La discussion interminable sur la norme salariale soulève des questions. En tant que détaillant, dois-je accorder cette « prime coronavirus » maintenant ? Avez-vous encore le droit d’accorder une augmentation de salaire à vos employés ? Et si vous ne respectez pas la norme salariale ?
Qui détermine la norme salariale ?
L’objectif de la norme salariale est de promouvoir la compétitivité des entreprises belges et l’emploi : la norme fixe l’augmentation maximale des coûts salariaux belges sur deux ans.
La création de cette norme salariale ne coule pas de source : elle repose sur toute une procédure. Cela commence par la préparation d’un rapport du Conseil de central de l’économie (CCE) sur les marges maximales disponibles pour l’évolution des coûts salariaux. Ce rapport tient compte de l’évolution escomptée des salaires en Allemagne, en France et aux Pays-Bas. Sur la base de ce rapport, les syndicats et les organisations patronales mènent des négociations dans le but de parvenir à un accord interprofessionnel (AIP) qui fixe la norme salariale. Si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord, le dossier est transmis au gouvernement, qui doit faire une proposition de médiation en tenant compte du rapport du CCE. Si les partenaires sociaux n’approuvent pas la proposition de médiation du gouvernement dans le mois qui suit, le gouvernement peut alors fixer la norme salariale.
Début 2021, le rapport du CCE avait indiqué que les coûts salariaux par employeur ne devaient augmenter que de maximum 0,4 % en 2021/2022 pour garantir la compétitivité. Cela signifie que le budget total que vous, en tant qu’employeur, consacrez en moyenne par employé aux salaires et aux avantages sociaux ne peut augmenter que de maximum 0,4 %. L’octroi d’augmentations salariales individuelles est toujours possible, pour autant que l’employeur ne permette pas une augmentation de plus de 0,4 % du budget total des rémunérations. Cette augmentation des coûts salariaux s’ajoute à l’indexation des salaires et aux augmentations des barèmes. Par rapport à l’augmentation maximale des coûts salariaux de 1,1 % au cours des quatre dernières années, la marge d’augmentation des coûts salariaux pour 2021/2022 était/est donc plutôt faible. Cela n’a pas plu aux syndicats. Après d’âpres négociations, les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord sur ce qui pourrait être accordé aux salariés en plus de la majoration salariale de 0,4 %.
La prime coronavirus
Le dossier a ensuite été transmis au gouvernement. Au début du mois de mai, le gouvernement a maintenu l’augmentation maximale des coûts salariaux à 0,4 % mais, sous la pression des syndicats des salariés, a proposé que les entreprises qui réalisent de bons résultats aient la possibilité d’octroyer un chèque de consommation supplémentaire à leurs employés, d’une valeur maximale de 500 euros. Les employeurs qui souhaiteraient accorder un tel chèque doivent tenir compte du fait qu’une cotisation patronale de 16,5 % est du sur cette prime. Pour l’employé, le montant brut figurant sur le chèque correspondrait au montant net à dépenser. Le chèque pourrait initialement être négocié au niveau sectoriel. Ce n’est que si aucun accord n’est conclu à ce niveau que des négociations seront possibles au niveau des entreprises.
Quant à la possibilité ou l’obligation, en tant qu’employeur, d’octroyer cette « prime coronavirus », cela dépend maintenant de la future concertation. Moins de 10 % des entreprises belges auraient enregistré de bons résultats, ce qui laisse à penser que peu de primes coronavirus seront octroyées. L’idée serait que cette nouvelle prime coronavirus puisse être dépensée dans plus de magasins (dans les supermarchés, par exemple) que le chèque de consommation octroyé en 2020, que personne ne savait où dépenser.
Norme salariale par secteur ?
Les syndicats ne sont actuellement pas satisfaits de la proposition de médiation émise par le gouvernement et menacent d’organiser de nouvelles actions. Ils veulent également inclure une augmentation des salaires minimums dans l’accord salarial. La probabilité que les partenaires sociaux acceptent la proposition de médiation du gouvernement dans un délai d’un mois est pratiquement nulle. Ce sera dès lors au gouvernement de fixer définitivement la norme salariale.
Il est clair qu’une norme salariale générale imposée sans exception à tous les employeurs belges dans tous les secteurs ne fonctionne plus. Une norme salariale par secteur serait-elle une solution ? Affaire à suivre…
Il convient de souligner qu’un employeur qui ne respecte pas la norme salariale peut se voir infliger une amende allant de 250 à 5 000 euros par employé (avec un maximum de 100 employés). Tous les employeurs belges devraient donc suivre de près les évolutions concernant la norme salariale.
Elke Duden est associée chez CMS De Backer où elle est membre du département de droit du travail et des pensions. Elle a des bureaux à Anvers (Berchem) et à Bruxelles (Watermael-Boitsfort).