C’est un anniversaire quelque peu inquiétant pour INNO : la chaîne de grands magasins peut se prévaloir d’une histoire riche, mais doit maintenant prendre des mesures drastiques pour assurer son avenir. Le plan de transformation stratégique actuel est-il suffisant ?
Détresse financière
Lorsqu’il a ouvert ses portes le 2 mai 1897, ‘A L’Innovation’ – comme le grand magasin s’appelait à l’origine – était l’un des pionniers en Europe. La révolution industrielle a signifié la naissance d’un nouveau modèle économique : les grands magasins de luxe ont été les inventeurs de la vente au détail moderne. Le fait que l’INNO ait réussi à survivre pendant 125 ans dans un secteur turbulent mérite donc d’être célébré.
Mais c’est une fête sous un ciel nuageux. Il y a quelques semaines, le détaillant a été contraint de mettre la moitié de son personnel au chômage temporaire, en raison de chiffres décevants et de difficultés financières. Depuis aujourd’hui, ils sont de retour au travail, et pas seulement pendant cette semaine festive. Cependant, cela ne peut cacher un malaise plus profond : l’INNO enregistre des pertes depuis des années et doit travailler de toute urgence pour assurer son avenir.
Pas de priorité
Le diagnostic est bien connu : nous l’avons décrit en détail dans notre livre The Future of Department Stores. Les grands magasins ont attendu beaucoup trop longtemps pour s’adapter à une société en mutation. Ils ont vu leur public vieillir, n’ont pas eu de réponse à la montée du commerce électronique et ont dû regarder les marques de luxe prendre le contrôle de leur propre distribution. Puis une pandémie a éclaté, paralysant le tourisme international. Plusieurs acteurs ont fait faillite – comme Debenhams et V&D – ou ont dû se restructurer de façon radicale, comme Marks & Spencer.
INNO a survécu à la tempête, mais n’a jamais été une priorité pour ses propriétaires successifs. Depuis son rachat par la société allemande Kaufhof en 2001, le grand magasin a dû prendre des virages stratégiques. Les Allemands n’étaient pas en contact avec le marché belge. L’arrivée de Hudson’s Bay Company en 2015 n’apporte aucune amélioration – au contraire, les Canadiens ont mené une véritable course d’obstacles en Europe. Et la grande opération de fusion entre les rivaux allemands Kaufhof et Karstadt, impulsée par le magnat autrichien de l’immobilier René Benko, a une fois de plus relégué INNO au second plan.
Plan de transformation stratégique
En 2019, un nouveau directeur général a pris ses fonctions. Il faut dire que le plan de transformation stratégique lancé par le dirigeant Armin Devender en pleine pandémie contient beaucoup de bons ingrédients. INNO donne un coup de jeune aux magasins, avec un intérieur qui se veut inspirant et une gamme de marques qui veut également attirer des groupes cibles plus jeunes. Le grand magasin veut se positionner plus haut sur le marché et fait plus de place à l’alimentation et à la restauration, avec notamment un partenariat avec la chaîne de restauration BON.
Il y a eu un changement de marque, suivi d’une campagne publicitaire. Le détaillant a également – enfin – ouvert une boutique en ligne à part entière et un marketplace, où les consommateurs peuvent également trouver des catégories et des marques qui ne sont pas disponibles dans les magasins physiques. Toutes ces mesures sont justifiées. Mais elles ne sont pas radicales : tout avance plutôt lentement et prudemment. Ces interventions seront-elles suffisantes ?
Pas d’argent, pas de temps
Il semble que l’INNO ait peur d’intervenir réellement. La chaîne de grands magasins ne veut pas réduire le nombre de magasins et d’emplois, peut-être par crainte des syndicats puissants de l’entreprise. Mais cela pourrait mettre à mal l’avenir. Le détaillant possède encore seize magasins en Belgique. En comparaison, le Bijenkorf des Pays-Bas possède encore sept belles propriétés dans les plus grandes villes. Dans le même temps, cette société opère avec succès en ligne sur les marchés internationaux. Quel contraste !
La remise à neuf de seize grands magasins pour les mettre à l’abri de l’avenir et les y maintenir coûte beaucoup d’argent, ce dont INNO ne dispose pas. Le détaillant n’a pas non plus de temps à perdre : l’heure tourne impitoyablement et une nouvelle crise se profile. La guerre en Ukraine et la menace d’inflation ne stimulent pas exactement la consommation. En principe, le segment du luxe devrait être capable de résister aux crises, mais si INNO veut vraiment se positionner comme un grand magasin de luxe moderne, à l’image de Selfridges ou des Galeries Lafayette, il devra agir beaucoup plus rapidement et faire des choix beaucoup plus pointus.