Pour Els Breugelmans, professeur d’université à la KU Leuven, 2024 sera synonyme d’ondes positives et de répit. « Je m’attends à ce que le nombrilisme de 2023 cède la place à une vision plus vaste et à une réflexion à long terme l’année prochaine. »
« De nouvelles possibilités »
Cette année, l’inflation a contraint les consommateurs et les entreprises à se focaliser sur le prix et la réduction des coûts. À présent que ces pressions inflationnistes s’atténuent, la spécialiste en retail Els Breugelmans prévoit un regain d’intérêt pour certaines tendances et visions à long terme, tant chez les clients qu’au sein des entreprises. Des thèmes comme la durabilité et le service, l’IA et les talents pourraient à nouveau susciter l’attention qu’ils méritent.
« Un momentum positif au niveau de la confiance des consommateurs devrait relancer les investissements. Une telle focalisation sur les prix n’est d’ailleurs pas très saine pour le marché : tout le monde essaie de tenir le même discours au détriment de la différenciation et de l’innovation. Bien sûr, 2023 a été une année extraordinairement compliquée, et les années précédentes aussi, mais je m’attends (ou j’espère) maintenant à une année plus calme – une année au cours de laquelle il sera à nouveau possible d’investir », explique Els Breugelmans.
La durabilité va de soi
Des investissements dans la durabilité deviennent une évidence. « Tout ne sera pas bouclé l’an prochain, mais je m’attends à ce que la durabilité devienne une priorité pour un nombre croissant d’entreprises. D’une part, parce qu’elle devient – ou est peut-être déjà – une attente sociale, et d’autre part parce que le cadre législatif en fait (à terme) un sujet de réflexion obligatoire. »
Il faut toutefois noter que la durabilité n’est pas vraiment perçue comme un avantage concurrentiel dans les magasins physiques. Les recherches internationales menées par Els Breugelmans et des universitaires étrangers suggèrent plutôt qu’elle deviendra à terme une norme à laquelle tout le monde devra simplement se conformer. « Mais cette norme n’est pas encore respectée sur de nombreux points, n’est-ce pas ? Les entreprises devront donc y travailler dans les années à venir. »
La « guerre des talents » fait toujours rage
L’accent ayant été mis sur les coûts et les économies l’an dernier, les entreprises pourraient également réfléchir au déploiement de technologies sur le terrain, à la fois pour permettre à leurs collaborateurs de travailler plus efficacement et pour les impliquer davantage. « La guerre des talents restera un challenge en 2024. Et la technologie peut s’y avérer utile, non seulement pour réduire les coûts, mais aussi pour donner aux collaborateurs des compétences adaptées et des tâches utiles. »
Les données et l’IA ne rendent pas seulement les entreprises plus intelligentes : elles peuvent également avoir un impact positif sur les employés. « L’IA, ce n’est pas nécessairement très compliqué. Vous pouvez améliorer le fonctionnement et permettre à un collaborateur d’accomplir plus de tâches que par le passé juste en faisant rédiger un texte par IA. L’intelligence artificielle permettra également à de nombreuses entreprises d’exploiter davantage leurs données, ce qui apportera à terme une valeur ajoutée aux consommateurs. »
Relation à long terme avec le client
Le service reviendra également sur le devant de la scène l’an prochain, en particulier dans les magasins physiques. Les retailers se concentreront moins sur l’aspect transactionnel et davantage sur le parcours client dans son ensemble. « Une grande partie de ces initiatives de durabilité, comme les projets de réparation et d’économies circulaires, finissent par être intégrées dans le service. Le défi sera d’amener le client à considérer la durabilité non pas comme un coût, mais comme un investissement. »
Mais Els Breugelmans voit aussi des exemples très intelligents en dehors du développement durable, notamment parmi les nominés du Prix Mercure. « L’accent est de plus en plus placé sur la relation à long terme avec le client, avec un rôle très important pour le service dans le magasin physique. » Selon Els Breugelmans, c’est l’ensemble de l’écosystème qui doit reléguer les transactions au second plan pour se concentrer sur les services et les investissements à long terme.
Tout est possible, qu’il s’agisse d’organiser des ateliers ou d’inviter des clients à des séances d’inspiration sur mesure. « Bien sûr, nous restons avant tout des entrepreneurs et il faut donc un retour financier en bout de course, mais je pense que le changement réside dans la transition de “il doit entrer aujourd’hui” à “je vais aider le client tout au long de son parcours”. »
Besoin les uns des autres
Le développement des relations peut également se faire en ligne, note Els Breugelmans. De plus en plus de marques ouvrent des boutiques en ligne et vendent directement aux consommateurs finaux. « Tout le monde veut se rapprocher du client. Il s’agira de trouver un équilibre, mais pour le commerce de détail, ce n’est pas nécessairement négatif. Mes recherches universitaires montrent que les deux canaux peuvent également se renforcer mutuellement à condition d’appliquer une stratégie de différenciation efficace et, pour les marques, d’utiliser les canaux de vente physiques pour le service, par exemple. Pensez à une marque de vélos qui assure le service après-vente par le biais du magasin local ou qui y livre ses produits. Ce peut même être un modèle économique très solide, mais la clé est de prendre conscience qu’on a besoin les uns des autres. »
Les market-places en ligne ne sont pas non plus sur le déclin. Le succès de Temu, un nouveau venu dans ce segment, en est un exemple éloquent, même s’il s’agit surtout d’une anomalie notoire. « Les consommateurs – et en particulier les jeunes, le groupe cible de Temu – n’en perçoivent pas toujours les dangers, au niveau des produits, mais aussi des données. Le gouvernement peut jouer un rôle dans ce domaine, mais cela prend du temps. En attendant, Temu est un nouveau concurrent réel. »
Temu est aussi une nouvelle preuve de l’importance de la différenciation. Car outre les market-places en ligne génériques, Els Breugelmans voit également surgir des plateformes en ligne hautement spécialisées qui apportent une grande valeur ajoutée à un type de client spécifique. « Si vous êtes amateur d’athlétisme par exemple, vous trouverez des produits qui répondent vraiment à vos besoins dans ces boutiques en ligne spécialisées. Je ne prétends certainement pas que tout le monde doit être présent sur tous les canaux, mais j’attends des chefs d’entreprise qu’ils recherchent davantage les canaux adaptés pour développer leurs relations avec leurs clients et qu’ils se regardent moins le nombril. »
En d’autres termes, il s’agit de se concentrer à nouveau sur le long terme. « Cela implique d’investir dans la durabilité, le service, les développements de relations et, oui, la recherche de nouveaux fronts, de nouveaux canaux. De plus, une utilisation opportune de la technologie et l’IA vous permettra de gagner en efficacité et vous prendre soin de vos collaborateurs dans la guerre pour le talent. »