Alipay, l’application de paiement d’un milliard de Chinois, est en train d’être démantelée par le gouvernement chinois. Pourquoi le service de paiement extrêmement populaire et rentable d’Alibaba est-il sous les feux de la rampe ?
Un prêt à la consommation sur dix
Le bras de fer est toujours en cours entre le géant technologique Alibaba et le gouvernement chinois. Le régime est déterminé à limiter le pouvoir de son bras financier, Ant Financial, et à prendre davantage le contrôle de la société qui accorde des milliards en prêts à des particuliers et entreprises. Après tout, avec Alipay, Ant Financial – et par extension Alibaba, propriétaire d’AliExpress – possède l’un des plus grands écosystèmes financiers de Chine.
L’application Alipay est l’un des systèmes de paiement les plus utilisés dans le pays, avec plus d’un milliard d’utilisateurs. Comparez-le à PayPal ou Bancontact, mais pour les achats en ligne comme dans des magasins physiques. Cependant, Ant génère pratiquement autant de revenus, et de plus en plus, de l’octroi de prêts. Grâce à Huabei, les Chinois peuvent obtenir une sorte de carte de crédit, et Jiebei est un système populaire pour les prêts à court terme.
Les Chinois qui demandent un prêt à Ant peuvent le faire de manière entièrement numérique et leur solvabilité est évaluée en quelques secondes. L’année dernière, l’entreprise était à l’origine d’un nouveau prêt non garanti sur dix dans le pays, un chiffre qui a surpris ses partisans comme ses détracteurs. Comme Alibaba dispose déjà d’une mine d’informations grâce à ses plateformes de commerce électronique et de divertissement, le risque d’une mainmise est réel. Et, bien sûr, emprunter de l’argent là où vous le dépensez constitue toujours un risque.
Moins de crédit à la consommation, plus de crédit social
Au printemps, le Parti communiste chinois avait déjà décidé d’accroître le contrôle sur Ant Financial en désignant des entreprises publiques et des banques d’État comme actionnaires de contrôle. Une amende colossale de 2,8 milliards de dollars a également été infligée. Auparavant, le Parti avait déjà fait échouer l’introduction en bourse prévue d’Ant aux États-Unis à la suite de déclarations critiques du fondateur d’Alibaba, Jack Ma. Ces derniers mois, le président Xi Jinping s’est montré déterminé à juguler le pouvoir des grands acteurs technologiques du pays.
Cependant, l’intérêt pour Alipay va encore plus loin : le système de crédit en particulier intéresse le gouvernement chinois, vu qu’il travaille lui-même sur un système de crédit social. Le parti veut récompenser les gens pour leur bon comportement et les punir lorsqu’ils font quelque chose de mal en utilisant un système de points. Vous brûlez un feu rouge ou dites du mal du gouvernement ? Votre score de crédit va alors diminuer. Citons parmi les sanctions possibles une interdiction de voyager et, bien sûr, le refus de prêts.
Il n’est donc pas surprenant qu’Ant doive désormais remettre les données des utilisateurs sur lesquelles se fondent ses décisions de crédit à une nouvelle société d’évaluation du crédit distincte, qui serait en partie détenue par l’État. Selon le Financial Times, l’application Alipay serait désormais également touchée. Le gouvernement exige que Huabei et Jiebei deviennent deux applications autonomes, distinctes de la plateforme de paiement Alipay.
En raison de l’intégration facile des deux systèmes, il n’est pas rare que les Chinois ouvrent rapidement un microcrédit lorsqu’ils veulent acheter quelque chose et le remboursent ensuite tout aussi rapidement. Ant pratique délibérément des taux d’intérêt bas, mais de cette façon, l’argent reste en circulation constante. Le but est peut-être d’y mettre un frein à l’avenir.