Le gouvernement continue de semer la confusion, les banques semblent réticentes à accorder les crédits pont indispensables aux commerçants et les syndicats ont flairé l’odeur du sang. Que sommes-nous réellement en train de faire : le secteur du commerce de détail doit-il vraiment aller jusqu’au bout ?
L’urgence de la situation échappe à certains
Les détaillants sont-ils oui ou non autorisés à rouvrir le 11 mai ? Il n’a pas fallu attendre 24 heures après la conférence de presse longue et tardive de vendredi pour que la confusion à ce sujet soit déjà totale. Pour les experts, cela va dépendre des statistiques. Mais qu’en est-il du gouvernement ? Il reste assis à regarder. Difficile d’y trouver un leadership. Et pendant ce temps, l’horloge tourne impitoyablement : bientôt, il n’y aura plus de magasins à rouvrir, écrivais-je la semaine passée. Les décideurs politiques ne semblent cependant pas comprendre l’urgence de la situation. Pourtant, les chaînes de supermarchés ont encore confirmé la semaine dernière qu’il n’y a pratiquement pas de cas de contamination parmi leur personnel de magasin : il est donc possible de garantir la sécurité dans les magasins.
La tragédie sanitaire se transforme aussi en un désastre économique. Il y a deux semaines déjà, je déclarais que les banques se mueraient en bourreaux pendant cette crise du coronavirus, car les liquidités sont cruciales pour les détaillants qui veulent y survivre. Les banques d’investissement, qui se sont révélées être principalement des banques après la précédente crise financière, doivent maintenant soutenir les courageux, sous peine de voir bientôt survenir un bain de sang. Ce sont elles qui tiennent aujourd’hui le sort des commerçants entre leurs mains. Et pour l’instant, cela ne s’annonce pas très bien de ce côté-là non plus…
Les banques font preuve de faiblesse
Les détaillants ont besoin de fonds de roulement. Tous se retrouveront dans le rouge cette année. Soyons réalistes : avec un crédit coronavirus de 12 mois, nous n’y arriverons pas ! Ce délai est trop court. Il faut étendre son échéance à trois ans, et c’est là que le bât blesse : si l’on en croit les rumeurs du secteur, les banques ne sont pas enclines à financer les énormes stocks restants des retailers. Ils remettent en question la valeur résiduelle des stocks saisonniers. Les « banques d’investissement pour 12 mois » n’osent pas prendre le risque et se muent à nouveau rapidement en banques ordinaires.
Si cela ne change pas rapidement, je prédis une vague de disparition sans précédent : les courageux seront massacrés et, une fois la crise du coronavirus passée, les rues commerçantes seront encore plus vides qu’elles ne le sont déjà. Ce sont principalement les villes intermédiaires et les zones de commerces secondaires qui entreront dans un cercle vicieux : pas de magasins, pas d’horeca, pas de passage. L’action se déplacera vers les quelques villes qui auront su conserver un peu de vie. Et vers le commerce en ligne : bpost souffre déjà sous la pression. Mais les gagnants de l’e-commerce ne sont autres que des acteurs internationaux qui ne garantissent pas l’emploi et ne paient pas d’impôts. Est-ce vraiment ce que nous voulons ?
Un peu de respect, s’il vous plaît.
Et après, on apprend dans les journaux que le Meilleur Employeur d’Europe est mis sous pression par les syndicats parce que l’entreprise, touchée par une perte de 60 % de son chiffre d’affaires, licencie 24 de ses 700 employés. « Une restructuration limitée pour sauver l’ensemble », déclare Wouter Torfs. Et que dit le syndicat ? Il clame haut et fort que l’entreprise ne souhaite que répercuter les coûts de licenciement sur l’État.
Cher syndicat, je vais maintenant briser un rêve. Si les chaînes de magasins veulent survivre, elles doivent réduire leurs coûts, et cela passe par l’emploi et le portefeuille de magasins. Il est essentiel de protéger la trésorerie. Plus aucun investissement n’est fait, tout le monde est en mode survie. Au cours de ces dernières années, de nombreux sacrifices ont déjà été réalisés, mais maintenant il faut réellement couper dans le vif. Eh oui, c’est douloureux.
Wouter Torfs aura imaginé son anniversaire de façon complètement différente. Je parie qu’il en est resté éveillé toute la nuit, moite de sueur, d’avoir dû prendre une telle décision. Si vous êtes ainsi durement touché pour un soi-disant « avantage » de deux mois… Il y en a qui jetteraient l’éponge pour moins. Je plaide pour le respect mutuel !
La concentration du pouvoir menace
Nous n’allons quand même pas jouer à la roulette russe dans les rues commerçantes ? Voulons-nous vraiment faire disparaitre les dernières chaînes de vente au détail belges ? Cela ne s’arrête pas : les mesures contre le coronavirus, en vigueur dans les magasins, provoquent un gigantesque retard dans les rotations par mètre carré. Et entre-temps, les coûts continuent d’augmenter : les détaillants doivent par exemple engager du personnel supplémentaire pour désinfecter les paniers et caddies. Le modèle économique n’est pas conçu pour cela… Laissons-les alors faire faillite pour qu’ils soient rachetés à bas prix par des groupes internationaux et des capital-risqueurs ? C’est ainsi que la concentration du pouvoir menace. Les grands acteurs deviennent plus grands encore.
Si nous suivons le syndicat, nous devrons encore dire adieu à de très nombreuses chaînes locales qui fournissent du travail et paient des impôts dans notre pays. J’espère qu’après cette farce que constitue le report des soldes, la ministre de l’Économie, Nathalie Muylle, ne se laissera pas à nouveau diriger par des idées fausses et des appels empreints de naïveté. Nous avons besoin de solidarité pour sauver ce qui peut l’être.
Le commerce de détail est sacrifié au profit de notre santé.
Cher gouvernement, cher(e)s banques, syndicats et autres parties prenantes : nous devons traverser cette épreuve ensemble ! Comme Rik Vera me l’a dit à juste titre : « Le secteur du commerce de détail a pris ses responsabilités et a été sacrifié pour notre santé, mais c’est maintenant la sienne qui est impactée. Il est logique que la communauté maintienne ce secteur à flot. » Cela ne doit pas être considéré comme une aide d’État : il s’agit d’un soutien solidaire à l’effort consenti par les détaillants. Nous avons besoin d’un fonds de solidarité.
Assurons-nous ensemble de ne pas créer de villes fantômes, car ce serait désastreux pour la société. N’abandonnez pas nos détaillants locaux à leur sort. Le gouvernement n’a pas le loisir d’hésiter : nous exigeons une action forte de sa part, sous forme d’une réouverture rapide et d’un soutien financier. Regardez les Pays-Bas, la France, l’Allemagne, l’Autriche… L’économie, qui est actuellement au point mort, doit à nouveau « reprendre ». C’est la seule façon d’y arriver.
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