenir omnicanal.