Votre expérience en matière d’immobilier commercial date d’il y a déjà quelques années. Comment la situation du marché immobilier va-t-elle évoluer selon vous ?
B.T. : « Aujourd’hui, il est primordial de faire une distinction entre les facteurs internes et les facteurs externes qui influencent le retail. On ne peut ignorer le climat économique actuel, ni l’absence d’un véritable hiver pour la deuxième fois déjà. Le chiffre d’affaires des magasins de vêtements en particulier en souffre, ce qui se répercute sur les perspectives d’avenir et les projets de croissance des chaînes.
Bien entendu, cela a également une influence sur l’immobilier commercial, bien que nous constations que le consommateur semble reprendre confiance et que le marché de l’immobilier dans son ensemble est resté stable ces dernières années.
Ce sont des facteurs externes que personne ne peut contrôler ; mais en même temps, on observe de très importantes évolutions internes. Je pense bien sûr au rôle du e-commerce, dont l’impact devient de plus en plus perceptible.
Pour l’instant, les retailers optent pour une expansion prudente, ils veulent la sécurité et ils la recherchent aux emplacements AAA. De plus, le magasin devient un véritable outil de marketing, l’aspect extérieur physique du ‘brand experience’.
Je suis totalement convaincu que les ‘bricks’ ne cesseront jamais d’exister : dans les magasins, le consommateur recherche le vécu qu’il ne trouvera jamais en ligne. Les deux sont complémentaires, pas question de choisir, mais le vécu devient dès lors crucial. Nous en avons tenu compte lors de la conception de Uplace Brussels. »
La politique actuelle est largement axée sur la relance des centres-villes. Comprenez-vous que des organisations comme l’Unizo et Comeos s’opposent aux nouveaux centres commerciaux et aux projets situés en dehors des villes ?
B.T. : « Les retailers sont constamment à la recherche de marchés complémentaires, ce qui les incite à passer de l’intérieur vers l’extérieur des centres-villes, ou inversement. Il existe suffisamment d’exemples de retailers qui diversifient leur portefeuille de magasins. La cannibalisation entre les deux est tout à fait minime, car la clientèle y est différente et de plus cette interaction est indispensable pour mener une politique retail saine.
On observe néanmoins certaines tendances : lorsqu’une infrastructure est à la traine, une autre reprend le dessus, ce qui incite la première à innover. Aujourd’hui en effet la tendance est de relancer les centres-villes. Les organisations patronales s’opposent à tout ce qui se trouve en dehors des centres urbains, alors qu’il serait bien mieux de mettre en valeur les avantages de chaque type de retail.
A l’heure actuelle, les villes offrent une gamme bien plus variée en matière de retail, ‘leisure’, ‘food’ et ‘beverage’ que ce que proposent les magasins aux abords des axes routiers dans la banlieue. Le client peut y assouvir une quantité de besoins à un seul endroit (single destination). Cette combinaison et cette multitude de ‘triggers’ lui procurent ce sentiment de ‘fun shopping’, un sentiment qui, grâce à une approche et un mix structurés – comme c’est le cas pour Uplace Brussels – ne peut être que renforcé.
Les commerçants indépendants locaux doivent dès lors innover et se spécialiser. Il est nécessaire qu’ils exploitent leurs forces et leurs avantages concurrentiels à bon escient. Mais l’angoisse les freine. Il faut pourtant oser remettre en question son propre concept, oser se réinventer, rechercher la plus-value de grands projets pour votre propre business et diriger le flux de la clientèle vers votre activité !
Uplace souhaite être un catalyseur pour toute la région : nous contribuons pour 1,1 million d’euros à la relance des centres-villes de Vilvorde et de Machelen, parce que nous partons du principe que Uplace et les centres-villes sont deux produits différents et complémentaires. »
Selon un grand nombre d’experts, l’avenir du retail physique se situe au niveau du ‘vécu’. D’après vous, cet aspect de divertissement est-il indispensable pour le maintien du retail offline ?
B.T. : « Depuis 2008 déjà, Uplace met l’accent sur le ‘vécu’. Nous étions parmi les premiers à prononcer ce mot. Nous en parlions dans le livre « Experience shopping », où nous avons analysé les vrais besoins du consommateur.
Ainsi nous avons appris que le consommateur n’est plus à la recherche du luxe purement matériel, mais tout est question de vécu et de moments agréables. Le temps est un bien précieux pour les consommateurs : ils ont de moins en moins de temps libre et recherchent donc un endroit pour passer leur temps le plus agréablement et efficacement possible. Faire du shopping fait maintenant partie des loisirs et n’est plus une activité purement fonctionnelle. C’est pour cette raison que, chez nous, la ‘sales productivity’ n’est pas la norme prioritaire pour nos locataires retail, mais plutôt le ‘sales pleasure’.
Uplace veut également proposer une ‘all-in-one experience’ : un environnement où toutes les fonctionnalités sont regroupées. Nous proposons aux consommateurs une combinaison variée de commerces, mais également des bureaux, un théâtre, un cinéma et même un syndic qui organise quotidiennement des événements adaptés aux besoins du public.
Lorsqu‘un client ne peut assouvir un besoin à l’endroit où il se trouve, c’est là qu’il décroche. Un exemple : si en faisant son shopping, il ne trouve pas de quoi manger au moment où il a faim ou s’il ne trouve pas un endroit où faire ses courses pour le lendemain, vous perdrez le client. »
Uplace, Neo et Dockx Bruxsel sont des projets à l’intérieur et en dehors de Bruxelles. Y a-t-il suffisamment de place pour les trois ? Ne craignez-vous pas qu’il y ait trop de surface de vente ?
B.T. : « Dans la partie nord de Bruxelles, il y a un manque énorme d’infrastructure commerciale de qualité. On estime qu’il y aurait encore un marché pour 200.000 m² de surface commerciale, mais il faut une diversification au niveau de la répartition géographique, la zone de chalandise, l’offre et les groupes cibles.
A l’heure actuelle, Neo reste encore un grand mystère. Le concept est en plein développement, alors que nous avons déjà toutes les autorisations nécessaires en poche. Neo a un sérieux retard par rapport à Uplace.
Par contre, Docks Bruxsel propose un tout autre produit que le nôtre, avec un autre ‘scope’ vu la localisation, le positionnement, l’échelle de grandeur et les paramètres socio-économiques. De plus, la zone de chalandise de Uplace Brussels en tant que ‘experience center’ est nettement plus vaste que celle des centres commerciaux traditionnels. D’après les recherches que nous avons effectuées, il semble que notre projet attirera des clients venant de tout le pays et même de l’étranger. »
Uplace vise quels types de consommateurs – et donc de retailers ? Et qu’en est-il du taux d’occupation à l’heure actuelle ?
B.T. : « Le consommateur a une place centrale dans le développement de Uplace Brussels. Notre concept vise la famille dans son entièreté, des personnes venant de partout et de tous âges. Il s’agit donc d’un large éventail de diverses préférences et de besoins bien distincts. Nous y répondons grâce au ‘leisure’ et au ‘retail’ appropriés, allant des retailers ‘mass-market’ au ‘premium brands’. Au sein de Uplace, chaque type de client trouvera une gamme de produits qui lui convient.
Grâce à notre superficie suffisamment grande, nous avons la possibilité de créer différents environnements pour tous ces segments. Ces environnements seront divisés de façon intuitive et s’articuleront de manière fluide. Ainsi, chaque client pourra concevoir son propre parcours au sein du projet, et ce de façon logique et structurée.
Lors du congrès Mapic au mois de novembre dernier, nous avons pu annoncer que plus de 40% de l’espace retail disponible était loué. Cette commercialisation réussie nous conforte dans notre conviction que les retailers sont conscients de l’importance du vécu. Preuve que le concept de Uplace est apprécié et compris.
En 2014 nous nous efforcerons d’attirer des retailers internationaux supplémentaires qui cadrent dans le ‘Uplace Experience Project’. En ce qui concerne les autres fonctions au sein du projet – comme par exemple l’hôtel, le théâtre, le cinéma et la ‘family zone’ – les discussions que nous menons avec une sélection de candidats sont en phase finale. »
Bram Thomas sera l’un des orateurs lors du RetailDetail Real Estate Congress du 20 mars, tout comme le professeur Cor Molenaar et Jan De Nys (Retail Estates). Cliquez ici pour de plus amples informations et pour vous inscrire.
Traduction : Laure Jacobs