Le brouillard autour de la reprise des magasins belges de Blokker ne s’est toujours pas dissipé. L’entrepreneur Dirk Bron est, selon les médias néerlandais, impliqué dans des affaires de fraude et un ex-collaborateur a fait des révélations en ce sens à notre rédaction.
3,6 millions d’euros « disparus »
Depuis l’annonce la semaine dernière de la cession des 123 magasins déficitaires belges de Blokker par Mirage Retail Group à Dutch Retail Groep, avec aux commandes l’entrepreneur néerlandais Dirk Jan Bron, les questions autour de cet accord continuent de s’accumuler. L’homme d’affaires a l’intention de convertir les magasins en formule discount sous l’étendard Mega World, pour y vendre des stocks excédentaires à prix cassés.
Les premiers magasins devraient ouvrir le 7 mai et vendraient des marques telles que Replay, Philips, Coca Cola et Björn Borg avec des réductions d’au moins 50%. Toutefois les rumeurs vont bon train : ce mercredi un ancien collaborateur de l’enseigne Superconfex, aujourd’hui disparue, a contacté la rédaction de RetailDetail. « Monsieur Bron appliquera la même méthode qu’il y a treize ans chez Superconfex », nous confie cette personne, qui a souhaité garder l’anonymat. Par le passé la chaîne de mode a fait faillite deux fois et même un plan de relance sous le nom Superdiscount s’est soldé par un échec. Par la suite il s’est avéré que 3,6 millions d’euros avaient « disparus ».
« Détournement, blanchiment et escroquerie »
Bron paraît en effet un personnage peu recommandable : selon le journal De Telegraaf, il est accusé aux Pays-Bas de fraude fiscale et d’escroquerie. D’après des documents confidentiels que détient la rédaction, l’homme serait suspecté de « non-paiement de taxes sur les ventes, de détournement, de blanchiment et d’escroquerie ».
L’homme d’affaires a été écroué pendant quelques jours pour être interrogé et devrait d’ici peu s’expliquer devant le juge. Bron pour sa part dit n’être au courant de rien. Dans une interview accordée au journal FD en début de semaine il niait également toute implication dans la faillite de plusieurs entreprises, dont il était pourtant, selon les données de la Chambre de Commerce, administrateur ou gérant.
Nullement impressionnés
Entre-temps le repreneur a également fait parler de lui en Belgique : lundi dernier Bron a envoyé une lettre aux propriétaires des cellules commerciales leur annonçant qu’il exigeait six mois de loyer gratuit. L’entrepreneur dit ne pas vouloir porter tous les risques et s’attend donc à une certaine collaboration pour son opération de sauvetage. Vu le taux d’inoccupation important dans les villes commerçantes belges, il voit suffisamment de possibilités de louer moins cher ailleurs, si besoin. « En fait je voulais demander douze mois de loyer gratuit, mais j’ai pensé que c’était trop brutal », explique-t-il au journal De Telegraaf.
Une partie des locaux commerciaux concernés sont détenus par des propriétaires privés, dont on ignore pour l’instant s’ils se plieront aux exigences de Bron. Par contre les grands fonds immobiliers comme Retail Estates, Ascencio, Vastned Retail Belgium et Delestré ne semblent nullement impressionnés : selon un sondage du journal De Tijd, ils réagissent avec fermeté à l’exigence de l’entrepreneur : « Lorsque nous recevons de telles demandes, nous voulons voir un business plan bien élaboré. Or nous n’avons encore rien vu », souligne Jan De Nys, CEO de Retail Estates. « Nous n’avons aucun intérêt à accepter la demande de Blokker », affirme Aurore Anbergen, porte-parole d’Ascencio. En outre un nombre limité de locaux est encore aux mains de la famille Blokker.
Un château de cartes chancelant
Mais ce plan de sauvetage ne repose-t-il pas sur des sables mouvants ? Dans l’accord de reprise Bron s’engage à garder les magasins ouverts durant au moins un an : pour ce faire l’homme s’est vu offrir une dot par le propriétaire de Blokker, Michiel Witteveen (qui lui-même bénéficie d’un soutien financier de la famille Blokker). Ce qu’il adviendra après ce délai d’un an, est un grand point d’interrogation. Les propriétaires qui ne croient pas aux ambitieuses perspectives d’avenir de Mega World – l’entrepreneur estime qu’il y a place pour 250 points de vente – n’ont rien à perdre en refusant, puisqu’il y a de fortes chances que d’ici un an leur espace commercial soit vide de toute manière.
Il semble que les différentes parties se refilent la patate chaude. La famille Blokker est enfin débarrassée de son entreprise déficitaire et du même coup des lourdes obligations qu’aurait entraîné une cessation. A présent l’acheteur Michiel Witteveen fait de même avec Blokker Belgique. Mais que se passera-t-il si Dirk Bron, vu ses démêlés avec la justice, ne peut exécuter ses plans ? Le château de cartes chancelant s’effondrera-t-il ? Pour Mirage Retail Group les révélations sur Bron ne sont en aucun cas une raison « de revoir l’accord ou de le remettre en question », précise le groupe à la chaîne de télévision NOS.