En Europe, près de 22 milliards d’euros d’invendus sont détruits chaque année. Mais que signifie réellement ce chiffre, car il ne s’agit pas uniquement de commandes en ligne retournées.
Démodé ou cassé
Une étude de l’Université de Lund en Suède a fait grand bruit la semaine dernière. L’année dernière, 21,7 milliards d’euros de textiles et d’appareils électroniques invendus auraient été détruits en Europe, rapportent les chercheurs. Une quantité astronomique, affirment les médias flamands, alors que les déchets et le gaspillage dans d’autres catégories, comme l’alimentation et les produits de soins personnels, ne sont même pas inclus. Toutefois, contrairement à l’étude, ils ont entièrement mis l’accent sur les produits retournés par les consommateurs.
S’il est vrai qu’un grand nombre de produits retournés sont encore détruits, les retours ne sont que l’une des cinq causes mentionnées. Les chercheurs identifient également la surproduction et les stocks invendables comme facteurs importants. Dans le secteur de la mode en particulier, ce dernier point est un problème récurrent : même dans les outlets, les vêtements « dépassés » ou démodés se vendent mal. En outre, les articles sont parfois endommagés pendant le transport. Sans compter les quelques erreurs de production ou rappels de produits. Ce n’est que dans ce dernier cas que la destruction est permise, affirment les chercheurs.
La Belgique, un bon exemple
Les produits qui finissent dans les décharges ne servent à personne. Alors, où est-ce que le bât blesse ? Tant en amont, au niveau de la production, qu’en aval, au niveau du consommateur, observent les chercheurs de l’université de Lund. Commerçants et producteurs sont encore souvent confrontés à des obstacles ; ils doivent notamment toujours payer la TVA lorsqu’ils donnent des produits. La Belgique est ainsi citée comme un bon exemple puisqu’elle permet depuis 2019 aux commerçants de récupérer la TVA s’ils font don de leurs excédents à des associations caritatives.
Un réseau de redistribution digne de ce nom fait également défaut. Le marché de l’occasion devrait continuer à se développer, tant du côté de la demande que de l’offre. « En l’absence d’acteurs de la réutilisation à l’échelle industrielle, il est difficile pour les entreprises de trouver des alternatives viables à la destruction des produits », indique le rapport.
Trop longtemps trop bon marché
Il existe une autre condition fondamentale : pour donner une seconde vie aux produits, encore faut-il qu’ils le supportent. La qualité des produits doit augmenter, concluent sans équivoque les chercheurs. Une condition également essentielle pour réduire la quantité de retours : des produits de meilleure qualité inciteront les consommateurs à commander de manière moins irréfléchie et à renvoyer leurs produits de manière moins précipitée. « Les produits de piètre qualité, non durables et non réparables, sont généralement les premiers à être détruits », peut-on lire.
La solution selon l’étude ? Moins, mieux et… plus cher. Si les produits ont une durée de vie plus longue et sont fabriqués selon des normes plus strictes dans des conditions écologiques, les coûts pour les fabricants devraient augmenter. Une bonne chose, car cela découragerait la surproduction : « Une hausse des prix serait probablement inévitable, car les produits ont sans doute été trop bon marché pendant trop longtemps, au détriment de l’environnement. »
Réglementation européenne en vue
En mars de l’année dernière, la Commission européenne s’est également penchée sur la question. À la lumière des objectifs européens en matière de durabilité, les déchets non alimentaires doivent également être réduits. Mais quel modèle l’Europe suivrait-elle : la loi française de lutte contre le gaspillage, qui stipule que les invendus doivent systématiquement être réutilisés ou recyclés, ou le devoir de diligence allemand ?
Le devoir de diligence allemand n’impose pas de sanctions, mais exige la transparence : les entreprises doivent fournir des informations, notamment sur leurs flux de déchets et de retours. Un cadre pouvant donner lieu à des obligations par la suite. L’Europe semble aujourd’hui suivre la voie allemande. Des règlements concrets suivront dans le courant de cette année.