La plus vieille ville de Belgique prouve qu’il est possible de trouver une solution au problème de l’inoccupation commerciale. Avec sa politique commerciale aux accents couleur locale, Tongres pourrait bien inspirer d’autres centres commerçants.
Plan d’action
Ces dernières années, Tongres était devenue aux yeux des médias le symbole de l’inoccupation commerciale galopante dans les plus petites villes commerçantes. L’essor des magasins de périphérie et de l’e-commerce était accusé d’asphyxier les villes provinciales, un message récurrent obligatoirement illustré par une photo de la désolation dans la Maastrichterstraat. Mais voilà, selon un communiqué de presse arrivé il y a quelques semaines à la rédaction, il semblerait que la ville redresse la tête et que de nouveaux commerces ouvrent leurs portes dans le centre. Nous avons voulu en avoir le cœur net.
Notre visite a lieu par une météo grise et pluvieuse, qui rend le cadre pittoresque de la ville un peu moins photogénique. Mais cela n’enlève rien à l’enthousiasme de nos interlocuteurs, Natalie Houbrechts (chef de service économie), Guy Schiepers (échevin de l’Économie et de la Culture) et Jan Boots (administrateur délégué chez CityD, qui accompagne la ville dans sa démarche).
« Nous avons touché le fond en mars 2013 », se souvient Guy Schiepers. Pour rappel, T-Forum avait ouvert juste à l’extérieur du centre l’année d’avant. Deux locomotives – Torfs et JBC – avaient alors quitté le projet Julianus dans la Maastrichterstraat pour s’installer dans le parc d’activité commerciale. Cette ouverture avait également coïncidé avec les premiers signes de l’impact de l’e-commerce sur les villes de petite taille, plus vulnérables. Une perception négative de la ville s’est ainsi créée. Tongres ne connaissait pas plus de difficultés que d’autres villes, l’inoccupation n’y était pas plus élevée, mais le ton était donné. Les autorités de la ville ont donc été contraintes de réagir de manière énergique en formulant un ambitieux plan d’action.
Effet levier
Ce plan comporte pas moins de quarante points d’action. Les lignes de force ? Un nouveau plan d’exécution spatial pour la Luikersteenweg empêche l’extension de T-Forum ou l’implantation de magasins supplémentaires en périphérie. Les magasins existants peuvent rester, mais seuls trois espaces commerciaux dédiés à l’équipement de la personne sont autorisés. Le noyau commerçant a été restreint à l’axe Sint-Truiderstraat – Maastrichterstraat. La ville se concentrera dorénavant sur cette zone. Commerçants et propriétaires bénéficient d’importantes mesures de soutien en vue de la réalisation des travaux d’aménagement et d’embellissement nécessaires.
Le Plusplan prévoit un budget de 500 000 euros pour les rénovations, agrandissements, primes de démarrage, etc. Les commerçants et les starters peuvent recevoir jusqu’à 20 000 euros de subsides moyennant une mise de fonds propres de 25 % seulement. Cette mesure exerce un puissant effet levier. Les immeubles commerciaux des centres-villes historiques sont en effet souvent défraîchis ou insuffisamment adaptés aux normes d’exploitation actuelles. « Depuis le lancement, la ville a approuvé 56 dossiers », indique Natalie Houbrechts. Au total, la ville de Tongres et la Flandre ont déjà versé 253 298,41 euros de subsides.
« Trop de villes attendent oisivement le retour des grandes chaînes », estime Jan Boots. « Mais leur attente est vaine. Les responsables d’expansion connaissent bien Tongres. Ils sont bien renseignés. Ils savent à présent qu’ils ne peuvent plus s’établir au T-Forum – certains attendaient peut-être justement de savoir si le parc serait agrandi. La clarté à ce sujet est une bonne chose. La ville ne doit plus se raccrocher désespérément aux grandes chaînes. Le centre-ville doit se réinventer en mettant l’accent sur la couleur locale et des enseignes spécifiques. Nous observons une dynamique positive. Un acteur comme Rituals aurait tout à fait sa place dans la Maastrichterstraat. Récemment, Domino’s Pizza y a ouvert une filiale. Les jeunes commerçants sont aussi nombreux à faire part de leur intérêt. Le centre-ville va devenir un terrain fertile pour l’entrepreneuriat. »
D’intéressants nouveaux venus
La Maastrichterstraat a récemment eu le plaisir d’accueillir quelques intéressants nouveaux venus : entre autres, les boutiques pour dames Très Jolie et Marie-Lou, mais aussi la première boucherie halal de Tongres. La campagne ‘Grijp Je Kans’ a permis à trois candidats entrepreneurs de concrétiser leur rêve. Elle a débouché sur l’ouverture du barbier vintage Barbarius, de l’atelier de couture et de tricot Needle & Stitch et de Puur Oogst, un beau magasin de fruits et légumes qui fait aussi office de coffee bar, de lunch bar et de boutique de cadeaux. L’entrepreneuse Linda Malcorps travaillait auparavant dans le secteur des soins de santé et donne ainsi un tout nouveau virage à sa carrière. « Nous assistons à un afflux de jeunes entrepreneurs issus d’autres secteurs. Ce sont de belles histoires. » À Tongres, les entrepreneurs s’entraident. SPOT (‘Steunpunt Ondernemen Tongeren’) est un groupe de commerçants qui viennent en aide à leurs collègues et aux starters. L’initiative émane du conseil des classes moyennes. C’est une bonne chose, car les nouveaux venus ne sont pas des entrepreneurs chevronnés et, sans aide, ils ne se seraient peut-être pas lancés.
Le projet Julianus, au bout de la Maastrichterstraat, rebondit lui aussi. Le propriétaire français s’efforce de dynamiser le centre commerçant avec l’aide du gestionnaire SCMS. C’est ici que le plus bel office du tourisme du pays a élu domicile, dans la chapelle. Plusieurs beaux magasins y ont récemment ouvert leurs portes. Pas de grandes chaînes, mais des boutiques et établissements horeca pleins de charme : la vinothèque et boutique de tapas Culaccino, la boutique La Rox et le concept store ‘Xavier B’.
Politique flexible
Bref, la plus vieille ville de Belgique est aussi la première ville à mener une politique commerciale innovante, poursuit Jan Boots. Tongres pourrait servir d’exemple à de nombreuses villes de calibre comparable (31 000 habitants, NDLR).
« De nombreuses villes pèchent par excès de zèle, par exemple en prenant des mesures qui réduisent l’accessibilité du centre-ville. Mais Tongres ne peut pas se le permettre. La ville étant située dans le triangle Hasselt-Maastricht-Liège, la zone de chalandise est limitée. Un centre commercial modeste supralocal doit absolument remplir les conditions de base. Les shoppers viennent des environs et recherchent le confort. Ils ne viennent pas flâner toute la journée comme dans une grande ville. L’accessibilité et la visibilité sont dès lors essentielles. Il importe donc de prévoir des places de parking en suffisance et une signalisation claire. De novembre à mars, le stationnement est à nouveau autorisé sur la Grand-Place. Nous assouplissons la politique de mobilité et de stationnement. Il faut oser rectifier le tir. »
La ville continue en outre d’investir. Avec la construction d’un troisième parking souterrain dans la Vermeulenstraat, l’accessibilité du centre commerçant est garantie pour les années à venir. Le système de téléjalonnement guide les visiteurs jusqu’à leur destination de manière fluide et rapide. Le local de l’ancienne librairie Standaard Boekhandel fera bientôt place à un passage verdoyant au cœur du centre. L’historique Kanunnikhuis, où le fondateur du Belang Van Limburg Nicolas Theelen a vécu et travaillé pendant plus de 100 ans, redeviendra ainsi partiellement visible. La ville planche avec Concentra sur la réalisation d’un musée à cet endroit.
Guy Schiepers croit dans le potentiel de Tongres en tant que ville commerçante, où le shopping est couplé à des atouts touristiques et culturels. Chaque premier dimanche du mois, la ville organise une ouverture dominicale en même temps que Maastricht. Le musée gallo-romain remporte beaucoup de succès, tout comme le marché d’antiquités du dimanche, qui a récemment eu droit à une critique élogieuse dans le journal britannique The Guardian. La ville a retrouvé confiance en l’avenir. De plus en plus de commerçants participent avec enthousiasme à ce nouvel élan en investissant dans leur affaire. Le vent semble bel et bien avoir tourné.