Le gouvernement chinois veut mettre un terme à la toute-puissance de ses géants technologiques. Après des mesures sévères et une amende d’un milliard de dollars à l’encontre du géant du commerce électronique Alibaba, c’est maintenant son concurrent Tencent qui est en ligne de mire. Les deux rivaux sont donc désormais contraints de se rapprocher.
Duopole dans la vente au détail et les médias (en ligne)
Le gouvernement chinois demande des comptes aux douze plus grandes entreprises technologiques du pays. Toutes se voient infliger une lourde amende pour infraction aux règles du monopole. Si les principales cibles sont les entreprises chinoises leaders du secteur de la distribution et des médias, ce n’est pas une coïncidence.
Et que les entreprises puissent finalement être ramenées à seulement deux acteurs l’est encore moins : avec leurs écosystèmes globaux, Alibaba et Tencent ont créé un quasi-duopole. Si l’activité principale d’Alibaba a trait au commerce électronique, tandis que Tencent se concentre sur les réseaux sociaux et le divertissement, leurs systèmes de paiement (AliPay et WeChat Pay respectivement) et leurs plateformes numériques constituent l’épine dorsale de l’économie de consommation moderne en Chine.
Presque tous les acteurs technologiques ou détaillants qui veulent s’implanter en Chine n’ont d’autre choix que de rejoindre l’un des deux acteurs. Et si ça ne passe par des acquisitions complètes, cela se fait par le biais de participations ou de partenariats stratégiques. L’année dernière, c’est le groupe d’hypermarchés Auchan qui, après plusieurs tentatives de partenariat, a vendu toutes ses activités chinoises à Alibaba.
Alibaba doit vendre des composantes
Si c’est le gouvernement chinois lui-même qui leur a ouvert la voie d’une telle croissance, en écartant les entreprises étrangères et en soutenant résolument les innovateurs nationaux, aujourd’hui la coupe est pleine pour le Parti communiste. Les hostilités ont été ouvertes cet automne, lorsque le très médiatisé Jack Ma, fondateur d’Alibaba, avait ouvertement critiqué les nouvelles politiques du président Xi Jinping. À l’époque, le président avait déjà mis sur la table des règles plus strictes en matière de libre concurrence et contre la monopolisation.
Du jour au lendemain, Jack Ma a disparu de la scène pendant plusieurs mois. L’autorité de la concurrence s’était également attaquée à Ant Financials, la société bancaire derrière AliPay, et l’introduction en bourse de la société avait été annulée. On a également appris qu’Alibaba s’était vu infliger une amende de près d’un milliard de dollars. Si c’est une amende record dans le pays, avec les 20 milliards de chiffre d’affaires de l’entreprise, elle est surtout symbolique.
La grande nouvelle est que le géant du commerce électronique doit vendre ses activités médiatiques, rapporte Wall Street Journal. On ignore de quelles composantes il s’agit exactement, mais le journal South China Morning Post, exprimant souvent des critiques à l’encontre du parti, serait sans aucun doute concerné. Alibaba a également des intérêts dans la variante de Twitter, Weibo, et dans la plateforme vidéo Bilibili, entre autres. Cependant, l’autorité de la concurrence n’a pas du tout apprécié que les dénonciations d’adultère d’un haut responsable d’Alibaba se soient volatilisées de Weibo.
Contraints au rapprochement
Alibaba n’est cependant pas l’unique cible. L’État chinois semble exiger une scission : les activités financières de Tencent et d’Alibaba devront être scindées en sociétés holding distinctes. Ironiquement, la Chine fait en quelques mois ce que les critiques et les experts prônent depuis des années pour les géants technologiques occidentaux, tels qu’Amazon et Google.
Le fait que Tencent n’ait été condamné qu’à une amende de 64 000 dollars laisse penser que d’ autres sanctions suivront. Tencent, avec son application WeChat extrêmement populaire, sur laquelle les Chinois peuvent à peu près tout faire, comme regarder les informations, payer leurs achats en magasin et prendre rendez-vous chez le médecin, est également très influente dans le paysage médiatique.
En outre, Alibaba et Tencent font l’objet de plusieurs actions en justice, chacun se fermant hermétiquement à son rival. Ainsi, les commerçants actifs sur les places de marché en ligne d’Alibaba auraient l’interdiction de vendre des articles par l’intermédiaire de Tencent, tandis que les entreprises ne sont pas autorisées à proposer les deux systèmes de paiement. En novembre, Taobao Deals, une nouvelle plateforme d’achat d’Alibaba, avait fait une brève apparition sur WeChat, avant d’être supprimée tout aussi rapidement. De telles règles d’exclusivité sont désormais également proscrites par les législateurs chinois.
Par conséquent, Alibaba et Tencent sont contraints au rapprochement. Bloomberg rapporte qu’Alibaba a déjà pris des mesures pour rendre sa plateforme Taobao Deals à nouveau accessible sur WeChat, et propose même à certains commerçants de vendre chez la concurrence. Pour la première fois, ils pourront même recevoir des paiements par le biais de WeChat Pay. Sommes-nous à l’aube d’une nouvelle ère de coopération pour les duopoleurs chinois ? Et le gouvernement arrivera-t-il à ses fins ou deviendront-ils encore plus forts en se rapprochant ?