En quoi consiste l’assortiment Gamma sous label privé ?
R.P.-J. : « L’assortiment Gamma sous label privé sera constitué de trois classes différentes. Au bas de l’assortiment le label ‘Ok’, qui comprend déjà 120 produits et dont la gamme sera élargie durant les prochains mois. Il s’agit en quelque sorte du label discount de Gamma : un produit ‘Ok’ à bas prix. Sur ces produits, la marque Gamma n’est pas mentionnée.
La deuxième classe est celle de la marque propre de Gamma. D’après la catégorie, nous examinons si nous pouvons proposer le produit en marque propre avec une qualité équivalente, mais 20% moins cher. C’est cette garantie que nous voulons offrir au client avec notre label Gamma. Tout dépend évidemment du type de produit. Par exemple pour des câbles électriques isolés, on ne peut apporter une plus-value, étant donné qu’il s’agit d’un produit standard uniforme.
Par contre lorsqu’un fournisseur propose deux ou plusieurs lignes dans son assortiment, comme c’est le cas par exemple pour la peinture, nous pouvons le faire aussi. C’est pourquoi nous avons également un label premium pour la peinture, dont nous pouvons certifier avec confiance que la qualité surpasse celle d’un produit de marque. Nous vendons ces produits haut de gamme au même prix que les marques nationales. »
La peinture Gamma en soi n’est pas une nouveauté, n’est-ce pas ?
R.P.-J. : « Non effectivement, mais l’offre s’élargit également dans d’autres catégories. La dernière nouveauté dans notre assortiment sous label privé est l’outillage électrique. Durant les mois à venir, pour l’arrivée du printemps, des outils de jardinage électriques seront disponibles en magasin, tels des tondeuses à gazon et d’autres. D’ici l’automne s’ y ajouteront d’autres articles comme par exemple des scies à chaîne.
Mais la qualité est notre priorité : nous devons trouver un fabricant capable de nous fournir un produit qui répond à toutes les conditions de qualité. Avoir sa propre marque comporte également des risques : si la qualité n’est pas satisfaisante, c’est notre nom qui est lié au produit et cela nuira à l’image de Gamma. Actuellement nous proposons quelque 6.000 références en marque propre, nombre que nous ne cesserons de faire croître à l’avenir. »
Qu’y gagne Gamma en tant que retailer ?
R.P.-J. : « Nous le faisons principalement pour deux raisons. Premièrement pour renforcer Gamma en tant qu’enseigne : Gamma a une solide réputation dans le secteur du bricolage et nous pensons qu’il est de plus en plus important d’associer notre nom au produit. Pensez par exemple à Apple par rapport à Microsoft : Apple bénéficie de la force d’une seule marque, alors que Microsoft doit à chaque fois se démarquer.
Deuxièmement avec nos labels privés nous nous distinguons de la concurrence. Nous sommes les seuls dans le secteur DIY à nous profiler avec des marques propres. Pour Maxeda, qui avec Brico et Praxis, opère sous deux étendards différents, il est difficile de proposer une seule marque aux consommateurs. Hubo pour sa part a choisi de se démarquer par des marques nationales.
Pourquoi nos collègues du secteur ne s’y risquent-ils pas ? Parce qu’ils craignent souvent que cela implique un tas de choses. Effectivement nous prenons sur nous des tâches qui habituellement incombent au fournisseur. Mais nous avons pu répartir ces charges supplémentaires sur les différents départements: le category management s’occupe d’une partie et le département marketing d’une autre partie, etc. Et enfin il faut aussi un producteur qui puisse vous fournir ce que vous souhaitez.
Au niveau de la stratégie pour notre label privé, nous ne nous inspirons pas d’un exemple de l’étranger. Nous suivons notre propre chemin. »
Avec Apple vous citez une véritable ‘love brand’. Les bricoleurs sont-ils fidèles à une marque ?
R.P.-J. : « Le marché du bricolage est un secteur où les marques importent moins. A quelques exceptions près il n’y a pas vraiment de ‘love brands’. Mais effectivement pour certains les peintures Levi’s par exemple ont ce statut et il y a parfois des clients qui ne jurent que par Kärcher ou Bosch, mais en général cela joue très peu. Les produits en général ne sont pas vraiment ‘sexy’, n’est-ce pas ?
Au contraire, dans le secteur DIY il est très important de faire le lien avec le magasin : par exemple lorsque plusieurs années plus tard, on doit remettre une couche de peinture ou si l’on veut rajouter du laminé dans une nouvelle pièce, on se demande souvent où on avait acheté le produit autrefois. Ce n’est pas la marque du laminé qui est importante tant, mais il est toujours pratique de pouvoir retrouver le nom du magasin en question sur une caisse au grenier. »
Le marché du bricolage aux Pays-Bas connaît actuellement une tendance très négative au niveau de la croissance
R.P.-J.: « Jusqu’à présent Intergamma a toujours gagné en part de marché, mais nous constatons que la croissance diminue de façon significative. Ce recul s’avère aujourd’hui plus que considérable.
Le marché est en train de s’évaporer : le client ne consomme plus, dans le sens littéral du terme. Avant la crise on a beaucoup déménagé et construit, mais maintenant soudainement plus personne ne construit, ni ne déménage. Ces dernières années les Pays-Bas sont devenus plus décoratifs, en raison également de la pénurie des terrains à bâtir. Aux Pays-Bas il y a principalement des locations et les nouvelles maisons sont quasi prêtes à l’usage.
Le Belge par contre a toujours une brique dans le ventre. On constate les différences dans les magasins de bricolage : en Belgique par exemple le plâtre est blanc, alors qu’aux Pays-Bas il est gris, car aux Pays-Bas on peint immédiatement les murs, alors qu’en Belgique pas nécessairement. Le Belge commence par construire et ensuite prend le temps pour la finition : les pièces les moins urgentes sont parfois peintes des années après et comme éclairage temporairement on se contente d’ un fil électrique avec une ampoule.
Cela signifie donc que dans les maisons hollandaises, sauf en cas de construction ou de déménagement, on bricole moins. La décoration est une chose qu’on peut facilement remettre à plus tard. Supposons que les gens remplacent leur plafonnier tous les 5 ans, actuellement ils le feront après 6 ans seulement. »
Ne craignez-vous pas une saturation en Belgique ?
R.P.-J.: « En Belgique aussi le secteur du bricolage ressent les effets de la crise. On note encore une croissance, mais principalement parce que les ‘Big Four’ investissent énormément dans l’expansion. L’année dernière les indépendants par contre ont terminé dans le rouge et ceci est pour moi un signe révélateur.
Toutefois la situation en Belgique est différente. Les pointes et les creux ne sont pas les mêmes qu’aux Pays-Bas, parce que les gens continuent à construire. Pour l’instant certes les consommateurs sont plus économes, car ils veulent d’abord mesurer quelles seront pour eux les conséquences de toutes ces mesures gouvernementales. Mais, selon moi, tout cela va se stabiliser et la croissance reprendra. Mais il est certain que les gens sont moins dépensiers et cette conscience des prix se maintiendra.
Aux Pays-Bas la crise est différente qu’en Belgique. Chez nos voisins du Nord il était question d’une bulle immobilière, qui pour l’instant est en train d’éclater. Récemment aux Pays-Bas on pouvait encore emprunter jusqu’à 130% de la valeur d’un bien immobilier, en Belgique tout au plus 80%. Par le passé cela ne posait aucun problème, car après quelques années la maison valait cela et l’on pouvait facilement le récupérer en vendant. A présent les loyers sont sous pression et il n’y plus d’acheteurs potentiels, donc le système s’écroule comme un château de cartes.
Bien qu’à l’époque la Belgique avait été considérée comme trop conservative, à présent on se rend compte que c’était tout simplement une question de bon sens. »
Donc les labels privés sont les bouées de sauvetage ?
R.P.-J.: « Un large assortiment de produits sous label privé peut constituer en stimulant pour le consommateur. Nous estimons qu’avec les labels privés nous pouvons couvrir tout le marché et répondre mieux que nos collègues à tous les besoins du client, ce qui en temps de crise peut s’avérer très utile.
Si possible nous collaborons avec Gamma Pays-Bas, mais étant donné que tous les produits ne sont pas les mêmes – suite à une législation différente par exemple – chaque pays a aussi ses propres labels privés. »
Comment voulez-vous communiquer cela aux consommateurs, mais également aux fournisseurs ? Dans le secteur alimentaire les marques propres suscitent des tensions dans les relations avec les fournisseurs.
R.P.-J.: « Le fait de proposer des produits sous label privé ne doit pas se faire nécessairement au détriment des marques nationales, cela peut au contraire les renforcer. Il s’agit avant tout de donner le choix au client : en proposant différentes options et en permettant ainsi une comparaison transparente, le consommateur vous choisira vous en tant que retailer. Jusqu’à présent notre assortiment en marques propres n’a pas encore eu d’effet sur nos relations avec les fournisseurs.
Nous voulons durant quelques années mettre notre marque sur le marché, sans communication particulière. Dans les magasins il y aura parfois des actions ponctuelles, où nous mettrons un produit de notre marque propre en exergue. Les produits sous label privé auront de plus en plus leur place dans notre brochure. Mais l’introduction de notre propre gamme est avant tout un processus organique et non pas un processus de confrontation ».
Traduit par Marie-Noëlle Masure