Les moments-clés de Veritas
Dans un univers où la durée de vie moyenne d’une entreprise retail est de 40 ans, un 120ème anniversaire relève donc de l’exploit. « Une entreprise ne peut perdurer dans le temps que si elle se fixe pour elle-même certains moments-clés, sans pour autant perdre son authenticité, » souligne le CEO Marc Peeters. « Ces moments, où une entreprise se réinvente, ont une force accélératrice et forment la mémoire collective, qui est à mon sens la base la plus solide pour la culture d’une entreprise. »
1892 – 1960: De l’entreprise unipersonnelle à la coopérative
Chez Veritas, les débuts de la petite mercerie en 1892 sont encore bien présents dans les mémoires. C’est avec fierté que Marc Peeters (CEO) et Marthe Palmans (COO) nous racontent comment la chaîne est née. Durant la première guerre mondiale et la période l’après-guerre il était pratiquement impossible pour la famille de s’approvisionner en marchandise. C’est alors que Felix Leestmans, fils du fondateur, eut l’idée audacieuse de traverser l’océan pour aller chercher ses articles de mercerie en Amérique.
Bien que certains grossistes, que Felix voulait impliquer dans son projet, l’aient déclaré fou, il put néanmoins compter sur le soutien de sa famille. Afin de financer la traversée, la famille vendit tout son patrimoine immobilier, à l’exception des magasins, ce qui permit à Felix d’acheter du stock pour une somme de 200.000 francs belges de l’époque (l’équivalent d’environ 250.000 euros aujourd’hui). L’aventurier revint de son voyage avec pas moins de 20 containers remplis, qui une fois arrivés à Anvers étaient surveillés à tour de rôle par les hommes de la famille, jusqu’à ce qu’ils puissent être déchargés.
Le stock était si important que les commerçants de la famille étaient les seuls de la région disposant encore d’articles de mercerie. Toutefois une expansion était hors de question, la famille ayant vendu quasiment tous ses biens. C’est pourquoi ils se mirent à la recherche d’autres familles prêtes à s’embarquer avec eux et ainsi fut créé en 1923 un conglomérat familial. Une société coopérative fut fondée avec les sept familles qui aujourd’hui encore sont les actionnaires de Verigroup.
1960 – 2012: Du logo à l’intégration complète
Autre moment-clé de l’histoire de Veritas fut l’année 1968, lorsque le tout premier centre commercial de Belgique vit le jour. Tous les franchisés indépendants décidèrent alors d’ouvrir tous ensemble un magasin. Ceci fut la première étape vers l’uniformisation des décennies à venir. Il faudra toutefois attendre 1971 pour que Veritas se positionne comme un concept à part entière. C’est alors qu’apparaît le célèbre logo du bouton jaune, ainsi qu’une unité au niveau de l’aménagement des magasins.
Les décennies suivantes furent marquées par la récession économique – après les ‘golden sixties’ – et surtout par la globalisation du paysage retail. Un phénomène auquel les structures indépendantes de Veritas n’ont pu faire face. Durant les années ’80 et ’90 le chiffre d’affaires du groupe a stagné aux alentours de 35 millions d’euros, avec quelque 58 magasins.
2002 fut une année charnière. C’est alors que Marc Peeters prend les commandes. « Il nous fallait absolument une restructuration si Veritas voulait survivre. C’était à prendre ou à laisser. L’individualisme fut abandonné et dès lors une structure top-down fut mise en place. Tous les processus, systèmes et autres furent adaptés selon ce modèle », se souvient le CEO du groupe.
Ainsi entre autres les privilèges d’exclusivité du franchisé dans sa région furent supprimés, ce qui a ouvert la voie de l’expansion, à raison de 10 magasins par an à partir de 2007. Le nouveau logo fut également une étape symbolique et prouve que Veritas évolue. « Je peux vous assurer que cela a été un moment-clé. D’un point de vue émotionnel, il a été très dur de dire adieu au logo au bouton jaune », se rappelle Marc Peeters.
Le dernier moment-clé, mais non des moindres, fut l’année 2010, lors de l’intégration des franchisées dans le groupe. Une opération importante qui n’a été bouclée qu’au mois de février dernier. Aujourd’hui Veritas est donc une chaîne à filiales et a donc abandonné sa structure de franchise. « Cela implique une réorganisation radicale, car nous devons aujourd’hui gérer les 105 magasins d’un point de vue opérationnel, alors qu’auparavant les franchisés s’en chargeaient. Nous avons fait d’énormes investissements derrière les coulisses. »
2012 : Vers de nouvelles dimensions
Mais Verigroup se tourne également vers l’avenir et envisage d’ambitieux projets, comme il l’a déjà laissé sous-entendre en attirant des dirigeants indépendants comme Luc Vandewalle, Frans Schotte et André Duval (co-fondateur de Duval Guillaume). « Nous disposons maintenant d’une plateforme qui nous permettra d’atteindre de nouvelles dimensions, » déclare Marc Peeters.
Ces nouvelles dimensions sont à prendre à la lettre, car Veritas entend couvrir le Belux avec 130 magasins environ, à raison de 10 magasins par an – ce qui nous amène à 2015 pour atteindre ce cap. Ensuite, Veritas ambitionne une expansion à l’étranger, dévoile Peeters : « Il nous faut une croissance à deux chiffres. Au niveau de nos activités offline cela signifie donc concrètement qu’avec une croissance sur base comparable de 2 à 3 % , il nous reste 8% à réaliser via l’expansion. C’est pourquoi nous devrons donc traverser les frontières. »
Outre la vente offline, Veritas lancera d’ici peu une offensive virtuelle. Derrière les coulisses la chaîne œuvre assidument au développement d’un business digital. Le site d’information actuel de Veritas sera complètement abandonné, pour faire place à un site ‘imagineering’ : un espace virtuel ludique, où le consommateur pourra créer et individualiser toutes sortes de choses, allant de l’achat au bricolage.
Un univers à vivre
Ainsi Veritas est l’un des premiers retailers belges à avoir véritablement fait le pas vers le multi-channel. Marc Peeters : « Dans ce domaine nous voulons réaliser un vrai revirement. Veritas doit se profiler en tant que marque et non en tant qu’enseigne retail. Une enseigne vend des produits, alors qu’une marque vend une histoire. Nous souhaitons créer un univers à vivre. »
Dans le cadre de ce message cross-média Veritas a inventé le terme ‘imagineering’ : être créatif dans le domaine du textile et de la mode. C’est une expérience qui englobe à la fois les magasins, l’assortiment et l’internet. Ainsi l’une des nouveautés cet automne est un châle carré, qui peut se porter de plus de dix façon différentes, comme l’indique le dépliant que recevra que le client. Le dépliant fait également référence à des petits films sur le site internet.
« Nous essayons surtout de nous positionner dans le segment du hobby et de la créativité, notamment afin de nous distancier des chaînes ‘fast fashion’. En ce sens l’internet constitue l’instrument par excellence pour transmettre notre message », explique Marthe Palmans.
Mais ce passage à une stratégie multicanal est moins simple qu’il n’y paraît, comme a pu le constater l’entreprise familiale : « L’organisation est complètement chamboulée. Ainsi nous sommes passés d’un modèle axé sur l’achat vers un modèle totalement opposé : au lieu de pousser les collections des acheteurs vers le consommateur , nous partons maintenant des besoins et de la dynamique de la marque. »
Et comme si tous ces défis ne suffisaient pas, Verigroup doit en plus déménager. Les siège central actuel n’est plus à la hauteur des ambitions de Veritas et s’est avéré trop petit. C’est pourquoi l’entreprise dès le printemps 2014 occupera un quartier général flambant neuf, avec un nouveau centre de distribution d’une surface de 9.400 m², soit le double par rapport à la surface de l’actuel centre logistique.
Prêt pour l’expansion
« Nous sommes prêts pour l’expansion », se réjouit Marc Peeters. Pour cette année l’enseigne table sur un chiffre d’affaires de 108 millions d’euros, avec à nouveau une croissance à deux chiffres. Verigroup estime que 5% sera réalisé par les magasins sur base comparable et 8% grâce à l’expansion.
D’autre part la chaîne compte maintenir son rythme d’investissement de 2,8 millions d’euros. Ce budget servira à financer le webshop, les actions promotionnelles prévues à l’occasion de cette année anniversaire, le nouveau siège central, ainsi que l’ouverture de nouveaux magasins et la rénovation de magasins existants. Quatre ouvertures sont déjà programmées pour 2013, dont un grand ‘experience store’ à Hasselt d’ici le printemps 2013.
Traduction : Marie-Noëlle Masure