Vous êtes à l’origine de l’entrée d’Inditex au Benelux.
J.V. : « Lorsqu’Inditex a voulu introduire sa marque Massimo Dutti au Benelux, l’entreprise espagnole s’est retrouvée devant des portes fermées. L’enseigne ne parvenait pas à trouver d’espaces commerciaux pour s’implanter et personne ne sautait d’impatience pour accueillir ‘encore une marque de plus’.
Etant donné qu’au début des années ’80 je m’étais déjà entièrement occupé du développement de Benetton sur le marché belge, j’avais envie de relever ce nouveau défi. A ce moment-là Benetton était encore en plein épanouissement. Après avoir revendu Benetton en ’97 aux Italiens, j’ai donc été discuté avec Inditex à Barcelone.»
Ce fut le début d’une collaboration durable et constructive
J.V. : « Oui, en effet. Massimo Dutti était encore à ses débuts. La marque avait uniquement une ligne pour homme. J’ai immédiatement suggéré qu’il leur faillait également une collection dame. Ils m’ont également demandé mon avis en matière d’aménagement des magasins. Sur base de quoi ils ont développé un magasin pilote et ainsi nous avons démarré ensemble.
Aujourd’hui encore nous avons d’excellents rapports. Actuellement la collection dame représente 55% du chiffre d’affaires, comme quoi les choses peuvent évoluer. »
D’un refus initial à un réseau commercial devenu indispensable. Quels sont les projets d’expansion pour Uterqüe et Massimo Dutti ?
J.V. : « Avec Uterqüe (la marque d’accessoires d’Inditex, ndlr) nous avons ouvert sept magasins l’année dernière dans de grandes métropoles et dans des aéroports (l’une des priorités d’Inditex, de par la grande visibilité). La marque, il est vrai, doit encore se développer au niveau international, avec notamment des flagship stores dans des villes comme Paris et Londres pour créer ainsi une plus grande visibilité, mais pour Uterqüe une douzaine de magasins en Belgique et au Luxembourg, c’est le maximum.
Massimo Dutti compte actuellement 24 magasins. Le prochain ouvrira ses portes début 2012 à Ostende (Adolf Buysstraat). Question investissement nous avons fait le tour, il ne faut pas d’autres magasins, nous couvrons tout le marché. Bien entendu nous pouvons encore suivre les relocalisations et les transformations. »
Nous avons appris que vous avez revendu votre groupe à Inditex.
J.V. : « La semaine dernière un accord a été conclu par lequel notre groupe a été revendu à Inditex. Mis à part les pays arabes, Inditex gère tout en mains propres, partout au monde. Même pour les régions d’Amérique du Nord et du Sud, la Russie, l’Inde et la Chine, ils font tout eux-mêmes, et dès à présent également pour la Belgique et le Luxembourg. Ils sont en mesure de le faire parce qu’ils disposent d’une grande liquidité.
Nous travaillerons encore ensemble durant trois mois pour la cession, après cela je relèverai un autre défi. Je ne peux pas encore dire quoi exactement, mais ce sera certainement à nouveau une combinaison d’immobilier et de développement de nouvelles marques. L’immobilier a toujours été ma spécialité : j’ai d’ailleurs ma propre agence d’immobilier commercial. »
Avec la situation actuelle du marché immobilier, cela ne semble pas vraiment évident.
J.V. : « Notre job dans une première phase, c’est l’immobilier. Même pour une marque de renom, si l’espace commercial n’est pas adéquat, la marque périclitera.
L’ e-commerce prendra certainement une grande part du gâteau. Nous nous attendons concrètement à 10% du chiffre d’affaires, mais cette baisse du chiffre d’affaires dans les magasins est donc également une perte sur le loyer. Cette baisse du chiffre d’affaires aura un impact sur les prix des loyers, qui à l’avenir vont très certainement stagner. »
Comment évaluez-vous les opportunités et les menaces du retail online?
J.V. : « Je suis convaincu qu’il y aura une évolution dans le comportement des consommateurs, qui feront une grande partie de leurs achats online. Il y a donc certains types de magasins qui disparaîtront complètement, tels les magasins de cd, de livres, de meubles …
Toutefois je suis persuadé que les magasins ayant un grand renom continueront d’exister, à condition qu’ils se renouvellent. D’ici l’année prochaine l’univers retail aura une toute autre image. Actuellement il n’est même plus besoin de sortir de chez soi pour le fameux ‘fun shopping’. Sur certains webshops un autoscanning permet un essayage virtuel des vêtements. On peut même expérimenter avec les couleurs et les modèles, ce qui n’est pas possible dans un magasin physique.
Mais c’est bien, il faut davantage de créativité. Tant mieux que les valeurs sûres soient mises à l’épreuve, sinon elles auraient tendance à s’endormir sur leurs lauriers. »
Quelles autres nouvelles tendances retail voyez-vous?
J.V. : « Premièrement l’atout du retail physique, c’est le contact personnel. L’avenir pour le retailer consiste à jouer un rôle de conseiller compétent et de montrer une grande créativité. Un changement rapide est un must et en ce sens pour les nouvelles marques le soutien logistique est crucial.
Je crois très fort aussi à ce qu’on pourrait appeler des rues conviviales : ce sont ces petites rues latérales qui donnent sur les grands axes commerciaux. Afin d’éviter la standardisation des rues commerçantes, des petits commerces spécialisés doivent s’implanter dans ces petites rues : pensez par exemple à un bar à café, un joaillier un peu original, un magasin de petits cadeaux. Ces petites rues sont une bonne chose pour le retail en général et également pour l’immobilier.
Nous mourrons tous un jour, mais si nous prenons soin de nous, nous vivrons plus longtemps. Il en va de même pour les marques. Et la mode est d’autant plus éphémère. Lorsqu’on regarde autour de soi, on a parfois l’impression que certaines marques survivent plutôt que de vivre. »
Que penseriez-vous d’un Career Achievement award ?
J.V. : « Je viens d’apprendre les noms des autres nominés: j’ai beaucoup de respect pour Emile Lathouwers et Frans Schotte. Notre dénominateur commun, à tous trois, est de créer quelque chose en partant de rien. Nous sommes tous trois encore actifs dans le business, malgré que nous ayons vendu. Notre hobby c’est de faire du business.
Le message que j’aimerais faire passer est le suivant : si quelque chose existe, il faut l’améliorer. Si quelque chose n’existe pas, il faut l’inventer. La vraie force n’est pas de frapper fort, mais de frapper juste ! »
Johan Vandendriessche mérite-t-il le Career Achievement award?
Evaluez également les deux autres candidats et émettez votre vote jeudi 1er décembre lors de la soirée RetailDetail Night.
Traduit par Marie-Noëlle Masure