L’annonce faite hier concernant la nouvelle restructuration chez Makro et Metro soulève davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses. Le modèle d’affaires de Makro semble ne plus fonctionner : peut-il encore être sauvé ?
Un coffre de voiture bien rempli
Il fut un temps où Makro était un concept de magasin novateur qui proposait une gamme incomparable de produits à prix de gros, pour les heureux entrepreneurs et particuliers qui étaient parvenus à se procurer la fameuse carte Makro tant convoitée. Pouvoir faire ses courses au Makro était un privilège, c’est ce dont je me souviens.
Vous pouviez y faire de bonnes affaires à des prix défiant toute concurrence et lorsque le coffre et la banquette arrière de la voiture étaient bien remplis, il était temps d’aller manger un petit bout au restaurant du magasin. La belle époque. Surtout pour Makro.
Aujourd’hui, tout le monde peut se procurer une carte Makro. Le seuil a été abaissé de manière drastique, mais les consommateurs ne font plus leur course de la même façon qu’avant. En ligne, le choix est illimité. Il n’y a donc plus aucune raison de vouloir stocker physiquement 60.000 références dans un magasin : c’est impayable. Nous ne voulons plus passer une heure dans un magasin, sans compter l’heure perdue en trajet. Pourquoi le ferions-nous ? On trouve des promotions partout.
Un énorme défi
Les conditions du marché ont radicalement changé. Les spécialistes et les acteurs occupant un créneau, tant online qu’offline, ont pris les devants. Aujourd’hui, qui va encore au Makro pour s’acheter un jeans, une paire de chaussures ou une poêle ? Pourquoi iriez-vous à Deurne, Eke, Machelen ou Alleur pour vous procurer un laptop ou une télévision ?
Les managers chez Makro se sont très clairement posés ces mêmes questions. Ils sont convaincus que Makro pourra se distinguer sur trois niveaux de spécialisation : l’alimentation de qualité, le divertissement (tout pour faire la fête, de l’alimentation à la décoration) et l’habitation (tout pour la maison, des bougies aux briques et au ciment). Dorénavant, le groupe mise sur deux types de clients : les particuliers et les artisans professionnels de la construction/rénovation et de l’aménagement de jardins.
Certes, ce sont des secteurs qui peuvent encore rapporter et dont le commerce en ligne n’en est qu’à ses balbutiements. Mais quand même : cela signifie que Makro estime pouvoir concurrencer dans un environnement ‘big box’ avec des magasins comme Delhaize, Carrefour et CRU en ce qui concerne l’alimentation ; AVA, Action, Dreamland et FUN pour les accessoires de fête ; et avec Gamma, Brico, Maisons du Monde et IKEA pour l’habitation ? Pour ne vous énumérer qu’une infime partie de la concurrence physique. « Impossible is nothing », disait le grand Mohammed Ali, mais il s’agit quand même d’un défi qui mérite le respect.
Irrémédiablement brisé
Que se passe-t-il réellement ? L’époque du retailer en tant que personne intermédiaire est définitivement révolue. Le modèle d’affaires de Makro est irrémédiablement brisé. Quel service unique ou expérience le retailer peut-il offrir ? Où se situe la valeur ajoutée ? L’innovation ? Makro vend des marques et des produits que vous trouvez partout, dans un environnement commercial qui est grand mais pas spécial, à des prix compétitifs mais pas les plus bas. Pas de pouvoir distinctif. Makro se différencie seulement par son choix immense, comme hypermarché au carré. Mais c’est justement cet aspect-là qui n’attire plus le consommateur aujourd’hui.
Metro Group en est tout à fait conscient. Dans un document stratégique qui date de l’année dernière, le groupe dit vouloir évoluer d’un retail de produits vers un retail de services. Mieux comprendre les besoins des consommateurs et proposer des solutions, de manière interactive et sociale. Construire des communautés, jouer sur les émotions. Makro en est encore très éloigné.
Un océan rouge
Makro Cash & Carry Belgium croit-il encore pouvoir être sauvé ? La séparation annoncée des sièges de Makro et de Metro en Belgique est un signe prémonitoire pour les mauvaises langues. Si les choses se passent mal pour Makro, Metro pourra poursuivre sa route par ses propres moyens.
Même si Métro nage dans un océan rouge avec des concurrents comme Bidvest, Solucious, ISPC, Hanos et Sligro (qui ouvrira bientôt son premier point de vente en Belgique), ses chances de survie sont quand même nettement plus élevées que celle de Makro, le cash & carry de la vieille école.