Pour la première fois, Amazon a vendu plus en un an que son grand rival Walmart. L’entreprise devient ainsi le plus grand détaillant au monde, du moins en dehors de la Chine. Parce qu’il n’y a qu’une seule première place.
Étape
Au cours de la période de douze mois clôturée fin du mois de juin de cette année, les consommateurs ont dépensé plus de 610 milliards de dollars (520 milliards d’euros) chez Amazon, selon une étude financière menée par Factset et rapportée par le New York Times. Walmart, pour sa part, a publié en début de semaine un chiffre d’affaires de 566 milliards de dollars (480 milliards d’euros) pour la période de douze mois clôturée fin juillet.
C’est une étape importante qui illustre à quel point le comportement d’achat a changé au cours des dernières décennies : pour la première fois, Amazon détrône le détaillant le plus prospère de ces 50 dernières années. Toutefois, cela ne suffit pas pour devenir le plus grand détaillant du monde : cet honneur est encore réservé à Alibaba. Ni Amazon ni Walmart ne sont encore parvenus à s’imposer sur le gigantesque marché chinois, et Alibaba est désormais plus grand que les deux géants américains réunis.
Nouvelles règles du jeu
Sommes-nous à un moment historique, à un tournant ? Le modèle qui a permis à Walmart de dominer le marché mondial est bien connu : avec de très grands magasins vendant un assortiment complet à des prix ultra-bas, grâce à un contrôle très strict des coûts et à des opérations logistiques efficaces, le géant de la distribution a écrasé la concurrence et atteint une envergure inédite.
Mais le commerce électronique a réécrit les règles du jeu dans la vente au détail. Les grands magasins Walmart vendent jusqu’à 100 000 articles différents. Cela semble énorme, mais si l’on regarde les vendeurs sur les places de marché, il y en a plus de 350 millions sur Amazon. En outre, la pandémie a profité aux acteurs en ligne : le chiffre d’affaires de Walmart a augmenté de 24 milliards de dollars (20 milliards d’euros) l’année dernière, celui d’Amazon de près de 200 milliards de dollars (170 milliards d’euros). Et cette avance pourrait bien se creuser : Amazon prend actuellement 41 cents sur chaque dollar dépensé en ligne aux États-Unis. Walmart doit se contenter de 7 cents : l’entreprise prévoit de réaliser un chiffre d’affaires en ligne de « seulement » 75 milliards de dollars (64 milliards d’euros) cette année.
Tour de passe-passe
À souligner : le chiffre d’affaires que Factset attribue à Amazon est supérieur à celui publié par le détaillant. Selon les observateurs, Amazon fait un tour de passe-passe en ne divulguant que le montant des frais qu’il facture à ses deux millions de vendeurs partenaires, et non le chiffre d’affaires réel réalisé sur sa place de marché. Une stratégie délibérée : Amazon veut paraître plus petit qu’il ne l’est afin d’éviter les questions gênantes sur sa domination du marché. L’entreprise préfère le rôle d’outsider, une position qui s’avère aujourd’hui intenable.
Par conséquent, les analystes estiment ce que l’on appelle la « valeur brute de la marchandise », c’est-à-dire le montant que les clients dépensent chez Amazon pour des produits provenant des stocks d’Amazon ou de vendeurs externes, qui représentent au total 56 % des produits vendus. Ainsi, le chiffre d’affaires est presque 60 % plus élevé que ce prétend Amazon. Il n’y a qu’aux États-Unis que Walmart vend toujours plus qu’Amazon, où le groupe emploie également plus de salariés. Mais il pourrait aussi perdre cette avance l’année prochaine. D’ailleurs, Amazon pèse (beaucoup) plus que Walmart en valeur boursière depuis 2015.