Les centres commerciaux montrent leur résilience après la pandémie : les clients reviennent, l’offre se déplace de la mode vers les services et la santé. Même les cabinets médicaux échangent la ville contre le parc commercial, selon Galimmo.
Rebondissement des chiffres
Les centres commerciaux se remettent de la pandémie, mais ils doivent également adapter leurs offres et leurs concepts à la nouvelle norme omnicanale. L’importance de la restauration et des services est croissante. Cette approche fonctionne, mais en même temps, l’incertitude est plus grande aujourd’hui que jamais.
RetailDetail s’est entretenu avec Eric Ravoire, qui est depuis le 28 février le directeur général de Galimmo Real Estate, l’acteur immobilier qui exploite 66 centres commerciaux en Europe : 7 en Belgique (sous le nom de ‘Shopping Cora’), 1 au Luxembourg, 52 en France, 6 en Roumanie. Grâce à sa riche expérience de l’immobilier commercial – il a travaillé auparavant pour Unibail, Multi Development et CBRE Global Investors – il est bien placé pour nous donner une image du secteur après la pandémie.
Quel regard Galimmo porte-t-il sur les deux dernières années et quelles sont les perspectives actuelles pour les centres commerciaux ?
« Le secteur des centres commerciaux a été considérablement secoué au cours des deux dernières années, en raison de différentes périodes de restrictions sévères et moins sévères, tant en Belgique qu’au Luxembourg et en France. Or, on constate que les chiffres rebondissent de façon spectaculaire dès que ces restrictions sont levées, dès qu’il n’y a plus de couvre-feu ou de restriction du nombre de chalands. »
« Au total, au dernier trimestre 2021, nous étions déjà à 96% du chiffre d’affaires que nous avons réalisé en 2019, donc avant l’épidémie du coronavirus. En fréquenttatiuon on est autour de moins 10 %. Nos centres commerciaux sont bien placés car ils sont propulsés par une locomotive très puissante, à savoir les hypermarchés Cora avec leur offre de tout sous un même toit dans une grande surface. »
« Un chiffre pour illustrer la résilience de notre groupe : nous n’avons jamais signé autant de baux que l’année dernière. Il y avait 286 contrats au niveau du groupe, dont une centaine en Belgique. C’est un chiffre historique. Tout est donc prêt pour une bonne année 2022, même s’il y a maintenant de très nombreuses incertitudes. »
Variété de l’offre
L’inoccupation n’est pas un problème dans les centres commerciaux de Galimmo ?
« Pas du tout. Dans nos centres commerciaux belges, le taux d’inoccupation fluctue autour de 5%, ce qui correspond à la rotation naturelle dans un centre commercial. Et ce malgré le fait que nous ayons été frappés par les faillites de Camaïeu et de Pimkie, qui étaient présents dans presque tous nos sites. Nous avons pu remplir ces locaux très rapidement. À Châtelineau, H&M est parti en février 2020, et Action et Medi-Market y ont ouvert en avril. »
Les détaillants continuent-ils donc à ouvrir des magasins physiques ? Quelles sont les tendances qui se dessinent ?
« Dans le secteur de la mode, les chaînes de magasins rationalisent leur portefeuille et misent sur une plus grande expérience dans des magasins moins nombreux mais plus grands. Pour nous, cela signifie une opportunité d’apporter plus de variété à notre offre. Par exemple, on constate un fort développement des services de la santé et de la beauté principalement, au détriment de l’équipement de la personne. Nous avons des accords avec Di, Medi-Market, Body Minute… C’est désormais notre principal secteur, plus important que le textile. L’avantage : ces services ne se dématerialisent pas. »
« Une tendance notable est également l’arrivée de cabinets dentaires et d’ophtalmologie, entre autres, dans les centres commerciaux périphériques. En France, une vingtaine de pôles de santé sont en prévision sur nos sites. Ils quittent les centres-villes pour des raisons de mobilité : accès facile, stationnement gratuit… Tant en Belgique qu’en France, les centres-villes sont devenus inaccessibles en voiture. »
Le dernier kilomètre
Le comportement d’achat s’est numérisé à un rythme rapide ces dernières années. Les centres commerciaux peuvent-ils s’adapter à cette réalité omnicanale ?
« Nous avons installé des lockers où les clients peuvent récupérer leurs commandes en ligne quand ils le souhaitent. En collaboration avec nos détaillants, nous examinons comment nous pouvons les aider à gérer plus efficacement la logistique du dernier kilomètre. Les détaillants voient leurs marges s’évaporer pour les livraisons de petits articles d’une faible valeur nominale : après tout, une livraison coûte en moyenne sept euros. Nous réfléchissons donc avec eux : comment pouvons-nous les aider à mutualiser les livraisons à partir du stock des magasins et ainsi réduire les coûts ? »
Le commerce électronique n’est donc pas seulement une menace, mais aussi une opportunité pour les magasins physiques ?
« J’en suis convaincu ! Il ne faut pas voir de contradiction entre le commerce électronique et le magasin physique. Les pure players ouvrent également des boutiques. Cela prouve que nous vivons dans une omnicanalité complète. En fin de compte, les clients ont toujours raison : ils n’ont pas envie de perdre du temps, sauf s’ils ont décidé de perdre du temps. Les gens continueront donc à acheter dans ses canapés. Mais je ne pense pas qu’ils soient encore prêts à vivre dans le métavers, ils ont encore besoin de contacts physiques. Nos centres sont des lieux de rencontre : 10 % de l’offre est consacrée à l’horéca. Ces endroits sont pleins de 11 heures à 15 heures. »
Transition énergétique
Comment les loyers évoluent-ils ?
« L’année dernière, nos revenus locatifs ont augmenté de 10 %, mais avec une base de comparaison faible. Nous constatons que les prix se stabilisent, mais nous n’éprouvons aucune difficulté à louer aux loyers auxquels nous aspirons. Nos prix sont acceptables, axés sur le partenariat. Nous ne voulons pas que les détaillants aient des problèmes. »
« Nous accompagnons de plus en plus nos locataires dans l’aménagement de leurs magasins. Ils font d’énormes investissements numériques et ont donc un peu plus de difficultés avec les investissements immobiliers. Nous contribuons donc un peu plus aux travaux d’aménagement de nos locataires. De cette façon, ils gardent le budget libre pour leur approche omnicanale. Et en fin de compte, cet investissement reste dans nos centres commerciaux. »
En conclusion, quels sont les chantiers les plus importants pour Galimmo aujourd’hui ?
« Nous franchissons de nouvelles étapes dans l’adaptation et l’hybridation de notre offre. Nous avons même récemment ouvert une école de conduite à Anderlecht. Nous pensons au-delà de l’offre classique de vente au détail. »
« Nous voulons également poursuivre notre programme de rénovation. Après Châtelineau l’an dernier, Rocourt suivra cette année. Comme il est de plus en plus difficile d’obtenir des autorisations, nous évoluons vers une densification des infrastructures existantes, comme à La Louvière où nous récupérons des surfaces de l’hypermarché, afin de pouvoir proposer une offre complémentaire. »
« Troisièmement, l’accent est mis sur la durabilité et la responsabilité. Nos centres ancrés localement travaillent en étroite collaboration avec des associations locales. Nous avons mis en place un programme de transition énergétique : nous voulons avoir un immobilier plus responsable. Il s’agit de panneaux solaires sur les parkings, de peinture réfléchissante sur les toits… »