La dernière nouveauté envisagée par Amazon semble être l’ouverture de points de retrait physiques aux USA. Parallèlement le géant américain accélère sa croissance en Europe, aussi en Belgique. Comment les acteurs traditionnels peuvent-ils faire face ?
Enième innovation
Les travaux de construction des premiers ‘drives’ d’Amazon Fresh sont en cours à Seattle. Selon GeekWire, il s’agirait de deux sites pour lesquels le retailer aurait obtenu des permis afin d’installer une signalisation dans les alentours avec l’inscription ‘AmazonFresh Pickup’. Les façades afficheront des slogans, tels que ‘Shop online. Pick up here’ et ‘Relax while we load your groceries’.
Il s’agit de points de retrait à l’exemple du modèle français, où les courses commandées par les clients sont déposées directement dans le coffre de leur voiture. Les shoppers auraient également la possibilité de passer commande sur place via une tablette, dans une sorte de petit ‘convenience store’, pour ensuite emporter directement leurs courses. L’ouverture de ces points de retrait ne devrait tarder.
Il s’agit là de la énième nouveauté imaginée par la machine à innovation qu’est Amazon, après de précédentes trouvailles révolutionnaires comme le bouton d’achat Dash, l’appareil à reconnaissance vocale Echo et le supermarché sans personnel Go. Mais en Europe aussi, ça bouge pas mal : en ce moment le retailer construit un centre de distribution pour Amazon Fresh à Berlin et depuis la semaine dernière le service Pantry (aliments secs) est disponible pour la partie francophone de la Belgique. Amazon se rapproche dangereusement. Les acteurs traditionnels doivent-ils trembler face au mastodonte américain ?
Une expérience unique
Selon ce rapport réalisé par les experts en retail de Roland Berger, Amazon fait quelque chose que la plupart des retailers ne parviennent pas à faire, à savoir réunir deux principes apparemment inconciliables : le plus grand assortiment aux prix les plus bas. Tandis que pour les retailers traditionnels c’est toujours l’un ou l’autre.
C’est précisément cette combinaison d’un assortiment quasi illimité à prix plancher qui permet à Amazon d’offrir une expérience shopping unique. Cela crée un effet boule de neige : plus d’offre, plus de trafic, des coûts plus bas, des prix plus pas … Un effet encore renforcé par l’ouverture de la place de marché à des vendeurs tiers.
C’est ainsi qu’Amazon a développé son propre ‘réacteur de croissance’. Grâce à une logistique fortement automatisée, une intégration verticale et la concurrence qui joue entre les vendeurs de la place de marché, Amazon est en mesure de réduire ses coûts et de baisser ses prix. L’offre ne cesse de s’amplifier par la combinaison d’un assortiment propre avec celui de tiers. Et l’expérience client s’améliore grâce aux innovations technologiques.
Optez pour l’ubérisation
Vu ces énormes capacités d’innovation, le rythme de croissance d’Amazon ne cessera de s’accélérer au cours des prochaines années. Des applications intelligentes comme Amazon Echo fournissent de nouvelles données sur les shoppers. Le retailer obtient davantage de moyens financiers à mesure que les budgets marketing passent de Google à Amazon. Des moyens financiers que le retailer peut ensuite investir dans la baisse des prix. Grâce à l’extension d’Amazon Prime et Amazon Fresh, l’offre de produits s’améliore. Et le développement des services B2B contribue également à accélérer la croissance.
Selon Roland Berger, d’ici 2021 Amazon pourrait devenir le retailer numéro deux en Allemagne et numéro dix en France, où la conquête d’Amazon est quelque peu ralentie par la forte concurrence locale. Dès lors la question qui se pose pour les retailers traditionnels est la suivante : Comment réagir face à Amazon ?
Une vraie stratégie multicanal s’impose, dans laquelle les retailers pourront continuer de s’appuyer sur leurs infrastructures et points de contact physiques existants. Une autre option pour les acteurs traditionnels, certes plus audacieuse, est d’organiser sa propre ubérisation et de devancer les tendances du marché, afin de créer une expérience client innovante et distinctive, en misant pleinement sur les nouvelles possibilités digitales.
Meilleur marché que Colruyt
Bien entendu les Belges font déjà fréquemment leur shopping dans les webshops étrangers d’Amazon. L’arrivée de Pantry n’est qu’une petite étape, qui pour l’instant ne provoque pas encore de révolution.
Un échantillon limité nous apprend toutefois qu’Amazon Pantry applique des prix très serrés pour bon nombre de produits de marque. Comprenez : des prix inférieurs à ceux de Colruyt. Mais différents facteurs empêchent une comparaison des prix vraiment exacte. Tout d’abord les deux retailers utilisent des références et des formats divergents. D’autre part dans les prix d’Amazon il faut ajouter l’abonnement Prime (49 euros par an) et les frais de livraison (3,99 euros).
Bien évidemment, plus vous commandez, moins ces montants pèsent. Bref un calcul assez complexe pour les consommateurs, qui généralement n’ont pas un diplôme ‘math sup’ en poche. C’est pourquoi les retailers traditionnels, Colruyt en tête, pourront donc peut-être pour l’instant éviter une réelle confrontation de prix avec Amazon ? Mais pour combien de temps encore ?
En danger ?
Car Amazon Pantry n’est qu’un début. Un beau jour c’est Amazon Fresh qui débarquera, avec un assortiment complet d’alimentation et de frais. Avec la possibilité de se faire livrer très rapidement – ou à un moment au choix – ses courses à domicile. Un service pour lequel certains consommateurs sont prêts à payer. Selon toute attente, les trois grands (Colruyt, Delhaize et Carrefour) principalement risqueront de perdre des clients au profit d’Amazon, alors que les discounters Aldi et Lidl devraient en grande partie être épargnés, tout comme la majorité des magasins de proximité.
Songez au fait que le ‘meilleur prix’ de Colruyt repose pour une grande partie sur une intelligente stratégie de fixation locale des prix. Le prix est revu à la baisse uniquement dans les zones commerciales à forte concurrence. Or online le concept du local pricing n’est pas applicable. A mesure qu’Amazon gagnera des parts de marché dans l’alimentaire, la position clé de Colruyt pourrait être menacée. Les choses n’en sont pas encore là , mais tout le monde est prévenu … Alors, va pour l’ubérisation ?