Le retail s’apparente en fait à de la pure métaphysique : une quête permanente de sens et de signification de l’existence. Une quête épuisante, qui vous précipite dans des abimes de mélancolie. Heureusement, des injections miraculeuses y sont possibles et on y assiste à plus de résurrections miraculeuses que dans la Bible.
Le retail n’en vaut-il plus la peine ?
Dans le retail, faillite n’est pas forcément synonyme de fin, loin s’en faut. Ainsi, on parle déjà d’une relance chez Jacob’s Conceptstore, même s’il n’y a pas grand-chose à relancer : il faudra recréer énormément de confiance pour que des créateurs indépendants acceptent à la fois d’avancer leurs stocks et de jouer aux employés de magasin.
En même temps, les investisseurs sont clairs : s’il ne s’agit que de retail, cela n’en vaut plus la peine. Des acquéreurs potentiels de Scotch & Soda ont renoncé avec ce message clair. Naf Naf opte heureusement pour une intégration verticale dans un fabricant de tissus turc, histoire d’avoir encore un peu de marge.
To be or not to be camaïeu
Il arrive que des marques disparues réapparaissent au moment où l’on s’y attend le moins. Ou plutôt : quand tout le monde les a oubliées depuis longtemps. Célio ramène Camaïeu du royaume des morts sous le nom de « be camaïeu ». La nouvelle ligne de vêtements féminins pour le quotidien devrait permettre à la marque masculine Celio de se positionner en acteur pour toute la famille. Be camaïeu n’en reste pas moins un choix d’image audacieux. Quelle femme voudrait « être camaïeu » ? Invisible, vite oubliée, plusieurs fois en faillite, endettée à hauteur de cinquante millions d’euros : est-ce vraiment une chose à laquelle on peut aspirer ?
Certes, les marques de mode sont dans une position peu enviable. En plus du temps pourri, quelque 75 % des membres français de Vinted regardent désormais si un article n’est pas disponible d’occasion avant de l’acheter en neuf. Les amateurs d’occasion ne sont pas seulement de plus en plus nombreux : la seconde main occupe également une part croissante de leur garde-robe.
Vert de jalousie
Des choix d’image s’imposent également chez Casa. Les nouveaux propriétaires y organisent un grand nettoyage de printemps avec des remises jusqu’à 70 %. Besoin urgent de liquidité, pronostiquerait le pessimiste. Nécessité de libérer de la place pour du neuf, répondrait l’optimiste. Mais quel neuf dans ce cas ? « Que représente Casa ? », a ainsi demandé un journaliste ayant le sens de la rhétorique. Heureusement, il n’attendait pas de réponse. Pourront-ils refaire une Juntoo à Olen ? Quelques années ont suffi à ces concollègues pour transformer Overstock en une véritable « marque » à grands coups de publicités télévisées coûteuses, des meubles trendy et même d’un CEO débauché chez Casa. Il fallait oser.
En tout cas, nous savons pourquoi le logo Casa est vert : vert de jalousie pour Jysk, sans le moindre doute. Ces fiers Vikings ont pourtant ouvert deux magasins le même jour cette semaine, à Erpe-Mere et à Ypres. La chaîne d’ameublement danoise compte déjà 44 magasins en Belgique, et ne compte pas s’arrêter là. Ils ne semblent en tout cas pas souffrir Weltschmerz… Chez Casa, ils seront encore plus verts quand ils apprendront qu’une remise d’à peine 15 % est à l’origine de files d’attente interminables et de véritables embouteillages chez Ikea aujourd’hui. Rien de tel n’est arrivé à nos oreilles au moment de la liquidation générale chez Casa.
Injection miraculeuse
Pourtant, le retail n’a rien de sorcier. « Tout est une question de concentration », explique Koen Nolmans, propriétaire de ToyChamp. On ne vend pas des pots de yaourt comme des pots de Play-Doh. Dreamland devrait ainsi sortir du rouge dès cette année, grâce à une simple injection d’une petite dose d’expérience et d’émotion.
C’est aussi l’injection à laquelle aspire Game Mania, qui bénéficie d’une protection contre ses créanciers depuis cette semaine. Pourquoi acheter encore des jeux informatiques sous forme physique ? Le fait que le point de vente joue à peine un rôle transactionnel lorsqu’il s’agit de produits déjà numériques aurait dû être évident depuis longtemps. Pourquoi quitteriez-vous votre écran pour aller acheter quelque chose que vous utiliserez à nouveau sur votre écran ?
Avant même la pandémie, les consommateurs européens étaient convaincus que la moitié magasins seraient utilisés à d’autres fins d’ici 2027 : comme ateliers, pour des démonstrations, des événements, etc. N’importe quoi hormis pour vendre de produits. Et quoi de mieux qu’un ancien magasin de jeux vidéo pour héberger un lieu communautaire, un studio de streaming, une salle d’arcade ou un comic-con permanent ? Si HMV peut signer un come-back, tout le monde en est capable, non ?