Je ne vous apprendrai rien en disant que les consultants et les experts en retail répètent à l’envi qu’il faut ‘être à l’écoute du client’ et que ‘le client est roi’. Une vérité toujours d’actualité, mais qui comprend vraiment tous ces mugissements ?
Belles intentions
Comment interpréter ces beuglements correctement ? Les consommateurs restent des êtres humains, et ceux-ci s’avèrent souvent de mauvais conseillers. En particulier lorsqu’on leur demande leur avis sur une question semble-t-il. Les consommateurs sont en effet passés maîtres dans l’art de dire une chose et de faire son contraire.
Apparemment, il en va du shopping comme des bonnes résolutions de Nouvel An : à les entendre, les gens sont remplis de belles intentions, mais cela s’arrête souvent là. Shoes of Prey l’a appris à ses dépens : cette marque en ligne révolutionnaire a proposé à ces dames de concevoir leurs propres chaussures hyper personnalisées et de les recevoir à domicile trois semaines plus tard.
Un concept innovant ? Séduisant ? Réfléchi ? Absolument, répondent en chœur les fondateurs qui ont dépensé une fortune en études de marché. Des études qui concluaient unanimement que les femmes trouveraient l’idée formidable. Le succès ne pouvait donc qu’être au rendez-vous, n’est-ce pas ? Et pourtant. Après dix ans d’existence, les fondateurs ont décidé de mettre fin aux activités. Motif : les femmes disaient vouloir acheter des paires de chaussures uniques… mais en réalité, elles craquaient pour de jolies sneakers repérées en magasin. C’est plus facile.
Idée séduisante
Le penchant pour la facilité est un trait de caractère humain qu’il ne faut pas sous-estimer. À un niveau plus local, on peut citer la faillite de Beedrop, la plate-forme en ligne censée permettre aux magasins d’alimentation locaux de proposer la livraison à domicile à leurs clients. Moyennant une commission de 20 %, des coursiers livraient à domicile les produits de quelque 950 commerçants dans diverses villes et communes flamandes. En théorie, l’idée semblait séduisante. Mais vu que les consommateurs devaient malgré tout se rendre chez Colruyt pour acheter leur Nutella ou leur cola, ne valait-il pas mieux en profiter pour ramener du pain, du fromage ou de la charcuterie ? C’est plus facile.
Le supermarché durable Marqt est confronté au même problème. La chaîne néerlandaise doit trouver un acheteur – comprenez un bailleur de fonds – et vite. Car bien que les consommateurs trouvent la promesse d’aliments durables, éthiques et biologiques fantastique, des enseignes comme Jumbo et Albert Heijn accordent aujourd’hui aussi beaucoup d’attention au bio, à la transparence et à la durabilité – à des prix plus bas. C’est plus facile.
Ne vous fiez donc pas à ce que disent les gens. En tout cas pas si vous leur posez des questions informelles et partez du principe que les réponses obtenues reflètent l’absolue vérité. Le client a beau être roi, un bon roi laisse l’administration de son pays entre les mains de ses conseillers. À chacun ses responsabilités. Et lorsqu’un roi est jugé irresponsable, un valeureux ministre doit déposer une motion de méfiance à son égard. « C’est l’évidence même. »