C’est ce modèle que l’ancien CEO d’Ecover prêche dans le monde entier et implémente activement : « Nous travaillons sur des projets qui peuvent changer la vie des gens à court terme. »
« L’Economie Bleue aurait déjà pu assurer le plein emploi en Belgique »
« La grande différence avec l’économie verte est que nous avons changé les règles du jeu : l’économie verte a évolué vers une économie où nous devons sans cesse payer plus pour ce qui est bon pour l’homme et l’environnement, où des impôts sont perçus et où des subsides sont octroyés », indique Gunter Pauli lorsqu’on lui demande ce qu’est précisément l’Economie Bleue.
Selon lui, le changement des règles du jeu réside dans le fait que l’Economie Bleue se concentre sur la création d’une valeur ajoutée basée sur ce qui est disponible localement : « L’économie bleue est en premier lieu une économie qui nous permet de répondre aux besoins des gens. C’est une économie durable et qui, de surcroît, est innovante. »
Le terme repose d’ailleurs sur une vision plus réaliste de ce qu’est le monde : « Vu de l’espace, la terre est bleue en grande partie, avec quelques taches vertes et quelques nuages blancs. Vu de la terre, ce sont les océans et le ciel qui sont bleus. Mais peu importe, les gens peuvent donner la couleur qu’ils veulent à cette économie, du moment qu’ils appliquent le principe. »
Le réalisme est dès lors un thème conducteur dans cette Economie Bleue que préconise Gunter Pauli : pas d’idéalisme rêveur, mais faire des affaires ‘hands-on’. « Dans mon livre « The Blue Economy » qui a été publié en 2009, je décris 100 projets dont un tiers est basé sur la fantaisie, un tiers est composé de projets pilotes et un tiers est constitué de projets qui ont réellement aboutis. »
Aujourd’hui, 188 projets ont été développés avec un investissement total d’environ six milliards d’euros et la création de trois millions d’emplois. « En d’autres termes, si j’étais resté en Belgique et si j’avais entamé une carrière politique, le modèle de l’Economie Bleue aurait, en principe, pu assurer le plein emploi. »
Cultiver des champignons avec des déchets de café
Comment le réseau ZERI (Zero Emissions Research & Initiatives), que l’Economie Bleue met en pratique, a-t-il été en mesure de réaliser autant de projets ? « Parce que nous créons des avantages tant sur le plan financier et social, qu’au niveau écologique et culturel. Lorsque nous buvons une tasse de café, on ne s’attarde pas au fait que nous ne consommons que 0,2% du produit, les 99,8% restants sont des déchets. Dans le meilleur des cas, il nous est possible de composter ces déchets, mais cela ne rapporte rien puisque le processus provoque une plus grande émission de gaz méthane. C’est pourquoi nous utilisons aujourd’hui ces déchets de café dans la culture de champignons. »
Il existe aujourd’hui plus de mille projets dans le monde où la culture de champignons se fait ainsi. Les déchets qui restent après la culture des champignons sont utilisés pour fabriquer de la nourriture pour animaux. Parce qu’elle est riche en acides aminés, elle convient parfaitement aux chiens mais également aux poules. « Cette méthode nous permet de réaliser énormément en très peu de temps, car la culture de champignons dure à peine un mois et l’alimentation pour animaux fabriquée à partir de ces déchets, est mangée en un jour. En d’autres termes, nous parvenons à générer très rapidement du cashflow et à transformer les coûts en actifs. »
« Nous bouleversons l’équilibre en quelque sorte, comme les ‘profit & loss-statements’ », explique Pauli. « De plus, nous ne générons pas que du cashflow, nous transformons des gaz méthane en dioxyde de carbone, 21 fois moins nuisible pour l’environnement. C’est exactement la logique dont nous avons besoin : il s’agit d’une manière de travailler très pratique et concrète qui ne nécessite pas les toutes dernières nouveautés technologiques. Les Chinois cultivent des champignons depuis plus de dix siècles, et cela fait plus de six cents ans que nous buvons du café. Il est donc clair que nous ne faisons rien d’exceptionnel, mais nous travaillons sur des choses qui peuvent changer la vie des gens à court terme. »
La bureaucratie reste un obstacle important
Mais tout cela est relativement récent, et dès lors, l’Economie Bleue reste encore très limitée, certainement dans le Benelux. « Il faut d’abord que cela prenne forme. L’économie verte existe depuis trente ans, et au moment où les gens commencent à la comprendre et à y adhérer, voilà que surgit soudainement l’Economie Bleue . Mais le principal obstacle réside dans le fait que les gens n’ont aucune idée des possibilités que cette Economie Bleue peut offrir. »
« Dès que les gens voient et entendent ce qui peut être réalisé, ils deviennent soudainement très enthousiastes. Malheureusement, l’enthousiasme et la connaissance seuls ne suffisent pas. Il nous manque notamment cette capacité de réaliser des projets efficacement et rapidement, c’est un problème majeur en Belgique et en Flandre », estime Gunter Pauli.
« Tous les projets sont soumis à diverses études de faisabilité qui doivent être certifiées et auditées, sans oublier les business plans élaborés par la suite. Alors qu’on ne sait même pas de quoi on parle. Tant de défis nous attendent, mais les challengers ne savent pas comment les relever avec succès. »
Mais grâce à son expérience, l’homme d’affaires engagé sait que les choses peuvent être différentes : « En Chine, j’ai proposé de fabriquer du papier de pierre à base de déchets issus des mines. Après 16 mois, la première usine était opérationnelle et encore deux mois plus tard, trois autres usines ont été construites. A peine 24 mois après les premières discussions, il a été décidé qu’un quart de la production totale de papier serait du papier de pierre. Les chinois ont immédiatement opté pour ce procédé car il ne nécessite ni eau, ni arbres. »
« Il existe meilleures solutions que de vendre des fruits hollandais en Belgique »
Selon Gunter Paul, l’Economie Bleue recèle également un énorme potentiel pour le secteur du etail : « Si nous réussissons à élaborer un tout autre concept de distribution, nous réaliserons qu’il existe de meilleures manières de créer de la valeur ajoutée que d’importer des fruits et légumes des Pays-Bas en Belgique, pour les vendre ici à un prix légèrement inférieur et ainsi contrecarrer la concurrence. Nous devons revoir toute la structure des coûts et des bilans comptables et déterminer comment offrir un produit de haute qualité à un prix inférieur. »
« La principale caractéristique qui a toujours assuré le bon fonctionnement du commerce, c’est l’offre d’un produit de meilleure qualité à un prix inférieur. Cela signifiait donc que nous devions tout faire fabriquer en Chine, que nous devions faire transporter ces marchandises de l’orient vers l’occident, que nous avons dû créer des bureaux d’achat à Shanghai, au Bangladesh ou au Vietnam, et ce dans le but d’acheter au prix le plus bas. Aujourd’hui, je dis non à ce processus. »
« La question est de savoir comment surprendre le client ? »
Comment les retailers peuvent-ils créer cette valeur ajoutée ? « Au moment de la vente au client », estime Gunter Pauli. « C’est là que vous déterminez la valeur de vos produits et que vous engendrez du cashflow. Il s’agit de changer les mentalités. Le lundi matin, vous devez vous poser la question suivante : comment vais-je surprendre mon client ? Tout le monde aime se faire surprendre, mais on a tendance à l’oublier. Aujourd’hui, on vous surprend uniquement le jour de votre anniversaire et à Noël, et si vous avez de la chance, peut-être aussi au Nouvel An. »
« Cet élément de surprise constitue la grande différence entre la distribution et l’online. La distribution est en mesure de surprendre bien davantage qu’un magasin internet : une raison de plus pour réintroduire les surprises dans le retail. Et je ne parle pas d’une seule surprise, mais d’une succession de surprises. Il faut que le retail devienne aussi passionnant qu’un film d’Indiana Jones. »
« On vit dans un monde où tout est calculé et où on se laisse guider par des statistiques, des chiffres et des rapports. Nous accumulons de plus en plus de données, alors que tous les concurrents possèdent exactement les mêmes données. Aujourd’hui, nous avons besoin d’une vision innovante sur la façon de surprendre le client et nous devons veiller à la mettre en pratique tous les jours. »
Gunter Pauli est l’un des orateurs principaux au RetailDetail Congress qui aura lieu le 24 avril au San Marco Village à Schelle. Cliquez ici pour vous inscrire et pour de plus amples informations. Ne tardez plus et profitez de notre action ‘early bird’, en cours jusqu’au 7 avril, et bénéficiez ainsi d’une réduction de 100 euros sur votre ticket d’entrée.