Le pourquoi de la révolution dans le retail
« Tout le monde parle de ce qui se passe dans le secteur du retail – inoccupation des espaces commerciaux, faillites, montée en force du e-commerce – et décrit donc les symptômes, alors que la vraie question est de savoir pourquoi le retail évolue de cette façon. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi tous ces changements dans le comportement d’achat ? », s’interroge Cor Molenaar, professeur à l’Université Erasme de Rotterdam.
Ce sont précisément ces questions qui l’ont incité à écrire son nouveau livre : « C’est pourquoi j’ai décidé d’examiner le sujet en profondeur, de manière scientifique, et j’en ai déduit qu’actuellement les gens présentent un comportement nettement différent, qui peut s’expliquer par trois facteurs clés : les développements technologiques (l’omniprésence de l’internet), le syndrome de la récession et un nouveau profil socio-économique. »
En parlant de ‘nouveau profil socio-économique’, Cor Molenaar fait référence à la forte croissance du nombre de ménages d’une seule personne : « Aujourd’hui 30% de la population vit seul, ce qui engendre un comportement de consommation différent. Si vous habitez seul et que vous n’avez pas le temps de faire du shopping, vous faites vos achats en ligne. Si par contre vous êtes seul à la maison et n’avez rien de spécial à faire, vous irez faire du shopping. »
« L’e-commerce ? C’est du vieux vin dans une nouvelle bouteille ! »
Selon Molenaar, le succès des ventes en ligne est donc un symptôme et non une cause en soi. « L’on impute trop facilement les difficultés du retail à la pression émanant du e-commerce. Pourtant les webshops ne sont qu’une réponse à un comportement d’achat différent. La seule différence par rapport à un magasin traditionnel, où l’on va soi-même faire ses courses, est que le webshop livre les achats à domicile. La vente en ligne n’est donc pas réellement une nouveauté, c’est du vieux vin dans une nouvelle bouteille. »
Mais dans ce cas, qu’y a-t-il de réellement disruptif dans le retail d’aujourd’hui ? « Les plates-formes, comme chez Alibaba et Airbnb ou encore Uber, qui établissent un lien direct entre le fournisseur et le consommateur final et qui font donc s’écrouler toute la chaîne d’approvisionnement traditionnelle. Le modèle du retail dans son ensemble, avec ses chaînons intermédiaires qui érodent les marges, est devenu beaucoup trop cher. »
Pour survivre à ces changement disruptifs, les retailers devront effectuer les remaniements nécessaires – au niveau de l’offre, du marketing, de la flexibilité, des processus logistiques, des formules d’abonnement et des modèles financiers –, estime le professeur en retail. Chaque facette doit être examinée à la loupe. Peut-être pourront-ils conserver certaines choses, mais de toute manière chaque élément doit être revu, sans quoi, c’est perdu d’avance. »
Miss Etam a été « vraiment stupide »
La récente faillite du groupe néerlandais Etam n’a donc rien d’étonnant, selon Cor Molenaar : « La vraie raison de cette faillite est de n’avoir pas compris que les règles du jeu avaient changé. Certes, ils ont ouvert un webshop, mais ils y proposent les mêmes prix et le même assortiment qu’en magasin. Dès lors il n’est pas étonnant que leurs ventes online soient déficitaires. »
« Mais ce qui a vraiment été stupide de leur part, c’est d’avoir vendu leurs produits via Zalando et Wehkamp. Ce sont des concurrents directs, qui ainsi gagnent de l’argent sur leur dos et qui savent donc précisément ce que vend le groupe Etam et comment ! S’ils voulaient absolument se lancer sur une place de marché, ils auraient dû choisir Amazon ou bol.com. »
Entreprenariat, pas de private equity
Par ailleurs le professeur estime que la fin de la vague de faillites dans le retail n’est malheureusement pas encore en vue : « Tant aux Pays-Bas qu’en Belgique nous pouvons nous attendre à d’autres cas similaires à celui d’Etam. Le marché belge a toujours un léger retard, mais il n’y échappera pas. On constate cette même tendance partout, sur tous les marchés occidentaux matures. »
Selon Molenaar, les investisseurs en private equity, qui aujourd’hui règnent en maître au sein de bon nombre de grandes chaînes retail, sont en partie responsables de cette situation. « Quasi toutes les chaînes aux mains d’investisseurs en private equity, sont en difficulté. Le private equity est une bonne chose lorsque le marché croît, mais lorsqu’il décline, ils tentent de réduire les coûts. Il ne vous est donc plus possible de faire les investissements nécessaires et au final vous ne parvenez plus à vendre. »
« Comment je perçois l’avenir de retailers tels que V&D ? Ils n’ont plus d’avenir, tout simplement. Dans un marché en déclin le private équity porte le coup de grâce au retail. » Mais alors quelle est la solution ? « Nous devons revenir à l’entreprenariat. Lorsque j’entends qu’un CFO devient le nouveau CEO d’une entreprise retail, cela m’inquiète. Un CFO ne s’intéresse qu’aux chiffres et non aux clients. »
Les clients veulent pouvoir faire leur shopping samedi soir
« Aujourd’hui il est essentiel d’être très proche de son client, mais j’admets que cela n’est pas facile. Lorsque je conseille aux retailers de rester ouverts samedi soir, parce que les clients aiment faire leur shopping à ce moment-là, ils réagissent en disant que ce n’est pas réalisable ; ce que je comprends, mais après tout c’est ce que veulent les clients. »
« Lors de la préparation de mon livre, j’avais déjà prédit tous les développements de ces deux à trois dernières années. Les problèmes de Macintosh, Hema, V&D, Schoenenreus, … étaient prévisibles. Dans mon livre ils pourront lire ce que leur réserve encore l’avenir et ce qu’ils peuvent faire pour mieux s’armer », conclut Molenaar.
Le 23 avril Cor Molenaar présentera son nouveau livre ‘Kijken, Kijken … Anders Kopen’ lors du RetailDetail Congress à Schelle qui affiche presque complet. Vous souhaitez participer à cet événement ? Inscrivez-vous dès maintenant à l’avant programme #experience, avec accès gratuit au programme principal.