Le commerce physique reste le canal de vente dominant, c’est la conviction de Nicolas Rosiers et Jean-Philippe Pinteaux de Wereldhave Belgium. Le spécialiste de l’immobilier commercial veut transformer ses centres en « full service centres » et s’attend à un mouvement de consolidation.
De Bruges à Genk
A Genk, Wereldhave Belgium a achevé la première phase de rénovation d’un des axes de la rue commerciale Het Stadsplein. Les façades des magasins ont été mises en valeur et les locaux rénovés afin d’offrir aux consommateurs une expérience shopping plus agréable et plus respectueuse de l’environnement. Les commerçants sont en train d’aménager leurs magasins, dont la réouverture est prévue pour la mi-février. Dans une deuxième phase, Wereldhave Belgium s’attaquera également aux anciens locaux de C&A qui entretemps a déménagé à Shopping 1.
De l’autre côté du pays, à Bruges, la première partie du retail park De Mael a été rénovée : l’ancien bâtiment Ixina est désormais occupé par Hema, Medi-Market et Pearle – le propriétaire est toujours à la recherche d’un locataire pour le premier étage : bureaux, salle de fitness, profession libérale… Une deuxième phase de rénovation visera notamment à rendre le retail-park plus durable, avec des panneaux solaires, des stations de recharge pour véhicules électriques et la mobilité douce sera encouragée grâce notamment à la mise en place de parcours vélos spécifiques pour l’accès aux commerces et à la mise à disposition d’espaces où garer les vélos en toute sécurité. À Gand, l’investisseur immobilier a vendu le complexe commercial De Box légèrement au-dessus de sa juste valeur. A ce jour, Wereldhave Belgium possède cinq centres commerciaux en Belgique, trois grands retail-parks, deux centres urbains et deux grands complexes de bureaux.
Un marché dynamique
Après une année de transition, Wereldhave Belgium est prête pour une année de consolidation avant de renouer avec la croissance, confirment le Deputy CEO Nicolas Rosiers et le COO Jean-Philippe Pinteaux dans une interview accordée à RetailDetail. Le calme est revenu chez l’investisseur, assurent-ils, et le marché de l’immobilier commercial a très bien résisté en Belgique malgré la succession des crises. Le secteur a fait preuve de résilience.
En témoigne, entre autres, le grand dynamisme du marché locatif commercial. « Nous réalisons jusqu’à 100 transactions par an, sur un portefeuille de 600 locataires. C’est beaucoup, même si cela inclut les renouvellements de baux. Lorsque les locataires partent, nous trouvons rapidement des remplaçants. Et nous louons à des prix supérieurs au loyer du marché ».
Le taux d’occupation du portefeuille retail de Wereldhave Belgium dépasse les 97 %. Le nombre de visiteurs repart également à la hausse – et pas seulement par rapport à 2022, qui était déjà une année de forte reprise : il est désormais également supérieur à celui de l’année de référence 2019. « Nous constatons qu’il en va de même pour les chiffres d’affaires de nos commerçants», ajoute-t-il.
Les clients reviennent
Le commerce de détail physique résiste bien, comme l’ont constaté Rosiers et Pinteaux. La vague de faillites que l’on craignait ne s’est pas produite, notamment grâce à l’indexation automatique des salaires : « Cela a maintenu le pouvoir d’achat, de sorte que les consommateurs ont continué à faire leurs achats malgré la hausse des prix ». Le commerce électronique, quant à lui, a atteint un stade de maturité, y compris en Belgique, où il semble plafonner. L’époque des livraisons et des retours gratuits et illimités est révolue. « C’est un modèle commercial qui ne fonctionne pas. Le commerce physique reste le principal canal de vente. »
« Tant pendant la pandémie que pendant la crise de l’énergie, notre stratégie a consisté à soutenir nos commerçants. Nous en récoltons aujourd’hui les fruits : nous n’avons perdu pratiquement aucun client b2b, ni b2c, même si cela a coûté de l’argent à l’entreprise. Certains secteurs ont connu une période difficile pendant la pandémie : les agences de voyage, la maroquinerie, la restauration, les coiffeurs… Mais les clients sont revenus. On peut réserver un voyage en ligne, mais parler à un conseiller dans une agence de voyage reste plus pratique, pour obtenir des réponses immédiates à toutes ses questions. Dans les commerces, les clients attendent une expérience complète. »
Services et sports
Depuis la prise de fonction de Matthijs Storm en 2019, Wereldhave Belgium a développé une stratégie baptisée LifeCentral : « Nous voulons que les consommateurs trouvent dans nos centres tout ce dont ils ont besoin dans la vie quotidienne. Nous ne recherchons pas LVMH ou des discounters, nous sommes dans le segment du milieu de gamme et notre offre commerciale est donc très large. A ce mix commercial de base, nous ajoutons non seulement de l’Horeca, mais aussi des services et du sport. C’est ce que nous dénommons des full service centres. »
Le fait que des services de santé tels que les dentistes ou les polycliniques s’implantent dans des projets retail est moins évident en Belgique qu’aux Pays-Bas ou en France, par exemple. Mais le sport est un ajout prometteur. « Aux Bastions à Tournai, nous avons accueilli Basic-Fit au premier étage au-dessus de Kiabi. C’est un succès : nous constatons un doublement du passage le long de l’entrée où se trouve le centre de fitness. Les autres locataires sont également très satisfaits : après le fitness, les visiteurs font des courses ou vont manger un morceau au sein de la galerie. »
Un restaurant étoilé dans un centre commercial ?
L’horeca est déjà fortement représenté dans les centres commerciaux de Wereldhave Belgium : « Les centres commerciaux n’attirent pas les mêmes acteurs horeca que les centres-villes. Nous constatons certes une demande de meilleure qualité : les clients veulent parfois plus qu’un sandwich ou une pizza. Mais nous ne voyons pas encore de restaurant étoilé dans un centre commercial en Belgique – même si nous en voyons à Londres, par exemple. Nous pouvons rêver : une offre Horeca élargie pourrait par exemple être envisagée à Belle-Ile, à Liège ».
Prévoir des services aux locataires et aux clients est également une priorité. « Nous avons été les premiers à placer des panneaux solaires sur le toit d’un centre commercial, à vendre des cartes cadeaux, à utiliser le logiciel Flow pour communiquer directement avec nos locataires. Pendant le Covid, nous avons lancé une application qui permettait de prendre rendez-vous pour une visite chez un commerçant dans les limites imposées par les autorités. De plus, nous avons récemment lancé une « Business App » dans nos centres, une application qui permet aux entreprises de notre zone de chalandise d’offrir à leurs équipes une multitude d’avantages dans de nombreuses boutiques et établissements Horeca pendant les heures creuses . Si vous travaillez au CHU de Liège, près de Belle-Ile, vous pouvez bénéficier d’une réduction pour venir déjeuner à certaines heures – et vous pouvez réserver dans l’application. Enfin, « The Point », notre point info et de services est un grand succès qui a depuis été dupliqué par d’autres. »
Saisir les opportunités
D’où devrait venir la croissance future de l’entreprise? « Nous ne pensons pas que nous connaîtrons encore un cycle de croissance de l’offre d’espaces commerciaux en Belgique ; il n’y aura plus beaucoup de retail-parks ou de centres commerciaux qui seront construits dans les prochaines années. The sky is not the limit ! Aujourd’hui, on fait face à une situation de suroffre commerciale dans certains endroits et on assistera à des regroupements (clustering). On peut toutefois s’attendre à ce que le marché offre des opportunités d’investissement et nous les étudierons attentivement. »
Pour Wereldhave Belgium, l’ensemble des ingrédients sont sur la table pour penser qu’après une année 2023 de transition, les exercices à venir permettront à la société d’accroitre sa présence et sa visibilité sur le marché : « Notre taux d’endettement est un des plus bas du segment (<30 %) et une baisse des taux d’intérêts est annoncée, ce qui ouvrira des opportunités. Ce qui prime, c’est toutefois la qualité des actifs. Nous nous concentrons uniquement sur les centres commerciaux et les grands retail-parks. Il est évident qu’il n’y en aura pas une multitude qui arriveront sur le marché dans les prochaines années, mais des opportunités de croissance externe se présenteront. A nous de les saisir ».