Il semblerait que le coronavirus ait catapulté l’e-commerce dix ans dans l’avenir. Mais comment l’e-commerce s’est-il réellement comporté en Europe l’année dernière ? Le rapport sur le commerce en ligne européen brosse toutefois un tableau plus nuancé.
Glissement permanent vers le digital
Selon les calculs de Scott Galloway, professeur à l’université de New York, huit semaines de fermeture auraient donné au commerce en ligne une croissance supérieure à celle de la dernière décennie. Cependant, cette déclaration souvent citée concerne les États-Unis et la proportion de l’e-commerce par rapport au commerce de détail physique, qui, bien sûr, était pratiquement inexistante à l’époque. Dans leur rapport annuel sur l’e-commerce européen, les associations professionnelles Eurocommerce et Ecommerce Europe examinent donc la situation du secteur.
Quel constat saute aux yeux ? La croissance de l’e-commerce européen en 2020 est plus faible qu’en 2019. La croissance du chiffre d’affaires est en effet passée de 14 à 10 %, malgré ce qu’Eurocommerce appelle également une année de croissance exceptionnelle au cours de laquelle le commerce en ligne a « joué un rôle extraordinaire dans la société ». Néanmoins, les achats de billets et de voyages restent les plus grandes catégories en ligne, de sorte que les pertes accusées par les secteurs du tourisme et de l’événementiel ont été considérables. En revanche, les ventes de produits ont enregistré une croissance exceptionnelle.
Pour 2021, le rapport prévoit un taux de croissance de 12 %, révélateur d’un virage numérique durable. L’e-commerce représente 10 à 5 % du total des ventes au détail dans l’UE, souligne Ecommerce Europe. Pourtant, il influence toujours une part beaucoup plus importante du parcours du consommateur (jusqu’à 50 % ou plus), qui comprend aujourd’hui un mélange de produits physiques et en ligne. La croissance robuste de la dernière décennie s’est accélérée avec la pandémie de Covid 19, puisqu’un nombre beaucoup plus grand de consommateurs se sont connectés en ligne pour la première fois : 71 % de la population a acheté en ligne en 2020,
70 % des retailers n’ont pas de boutique en ligne
Cependant, il y a encore de la place pour la croissance, surtout en Europe du Sud et centrale, mais aussi en Belgique. Notre petit pays se trouve en effet en bas de la liste des pays d’Europe occidentale avec 79 % d’acheteurs en ligne. Aux Pays-Bas, pas moins de 91 % des personnes achètent parfois en ligne ; en Allemagne, ce chiffre est de 87 %. Dans d’autres pays, la population achète également plus souvent en ligne. Seuls 8 % des Belges ont acheté en ligne 6 fois ou plus en trois mois, près d’un quart 3 à 5 fois. Plus d’un quart de nos voisins d’Outre-Moerdijk font au moins six achats en ligne… par trimestre. Les Britanniques sont quant à eux les champions absolus, avec un pourcentage impressionnant de 47 %. L’avantage ? Résultat des courses : la croissance du chiffre d’affaires (7 %) est toujours plus importante chez nous qu’aux Pays-Bas (3 %), par exemple.
Les petites boutiques en ligne et les acteurs nationaux en particulier ont vu leur trafic en ligne augmenter fortement comme conséquence aux mesures anti-coronavirus : les plus grandes boutiques en ligne avec plus de 200 millions de visiteurs par an n’ont reçu que 9 % de visiteurs en plus, alors que le trafic en ligne des plus petits acteurs (moins de 2 millions de visiteurs) a augmenté de près d’un tiers. Les internautes ont également eu davantage recours aux boutiques en ligne nationales, peut-être par crainte de la fermeture des frontières.
Pourtant, 68 % des Belges ont acheté à l’étranger l’année dernière, voire 16 % hors UE. Le fait que « seulement »82 % des personnes interrogées aient acheté dans leur pays, contre 95 % aux Pays-Bas, montre une fois de plus que notre voisin du nord dispose d’acteurs nationaux plus forts – Bol.com pour ne pas le citer- et que la Belgique en est dépourvue. Avant la pandémie, 70 % des retailers européens, en particulier les petits magasins, ne disposaient pas encore d’une offre de e-commerce, et la Belgique ne fait certainement pas exception à cette règle. Parallèlement, seuls 20 % des PME disposent d’une offre en ligne, contre 43 % des grandes entreprises.
Les e-shops européennes font preuve de maturité
Le rapport a également examiné le service des e-shops ou boutiques en ligne européennes. Il a révélé que presque toutes les boutiques en ligne européennes (93 %) affichent leurs canaux de médias sociaux sur leur site web. Facebook, Instagram et YouTube sont généralement les plus populaires, mais chaque catégorie et chaque région a ses propres préférences spécifiques. En Belgique, par exemple, Facebook (61 %), Pinterest (27 %) et Twitter (6 %) sont les médias sociaux les plus populaires. Instagram et Youtube sont ostensiblement à la traîne avec seulement 2 % des Belges comme utilisateurs.
Les boutiques en ligne privilégient clairement le dialogue, car 59 % d’entre elles autorisent également les évaluations de produits et près d’un quart permettent même aux clients de noter eux-mêmes l’entreprise. Selon les associations professionnelles, une telle utilisation extensive des canaux de marketing et de communication est un signe de maturité. Près de la moitié des principales boutiques en ligne de l’UE disposent également d’une appli mobile, par exemple. Le rapport recommande toutefois d’élargir encore les options de livraison : une grande majorité d’acteurs ne proposent pas encore la livraison le jour même ou le lendemain.
Ecommerce Europe plaide surtout en faveur d’une législation « neutre en termes de canaux », car les réglementations de l’UE font encore souvent une distinction entre le « online » et le « offline », alors qu’aujourd’hui cette différence n’existe plus vraiment. Selon l’association, le secteur de l’e-commerce a également le potentiel pour devenir un moteur majeur de l’économie circulaire, car il « ouvre constamment de nouveaux champs de possibles pour des pratiques plus durables ».