Et si, en cette nouvelle année, les détaillants s’affranchissaient pour une fois de l’hégémonie des prix ? S’ils choisissaient plutôt d’aider les consommateurs à faire des choix durables, d’offrir expérience et inspiration et d’oser innover, même en temps de crise ? Voilà ce qu’Els Breugelmans, professeur en marketing de détail à la KU Leuven, leur souhaite de tout cœur.
Le choix durable, rien d’autre
Le rôle des détaillants est de rendre leur offre plus durable, estime Breugelmans, professeur à la KU Leuven. « Peut-être n’est-il pas nécessaire de donner le choix aux consommateurs ? Les supermarchés peuvent par exemple faire le choix durable pour eux, et ainsi se différencier. Ils peuvent en faire leur force. »
Car les hausses des prix dans les supermarchés ne disparaîtront pas du jour au lendemain, redoute Breugelmans. Alors que les détaillants reprennent leurs négociations annuelles avec les fournisseurs, certains signes indiquent déjà que les fabricants qui n’ont pas pu répercuter certaines augmentations de coûts jusqu’à présent vont essayer de le faire cette année. Parallèlement, les coûts continuent également à augmenter pour les détaillants. « Les premiers mois, les prix de notre panier d’achat resteront plus élevés », conclut Breugelmans.
Pourtant, même dans le contexte actuel, de nombreuses études révèlent que la demande en durabilité n’a pas complètement disparu. Si bon nombre de consommateurs perçoivent toujours la durabilité comme étant plus chère, un groupe non négligeable de consommateurs y attache toujours de l’importance. « Il semble simplement qu’il est difficile pour ces consommateurs d’évaluer correctement ce qu’est un choix durable, surtout dans les magasins. Mais la durabilité reste indéniablement à l’ordre du jour. » Certaines initiatives, comme l’Éco-score de Colruyt Group, peuvent aider les consommateurs à faire des choix. « C’est de plus en plus évident aujourd’hui, même dans les rayons, et on constate que d’autres acteurs se préoccupent aussi de plus en plus de la durabilité, mais peut-être qu’on pourrait aller un peu plus loin. »
Qui met l’accent sur les prix ?
Une bonne idée, ne serait-ce que pour détourner l’attention des prix. Après tout, est-ce que ce ne sont finalement pas les magasins qui rendent les consommateurs attentifs aux prix à coups de soldes et de batailles promotionnelles ? « C’est l’éternelle question de l’œuf ou de la poule. Les supermarchés font-ils des promotions parce que les clients en ont besoin, ou les consommateurs sont-ils plus attentifs aux prix parce que les supermarchés accordent des promotions ? Cela fonctionne dans les deux sens. » Quoi qu’il en soit, dans un contexte où l’inflation et la perception prédominent, les consommateurs restent fortement concentrés sur le prix.
Après les extravagances de Noël, nous allons donc tous nous serrer la ceinture, au sens propre comme au figuré. « Pendant le mois de décembre, les consommateurs achètent en effet un peu plus et sont un peu moins regardants sur les prix, mais cela se répercute sur le mois suivant. » Même si tous les secteurs ne sont pas égaux. « Les consommateurs ne veulent pas à nouveau renoncer complètement à voyager, tandis que le secteur de la mode pourrait subir les répercussions. Il est plus facile d’économiser sur l’achat de nouveaux vêtements. Même si le fossé se creuse : de plus en plus de consommateurs doivent surveiller leurs dépenses, alors que dans le segment du luxe ne semble pas connaître la crise. Même en 2023, le consommateur de produits de luxe ne devrait pas réellement ressentir la crise. »
Le taux d’inoccupation montera
Pour ce qui est du commerce électronique, le professeur Breugelmans prévoit une correction après le pic alimenté par le coronavirus. « Il ne faut pas comparer le présent avec les années de coronavirus. Internet reste très important. C’est devenu une composante substantielle des parcours clients, et les clients feront également de moins en moins de distinction entre les canaux. »
« Je crains que le taux d’inoccupation n’ait pas encore atteint son maximum. Il y a encore trop de magasins physiques et surtout trop de surface de vente au détail par rapport au comportement d’achat actuel. Nous n’avons plus besoin de 24 magasins similaires, ni d’autant d’espace. Je m’attends donc à ce que les détaillants continuent à fermer des magasins ou à en réduire la superficie », explique l’experte en commerce de détail.
Pourtant, le panorama n’est pas entièrement sombre : une bonne dose de rotation et de renouvellement est nécessaire. Pour que les centres commerciaux et les rues commerçantes restent attractifs, il est important que de nouveaux concepts émergent et que des entrepreneurs se lancent. En particulier lorsque l’innovation est associée à l’horeca et à d’autres services complémentaires.
Miser sur le développement continu
En ce sens, il sera également très intéressant de suivre l’évolution de la réalité augmentée, de la RV et même du métavers. « Le développement massif à grande échelle ne se fera pas cette année, mais je pense que ce secteur a de l’avenir auprès de certains groupes cibles. J’ai déjà vu combien mes enfants étaient enthousiasmés par les vêtements de la pop star Camille pour JBC dans Roblox. À quel point ils trouvent cela normal, tout comme le retrait en magasin physique. Ils ne font déjà plus cette distinction. »
Il faudra donc garder un œil sur des géants comme Amazon et Walmart l’année prochaine, estime Els Breugelmans, car ils disposent des budgets nécessaires pour continuer à innover. Même en période de crise et d’austérité. À cet égard, les partenariats constituent un moyen intéressant de continuer à innover. En s’entourant de partenaires, les magasins peuvent apporter plus d’expérience et d’inspiration, complétant et enrichissant leurs concepts. « Ceux qui continuent à innover, avec ou sans partenaires, sont plus forts en temps de crise. Ils en récolteront les fruits à long terme. Mon conseil aux entrepreneurs et aux entreprises : continuez à développer de nouvelles choses et misez sur l’innovation. »