L’année 2020 se résume-t-elle à un seul mot ? Nous relevons le défi et essayons de faire le bilan de cette année sans mentionner le mot « coronavirus ». À partir de maintenant.
Une question de gestion ?
Depuis plusieurs années déjà, le constat final est le même : l’année a été difficile. « 2019 a été catastrophique : 140.000 emplois perdus dans le commerce de détail au Royaume-Uni », avons-nous même annoncé lors du Nouvel an 2020. On savait à quoi s’attendre. Il faut bien l’admettre : tout n’était pas rose avant 2020.
Le roi du bricolage allemand Manfred Maus l’a expliqué suite à la parution du nouveau livre « The Future of Department Stores » : c’est la mauvaise gestion qui met les détaillants en difficulté. Un avis partagé par C&A qui, après de longues séries de licenciements et de fermetures, revient avec un tout nouveau logo et un nouveau concept, tout comme Danone et Coca-Cola. Des milliers de licenciements y doivent alléger la gestion et éviter les effondrements. Ces plans étaient déjà secrètement envisagés depuis longtemps, mais 2020 a fait pencher la balance.
Tous à l’éco-consommation
Mais il ne faut pas nier l’évidence. L’indétrônable marché du luxe, merci la Chine, a essuyé son plus grand revers (-36 % de chiffre d’affaires), tandis que la société mère de Zara, Inditex, a enregistré des pertes pour la première fois de son histoire. La fin des voyages ? Adieu à des centaines d’emplois dans les boutiques sans taxes des aéroports, Michael Kors, Versace et Estée Lauder.
La thèse selon laquelle les Belges « préfèrent dépenser au café plutôt qu’en vêtements » ne semble finalement pas tenir la route. Non, en 2020, les consommateurs ont réellement appris à moins consommer ; l’éco-consommation, longtemps un buzzword, mais aujourd’hui volontiers mis en pratique. Quand les files d’attente ne se forment plus que devant Primark et Action, alors que H&M ferme plus de 250 magasins, vous savez que le vent est en train de tourner.
Plus de numérisation qu’en dix ans
Le vent de la numérisation a soufflé, cela ne fait aucun doute : cet été, les ventes de Bol.com en Belgique auraient augmenté de 88 % par rapport à l’année précédente, celles d’Amazon et de Zalando ont progressé de quelque 33 %. Les « petits nouveaux », d’Aveve à Delvaux, ont également découvert les joies du commerce électronique.
Parallèlement, plus de 50 % des commerçants indépendants se sont mis à la vente en ligne. En huit semaines, le commerce électronique a connu une croissance similaire à celle des dix dernières années, a calculé Scott Galloway, professeur à l’Université de New York. Mais 2020 a surtout été l’année de la percée du commerce électronique pour le secteur alimentaire. Que faire d’autre quand on ne peut pas sortir de chez soi…
Policiers et drames romantiques
D’ailleurs, il n’y avait pas qu’à la télévision que nous pouvions suivre des histoires palpitantes ; le commerce de détail nous a également proposé des feuilletons dignes de la télé-réalité qui nous ont tenus en haleine. À commencer par l’histoire d’amour au dénouement amère entre LVMH et Tiffany’s, un drame mettant en scène, outre une bonne dose de paillettes et de glamour, des intrigues de la Cour de France. Autres blockbusters du genre : le conflit et les raids entre EssilorLuxottica et GrandVision, et les flops amoureux de Victoria’s Secret et Ahold Delhaize.
Mais, bien sûr, les projecteurs sont restés braqués sur FNG, le thriller aux nombreux rebondissements. Hema remporte également la palme du meilleur film d’action, avec des bombes atomiques et des « coups d’État » sanglants. Et quelqu’un a-t-il déjà acheté les droits sur la saga Mega World ? Une comédie noire qui se joue sous nos yeux, peut-être même une comédie policière selon le tribunal belge. Même si le rideau est maintenant définitivement tombé.
Drame et suspense étaient également au rendez-vous avec les faillites de Wibra, Camaïeu Belgique, Bart Smit, Cameleon, Léberg Bronnen et Santana. En Belgique, nous avons perdu Sacha et Manfield, Orchestra-Prémaman et Benetton. Devant les tribunaux de l’entreprise ça se bousculait, avec des réorganisations et des protections contre les créanciers chez e5 Mode, Esprit, Galeria Karstadt Kaufhof et Le Pain Quotidien, pour n’en citer que quelques-uns.
Les crises sont toujours mises à profit
Par contre, comme le disait si bien Churchill, « never let a good crisis go to waste ». Ce sont surtout les Français qui ont pris les choses en mains, avec la reprise de Buro Market, Switch, Maxi Toys et Bio c’bon. Même Monoprix ose traverser la frontière, tandis que les Russes sont en plein essor chez le voisin allemand. Les vestiges de l’empire FNG se sont avérés être un terreau fertile pour JBC, et encore plus pour vanHaren.
En début d’année, Deliveroo menaçait de se retirer de la Belgique, alors qu’aujourd’hui les coursiers à vélo règnent en maîtres sur les villes belges. Elle ne poursuivait toutefois que des ambitions saines et durables, lorsque nous étions tous assignés à résidence et que nous nous jetions en masse sur les en-cas. Sans un certain virus venu de Chine, « neutralité climatique » aurait pu devenir le terme de l’année.
ZEB et Zalando optent pour des marques durables, Danone et Unilever veulent amasser des milliards grâce aux produits végans et Nestlé injecte près de 3 milliards d’euros dans la lutte contre le réchauffement climatique. Delhaize a créé un fonds grâce auquel les fournisseurs peuvent acheter leur bonne conscience, tandis que Lidl envoie des experts pour réduire ses émissions de CO2. Mais surtout, tout détaillant qui se respecte a ouvert un magasin d’occasion, d’Ikea à Gucci.
Vivre et laisser vivre
Ce fut également l’année de l’essor du phénomène des « marques militantes » : réveillées par le mouvement Black Lives Matter (oui, c’était aussi en 2020), les plus grandes enseignes internationales ont lancé un mouvement de boycott contre Facebook, bien que rapidement avorté. Dans ce contexte, Uncle Ben’s a fait l’objet d’un relooking et L’Oréal s’est engagé à ne plus commercialiser de produits clairs ou blanchissants.
Une chose est sûre, la vague de solidarité qui a déferlé sur le monde a donné lieu à des partenariats inédits : même Delhaize et Colruyt se sont associés pour nourrir le personnel hospitalier, tandis que Décathlon a déployé ses employés, puis ses équipements sportifs. BelgiumUnited et Bel Friday ont invité les Belges, dans un appel fraternel, à faire leurs achats localement, peu importe chez qui. Vivre et laisser vivre, telle sera, espérons-le, la devise de 2021 ?