Aujourd’hui, c’est le Jour du Dépassement de la Terre pour le Benelux : si le monde entier vivait comme nous, toutes les ressources que la Terre peut produire cette année seraient déjà épuisées. Chaque jour, nous nous enfonçons davantage dans le rouge. Le GIEC, le Groupe d’experts des Nations unies sur le climat, prévient que nous sommes même à l’aube d’une catastrophe climatique. L’avenir du retail et du FMCG est également menacé.
Quatre planètes
Si tout le monde vivait comme au Benelux, nous aurions besoin de quatre planètes. C’est ce qui ressort du Jour du Dépassement de la Terre, une date calculée chaque année sur la base de l’empreinte écologique de chaque pays. Aujourd’hui, le Benelux a déjà eu sa part du gâteau : notre consommation dépasse la capacité de notre planète.
La Terre n’a encore un peu de répit que parce que de nombreux pays en développement consomment beaucoup moins et compensent nos excès : en 2021, le Jour du Dépassement pour l’ensemble de la planète tombera le 29 juillet. À partir de cette date, l’humanité aura utilisé plus de ressources naturelles que la Terre ne pouvait en produit sur l’année.
Le Jour du Dépassement tombe de plus en plus tôt chaque année : pour la Belgique, c’était le 26 mars cette année, soit une semaine plus tôt que l’année dernière. Le Luxembourg est même passé dans le rouge le 14 février, jour de la Saint-Valentin. Les Néerlandais ont jusqu’au 12 avril, date à partir de laquelle ils vivront eux aussi au-dessus de leurs moyens.
Maintenant ou jamais pour la planète
Cette semaine, le Groupe d’experts des Nations unies sur l’évolution climatique a publié la troisième et dernière partie de son rapport glaçant sur le climat. Le cri d’alarme est sans équivoque : nous nous dirigeons vers une catastrophe climatique. Les possibilités de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré s’amenuisent de jour en jour. Et les conséquences d’un échec sont désastreuses : disparition d’espèces végétales et animales, impossibilité de cultiver dans certaines régions, fuite de populations devant ce climat vengeur. C’est maintenant ou jamais, affirme sans équivoque l’ONU.
« Aujourd’hui, nous avons tous les yeux tournés vers l’Ukraine, et à juste titre, bien sûr. Mais une autre catastrophe est imminente. Nous faisons déjà connaissance des effets de la pénurie : inflation, rayons vides et hausses des prix se multiplient sous l’influence de la perturbation du système d’approvisionnement. Mais ce n’est rien comparé à ce qui nous attend », déclare Jorg Snoeck, fondateur de RetailDetail et co-auteur des nouveaux livres The Future of Food et The Future of Shopping : Re-set Re-made Re-tail. Tous deux décrivent comment la pression croissante exercée par l’être humain sur la planète bouleverse le retail et la consommation.
Dix milliards
« Nous sommes de plus en plus nombreux, nous consommons de plus en plus et nous émettons de plus en plus », résume Jorg Snoeck. Nous vivons dans l’Anthropocène, la première ère géologique où c’est l’homme qui détermine le destin de la planète. L’avenir de la Terre est entre nos mains, mais nous continuons à accroître la pression sur la planète. « La population mondiale explose : nous serons dix milliards en 2050, contre près de huit milliards aujourd’hui. Pour nourrir correctement toutes ces bouches, nous devons augmenter la production alimentaire de plus de 50%. Mais nous nous heurtons déjà à nos limites. »
La croissance démographique ne nous est pas imputable : en Europe occidentale, la natalité est même insuffisante pour maintenir la population. Elle a lieu ailleurs, dans d’autres régions du monde. L’augmentation rapide de la population en Asie (qui représente déjà les deux tiers de la population mondiale) a notamment un impact majeur, car la richesse y augmente tout aussi vite. La Chine héberge déjà la plus grande classe moyenne du monde : elle est plus nombreuse que l’ensemble de la population américaine et représente 60% de la population européenne.
Cette prospérité s’accompagne de nouveaux comportements. La Chine est désormais le plus grand marché pour la plupart des marques mondiales et la classe moyenne chinoise commence aussi à s’alimenter à l’occidentale. La demande de viande est en forte hausse en Asie depuis plusieurs décennies, alors que l’élevage présente une empreinte écologique particulièrement problématique.
Les Chinois dépouillent le monde
Le président chinois Xi Jinping met tout en œuvre pour alimenter le moteur de la croissance et fournir les matières premières nécessaires à son pays. La pression est immense : notre planète est déjà à la limite alors que des pays comme la Chine poursuivent leur industrialisation, ce qui provoque immanquablement une augmentation de la consommation et des émissions.
Il s’agit donc d’une véritable course aux matières premières, indépendamment de la guerre en Ukraine. Depuis des années, la Chine construit quatre nouvelles routes de la soie par lesquelles Xi Jinping veut assurer l’approvisionnement de son pays. Des mines de cuivre en Serbie à la pêche à Madagascar, les Chinois tracent leur route, au propre comme au figuré. La stratégie est identique partout : des entreprises d’État chinoises proposent à des pays (plus pauvres) de construire des infrastructures modernes, souvent des voies ferrées et des autoroutes, mais aussi des ports et des usines modernes. La technologie et les installations sont chinoises, l’exploitation est assurée par les Chinois et si les pays en question ne peuvent pas rembourser leurs prêts, la Chine en devient propriétaire.
La Chine est également très active en matière d’importations, constate Jorg Snoeck. Pour ne citer que quelques exemples : le pays remplit des navires de bois de chez nous, les célèbres vins Rothschild ont signé un contrat à long terme avec la Chine et, avec le blocus de la Russie, la Chine devient le grenier du monde. Et qu’en est-il des liens entre Poutine et la Chine ? « Et si toutes les matières premières partaient demain pour l’Asie ? Nous le sentirions passer. »
Les déchets deviennent impayables
Nous nous dirigeons non seulement vers une catastrophe climatique, mais aussi vers un monde de pénuries, estime Jorg Snoeck : La solution n’est pas d’arrêter de consommer ou de « consommer moins », mais de consommer de manière responsable. Pensons d’abord à nos déchets : nous ne pouvons pas nous permettre de gaspiller aujourd’hui et demain, les déchets deviennent trop chers. » L’alimentation a un prix, humain et environnemental. L’idée qu’il existe une alimentation pas chère est dépassée. « Si nous voulons nous assurer que les prochaines générations auront encore à manger, nous devons procéder autrement. »
Mais comment ? Dans la distribution, nous devons évoluer vers une alimentation sur mesure pour chaque consommateur, estime Jorg Snoeck. Pensez par exemple aux box repas à la HelloFresh, où chaque ingrédient est déjà fourni dans les bonnes quantités. C’est une manière de réduire les déchets. Mais ces solutions devraient également être disponibles pour les personnes isolées (un ménage sur trois dans l’UE est déjà composé d’une seule personne) et âgées. N’oublions pas qu’un quart des Belges ont aujourd’hui plus de 65 ans et que le vieillissement de la population ne fait que s’accentuer.
La science à la rescousse
En outre, les producteurs doivent élaborer l’alimentation de demain. « Nous devrons faire appel à la science. En Belgique par exemple, Danone a développé le premier Actimel neutre en carbone. Les vaches reçoivent un complément alimentaire qui réduit leurs émissions de méthane de 30%. Mais les responsables politiques doivent alors veiller à ne pas se tirer une balle dans le pied et empêcher les entreprises d’expérimenter en imposant des réglementations trop draconiennes. »
Les entreprises européennes sont confrontées au revers de la mondialisation. « Ancien et nouveau systèmes s’affrontent. Ceux qui n’innovent pas assez vite perdront la course. Les capitaux quitteront l’Europe pour l’Amérique ou l’Orient. Après les multinationales américaines, les entreprises chinoises ont le vent en poupe. Pensez à Ochama, filiale de JD.com, qui se lance sur le marché omnicanal aux Pays-Bas grâce à son avance technologique. En Italie, les Chinois rachètent un par un les ateliers de couture de Prato pour créer une fast fashion chinoise « made in Italy ». Le non-food est donc logé à la même enseigne. Les besoins de transparence et de sensibilisation des consommateurs y sont tout aussi grands. »
Quels sont les méthodes, technologies et nouveaux modèles économiques à même de donner un avenir brillant et durable au retail et au FMCG en Europe ? Découvrez-le maintenant dans les livres The Future of Food et la toute nouvelle édition de The Future of Shopping (disponible à la fin du mois d’avril).
Au RetailDetail Congress du 28 avril, Jorg Snoeck proposera une présentation inspirante du « future of shopping ». Il partagera la scène avec Megan Maley (Zalando), Roland Palmer (Alibaba) et bien d’autres intervenants. Cliquez ici pour en savoir plus et réserver.