Tout le monde parle du grand ‘turnaround’ que Veritas a traversé ces dernières années.
M.P.: « Je préfère ne pas parler de ‘turnaround’, parce que le terme évoque une connotation d’assainissement . Nous avons transformé une coopérative en une organisation retail intégrée, ce qui est évidemment un changement radical.
Veritas a été fondé en 1892 et était basé jusqu’en 2001 sur le modèle de la coopérative, une collaboration d’indépendants, qui opéraient sous le même nom. A partir de la fin des années ’80 la machine à commencer à s’user. C’était l’époque de la chute du mur de Berlin, de l’essor des chaînes textiles internationales et de la globalisation. Bref c’était une époque de changements sociaux auxquels Veritas ne pouvait pas faire face avec sa structure existante.
C’est pourquoi nous avons changé de modèle d’entreprise. Cela a entraîné d’énormes changements étant donné que dans une coopérative la totalité est l’addition de toutes les parties. Contrairement à ce modèle ‘bottom-up’, une chaîne retail a un concept central qui est implémenté vers le bas de façon homogène.
Jusqu’à 2004 nous avons développé un système interne solide. Nous avons adapté notre vision du business à ce nouveau cadre. Dans le fond nous faisons la même chose qu’en 1892, mais dans un cadre du 21ième siècle. »
Ensuite il y a eu une énorme vague d’expansion, qui n’est pas prête à s’arrêter ?
M.P. : « En effet, ensuite nous avons développé le réseau des magasins. En 2001 le chiffre d’affaires était de 35 millions d’euros, aujourd’hui il s’élève presque à 100 millions d’euros. Actuellement nous avons 99 magasins ! Malheureusement nous n’avons pas encore atteint le cap des 100. C’est donc une belle perspective pour 2012.
Mais même avec 100 magasins, le plafond n’a certainement pas encore été atteint : de toute manière nous allons continuer notre expansion en Belgique et au Luxembourg. Récemment nous avons fait effectuer une étude qui a démontré qu’il y avait au BeLux possibilité pour 150 magasins environ. Nous souhaitons maintenir un rythme de croissance constant de 10 magasins par an.
Non seulement offline, mais nous aimerions développer également une branche online. Pour l’instant nous y travaillons en coulisses de façon à être opérationnel online d’ici mi-2013. C’est notre objectif. Le canal online comprend deux parties : outre la vente, le canal online est indispensable pour le marketing et la communication. Si nous voulons une communication performante, nous devons également faire passer notre vision via ce canal. Pour tout retailer c’est incontournable : lorsqu’on vend offline, il faut être actif online également. »
L’internet est donc pour Veritas aussi une évolution importante du retail?
M.P. : « Celui qui se base sur le nombre de m² et essaie de remplir l’espace au maximum, peut fermer boutique. Le retail offline continuera d’exister s’il est basé sur l’expérience vécue. Online on peut vivre des tas de choses, mais le vrai plaisir est toujours physique. Le but est donc d’offrir aux clients une expérience et une histoire qui incitera à l’achat.
Le défi ne consiste pas seulement à être performant online, mais le défi est également d’être performant de manière synergique à travers les différents canaux. L’intégration ‘cross-channel’ est cruciale. »
Quelles autres tendances retail entrevoyez-vous?
M.P. : « Il y a tant de tendances ! Les dix dernières années, il y a eu une énorme évolution (nous avons connu une décennie avec des changements radicaux), mais je suis convaincu que les 10 années à venir amèneront encore davantage de changements et de défis.
Les dix dernières années ont été marquées par la globalisation, l’uniformisation et une forte baisse des ‘commerçants indépendants’. Les années à venir seront fortement influencées par l’univers online. L’offline doit à nouveau trouver sa place. La question principale est de savoir comment intégrer l’offline dans un univers online. Jusqu’à présent c’était l’inverse.
Croyez-moi, de grandes aventures nous attendent encore. Et il faudra le faire par tâtonnements, car personne ne détient la vérité. C’est la loi de la jungle, la loi du plus fort.
Une autre tendance, et Veritas peut y jouer un rôle important, est de limiter la globalisation, ce rouleau compresseur impitoyable. Le consommateur d’aujourd’hui est à la recherche d’un style personnel. Les chaînes retail ont submergé le consommateur comme un tsunami, mais aujourd’hui les choses ont quelque peu changé. La mode finalement est révélatrice de la personnalité de l’individu ! L’influence de l’internet y joue un rôle important, car avec internet le pouvoir est aux mains du consommateur et le consommateur tout compte fait est un individu.
A court terme je m’inquiète de l’impact des péripéties financières sur la consommation. Jusqu’à présent le consommateur a été épargné, mais en 2012 nous devrons tous payer les frais . La prospérité des dix dernières est totalement truquée, virtuelle. En ce sens 2012 sera donc une année très importante. »
Pourquoi Veritas mérite-t-il le prix de ‘Retailer de l’Année’ ?
M.P. : « Fidèle à la culture d’entreprise et à l’ADN de Veritas, nous sommes évidemment très fiers d’être nominés. Nous existons depuis plus de 120 ans et si je suis honnête (même envers moi), je dois avouer que nous avons parcouru un long chemin.
Cela demande du courage de remettre en question ses valeurs et ses normes. Il est difficile d’opérer un processus de changement jusqu’au plus profond de soi-même : de passer d’une entreprise familiale à une entreprise axée sur le marketing, d’un groupe d’entrepreneurs individuels à une organisation retail.
Je compare ce parcours à quelqu’un qui se promène à la côte en pleine tempête, mais qui relève son col le plus haut possible et continue son chemin. Il ne faut pas oublier que quand on existe depuis 120 ans, on a traversé des époques très différentes en matière de commerce. C’est pourquoi j’espère qu’une entreprise pourra être couronnée pour ses performances, sans pour cela être une grande entreprise nécessairement. »
Veritas mérite-t-il le prix de ‘Retailer de l’Année’ ? Evaluez également les deux autres candidats et émettez votre vote jeudi 1er décembre lors de la soirée RetailDetail Night.
Traduit par Marie-Noëlle Masure