La crise actuelle nous force, en tant que détaillants, à faire une pause et à nous remettre en question : notre offre est-elle encore pertinente, avons-nous encore des opportunités, sommes-nous encore prêts investir, avons-nous encore l’envie d’avancer ?
Questions urgentes
Sommes-nous en train de vivre la grande débâcle du commerce de détail ? La situation était déjà compliquée pour le commerce de produits non alimentaires, et à cela s’ajoute ce coronavirus de Wuhan : il chamboule notre quotidien comme si nous étions au beau milieu d’un film de science-fiction. Aussi douloureux que cela puisse être, nous ferions bien de nous remettre réellement en question : ai-je encore le droit d’exister, ou est-il peut-être temps d’arrêter ? Dois-je continuer à investir mes propres capitaux ou essayer d’attirer des capitaux extérieurs supplémentaires ? Se poser ces questions est désormais une affaire d’urgence.
Car que s’est-il passé ? La croissance en volume de ces dernières années n’a absolument pas généré la croissance de la marge attendue. Les ventes en ligne ont augmenté beaucoup plus vite que celles du canal physique : les ventes dans les magasins physiques ont même diminué. Cependant, la stratégie en ligne escomptée ne paye pas, et pire encore : elle est même souvent déficitaire. Cela est dû, entre autres, à des coûts de distribution élevés, à un problème d’échelle et à un retard par rapport aux grandes plateformes de e-commerce. Ces concurrents mondiaux anéantissent nos offres en ligne d’un simple clic ou cookie…
Des voleurs à l’affût
Avant la crise du coronavirus, les consommateurs étaient déjà au sommet de la pyramide. Le prix le plus bas, la plus haute qualité, le service le plus rapide et la meilleure expérience : le consommateur veut tout, et en même temps. Les grands acteurs du commerce en ligne avec une vaste gamme de produits, tels que Zalando, bol.com, Amazon et AliExpress, se partagent le butin du commerce électronique.
Vous avez également les détaillants intégrés verticalement : les flaghip stores et les category killers tels que Zara, H&M, Nike, Adidas, Decathlon et Ikea : ils occupent des positions dominantes dans le canal commercial (en ligne). Ils conçoivent, produisent et vendent en interne, et peuvent donc satisfaire plus facilement un client exigeant. Ils dérobent donc une part croissante du chiffre d’affaires au détaillant traditionnel, tant en ligne que hors ligne. Leur impact sur le marché est considérable.
Sans oublier l’impact d’Amazon et d’Alibaba sur le marché du Benelux. Derrière chaque clic se cachent des données intelligentes. C’est ce qui a permis à Amazon de devenir ce qu’il est aujourd’hui : le plus grand détaillant de marques de distributeur au monde. Pas étonnant qu’une marque aussi célèbre que Nike tourne maintenant le dos à Amazon. Alibaba poursuit également sa chasse aux affaires juteuses : le groupe va maintenant connecter l’offre de ses « villages pauvres » directement à ses plateformes. La course vers le bas est là ! Et il a promis un millier d’emplois à Liège ? Laissez-moi rire. À tout le moins, nos décideurs politiques leur ont fait cadeau du pont aérien belge. Et c’est ainsi que nous avons pu avoir la chance d’obtenir des masques buccaux…
Acheter localement ?
Et que se passera-t-il ensuite ? Après la crise, les consommateurs deviendront-ils encore plus critiques, plus exigeants et, question primordiale, achèteront-ils au niveau local ? Les achats au niveau local sont-ils en train de disparaître ? Il est clair que le marché mondial est perturbé. Le capital dormant (les stocks invendus) doit rapidement parvenir au consommateur. La concurrence devient encore plus féroce, les méga-corporations s’approprient encore davantage le marché et mettent encore plus de pression sur les marges. Les gros bonnets comme Amazon et Zalando comptent sur l’argent de la bourse et ne doivent, en d’autres mots, pas faire de bénéfices. Alibaba et Tencent sont directement soutenus par l’État chinois : ce n’est pas rien, il me semble !
Nous, les petits entrepreneurs, ne pourrons affronter cette violence que si nous parvenons à nous démarquer réellement et à garder nos clients. C’est terriblement difficile ! Le consommateur portera un regard critique sur tout : le service (en ligne), les produits, les prix, l’ambiance dans le magasin, etc.
Homo consumens versus consommateur
Cependant, il y a une grande différence entre un consommateur et un homo consumens. Qu’est-ce que cela veut dire ? L’homo consumens est humain et a la volonté d’être loyal. Mais le prix est mère de toutes les objections. Les acheteurs recherchent la meilleure affaire, encore et toujours. Un phénomène simple et mondial, à la fois dans le monde réel et virtuel. Combien de temps avant que le consommateur ne prenne le pas sur l’homo consumens ? C’est la grande question. Pensez à cette mère célibataire, qui veut que ses enfants soient bien habillés : fait-elle ses courses localement, ou va-t-elle acheter une robe pour seulement 6 euros sur AliExpress ?
Réfléchissez un instant : la Belgique compte environ 11 millions d’habitants. Environ un tiers d’entre eux travaillent, mais plus d’un million ont aujourd’hui été licenciés à cause du coronavirus. Ces gens puisent désormais dans leurs économies au quotidien. Vont-ils, avec les neuf autres millions de Belges, être enclins à faire de grosses dépenses immédiatement après la quarantaine ? Ou bien vont-ils se soucier encore plus des prix ?
Voir la réalité en face
De nombreux détaillants indépendants, mais aussi des chaînes de magasins, se posent aujourd’hui la question suivante : maintenant que les stocks sont remplis, ne vaudrait-il pas mieux encaisser avec nos pertes avant que tout ne s’étiole ? Attendre que tout ce que nous avons construit pendant des années soit réduit à néant serait désastreux pour le reste de notre vie.
Pour beaucoup, la question est de savoir combien de temps ils pourront tenir. Les commerçants plus âgés en ont-ils encore l’envie, maintenant que la retraite approche ? De nombreux entrepreneurs ne suivaient pas ce rythme même avant la crise. Et après la crise ? Un crédit bancaire supplémentaire n’est pas une solution si le modèle de votre entreprise ne s’est pas adapté au marché qui a considérablement changé.
Arrêter ou continuer, cela demande du courage, surtout si vous êtes un entrepreneur familial. Regardez la situation en face pour envisager les possibilités et analysez la situation en prenant du recul, sans laisser trop de place aux émotions.
Les banques comme bourreau
L’argent liquide est crucial pour les détaillants qui veulent survivre à cette période, mais après la crise précédente, les banques d’affaires ont prouvé qu’elles étaient avant tout des banques tout court. Elles ont maintenant une grande responsabilité : si nous voulons relancer l’économie tous ensemble, elles devront encourager les courageux dès maintenant. Ce sont elles qui tiennent aujourd’hui le sort des commerçants entre leurs mains. Nous pouvons attendre de notre gouvernement qu’il transforme à nouveau les banques en banques d’affaires. Le secteur du commerce de détail est le deuxième plus grand employeur du pays, ne l’oubliez pas.
Une période fascinante ? Ça c’est sûr ! La question urge : arrêter… ou continuer ? Qui relève le défi ? En ce qui me concerne et en ce qui concerne RetailDetail, pas de place au doute : nous continuons !