En 2021, pour la deuxième année corona d’affilée, nous avons vu le commerce électronique décoller. Pas vraiment de nouvelles tendances, mais l’accélération des existantes. Sofie Geeroms (BeCommerce) ne voit pas de raison pour que cela change dans une ère post-corona, dit-elle dans une interview accordée à RetailDetail.
Quels sont les principaux enseignements de 2021 ?
« Je pense que le commerce électronique est vraiment devenu une force avec laquelle il faut compter, et une force qui s’inscrit dans la durée. Après avoir observé chez nous la percée définitive en 2017 de l’événement de shopping en ligne Black Friday, ce dernier n’a fait qu’augmenter depuis lors. En 2019, nous parlions de « l’essor du commerce électronique ». Un an plus tard, c’était « l’accélération du commerce électronique » et à présent c’est « la puissance du commerce électronique ». Les gens ont découvert tous les aspects du commerce électronique, avec les avantages des livraisons à domicile et du paiement en un clic.
Il est également durable, malgré les critiques que nous entendons parfois de la part d’autres fédérations de détaillants. Après tout, il est préférable d’avoir une camionnette qui effectue des livraisons groupées que d’avoir 100 consommateurs qui montent dans leur voiture pour faire le même achat en magasin. »
Le commerce électronique revient-il à des niveaux « normaux » ?
« Au cours du dernier trimestre, nous avons enregistré un total de 3,24 milliards d’euros de dépenses en ligne, soit une augmentation de 46% par rapport à l’année précédente. Pour certains secteurs, il y a vraiment un changement fondamental dans le comportement des consommateurs. Et lorsqu’il y a des exceptions, elles s’avèrent toujours avoir des explications très évidentes. Comme par exemple le secteur des télécommunications, qui a ressenti l’impact de l’implosion du marché des cartes SIM prépayées.
Nous constatons également que non seulement les consommateurs achètent plus souvent en ligne, mais que le panier d’achat virtuel grossit lui aussi. Les gens n’ont plus peur de dépenser de grosses sommes d’argent en ligne. »
Vous attendez-vous à un impact majeur de l’inflation ? Devons-nous nous préparer à une guerre des prix ?
« Oui, deux fois oui. L’inflation ne doit vraiment pas être sous-estimée. Je lis beaucoup de médias américains. Le Wall Street Journal a récemment réalisé un sondage. Qu’en ressort-il ? Les gens ne s’inquiètent pas pour le coronavirus, mais bien pour l’augmentation du coût de la vie et pour leur emploi. L’énergie est un sujet brûlant, en l’occurrence. En ce sens, le commerce électronique est important : les prix en ligne sont souvent un peu plus compétitifs que ceux pratiqués hors ligne.
À cet égard, on constate une évolution importante aux États-Unis et en Chine. On y voit de plus en plus émerger un prix unitaire pour les articles en ligne et hors ligne, qui évolue ensuite de manière dynamique en fonction de l’offre et de la demande. En Chine, par exemple, cela va très loin. Les grands magasins ont des étiquettes de prix contrôlées électroniquement, et en fonction du nombre de visiteurs dans le magasin, les prix augmentent ou diminuent. Il en va de même en ligne, en fonction du nombre de recherches menées. La hausse de l’inflation pourrait également mener à un système similaire chez nous. Peut-être pas aussi rapidement que je le suggère, mais il ne fait aucun doute que l’inflation est un catalyseur pour ce type d’évolutions. Le commerce électronique est le moteur par excellence de ces évolutions. »
La rapidité et le sans contact resteront-ils la norme, ou le « high-touch » et le « high-experience » feront-ils un retour en force ?
« Il y a de la place pour les deux systèmes. Toute forme de friction indésirable poussera un client à se tourner vers la concurrence. En particulier en ligne, l’expérience d’achat doit être aussi fluide et rapide que possible. Mais le « high-touch » et le « high-experience » restent certainement importants. Les visites physiques au magasin ne disparaîtront pas. En particulier pour certains produits, il reste important de pouvoir les voir en vrai, « en direct ».
Il est parfaitement possible que l’achat final soit encore effectué en ligne. Mais miser sur une bonne expérience d’achat reste très important. Et cette approche n’est pas réservée aux grandes chaînes : Les petits magasins peuvent également l’offrir. Il s’agit de penser de manière créative, en sortant des sentiers battus. »
Quelle est l’importance des nouveaux modèles, tels que le seconde-main et les abonnements ?
« Ces modèles sont très importants pour répondre à l’importance croissante que les consommateurs accordent à la durabilité. Aux États-Unis, les magasins Patagonia proposent des services de réparation et d’échange. Le seconde-main n’est plus une niche et est redevenu tendance, notamment grâce aux jeunes générations.
L’économie liée aux abonnements s’inscrit également dans cette logique de durabilité. Par exemple, dans une ville, pourquoi continuer à posséder une voiture si vous n’en avez pas besoin tous les jours ? Les détaillants devront être réactifs à cet égard. Demander aux clients de sortir leur carte à chaque fois qu’ils passent à la caisse pour montrer qu’ils ont souscrit à un service ou à un produit particulier, c’est aujourd’hui dépassé. C’est très important pour fidéliser les clients.
En tant que détaillant, vous devez montrer que vous voulez connaître votre client, que vous faites des efforts pour le connaître et que, finalement, vous le connaissez vraiment. Ce sont trois aspects vraiment différents de cette approche qu’ils doivent travailler. Les données sont un facteur crucial à cet égard. C’est plus qu’un gadget. Amazon a été déficitaire pendant près de 20 ans, et n’a commencé à faire des bénéfices qu’avec le lancement de ses abonnements Prime. »
Quelle « voie de la reprise » voyez-vous pour le commerce de détail ?
« Les détaillants doivent vraiment aller en ligne à présent, et intégrer complètement leurs offres hors ligne et en ligne. La manœuvrabilité est cruciale, afin de pouvoir réagir rapidement aux changements de comportement des clients. Ceux qui ne franchissent pas le pas maintenant devront fermer boutique dans les cinq ans. Cela nécessite des investissements, et certains devront être dans le rouge pendant un certain temps, mais ils en récolteront les fruits dans quelques années. Bien entendu, cela nécessite également une formation complémentaire, et c’est un aspect auquel BeCommerce peut certainement contribuer. »