Le gouvernement chinois ouvre une enquête sur Alibaba (AliExpress, Tmall) afin de déterminer si le géant du commerce électronique abuse de sa position dominante. L’empire Internet, créé par le gouvernement lui-même, devient-il vraiment trop puissant en Chine ?
Baisser le ton
L’organisme chinois de surveillance de la concurrence redoute un monopole d’Alibaba. Le gouvernement lance donc une enquête sur l’acteur du commerce électronique, tandis que la société sœur Ant Group, maison mère du système de paiement en ligne AliPay , est également invitée à rendre des comptes.
En cause : le fondateur, Jack Ma, qui a ouvertement critiqué le président Jinping. À l’occasion de l’introduction en bourse de Ant Group prévue cet automne, le très médiatisé Ma a qualifié la nouvelle stratégie de Jinping de désastreuse pour l’innovation.
La Chine a réagi en bloquant l’introduction en bourse, jusqu’à ce que Ma, à terre, offre au gouvernement une partie des actions, ou ce dont le pays a besoin. L’offre généreuse n’aurait néanmoins pas (encore) été acceptée. Au lieu de ça, la Chine s’attaque désormais à Alibaba et Ant à coup de nouvelles réglementations anti-monopole.
L’oligopole chinois s’intensifie
Cependant, des causes plus profondes se cachent derrière ce conflit : en Chine, seuls trois grands acteurs contrôlent le marché des médias et de la vente au détail, avec Alibaba et Tencent (WeChat) largement en tête, suivis par le moteur de recherche concurrent de Google, Baidu. Quiconque souhaite percer dans le commerce de détail ou en ligne dans le pays doit impérativement se joindre à l’un d’eux ; ce qui explique aussi pourquoi les marques occidentales s’associent massivement avec la filiale d’Alibaba, Tmall. Gucci est le dernier adhérent en date.
« Il y a bel et bien une intensification des efforts coordonnés pour freiner l’empire de Jack Ma, symbole des nouvelles entités chinoises ‘trop grandes pour échouer’ », déclare le chercheur chinois Dong Ximiao à Bloomberg. « Les autorités chinoises veulent des entreprises plus petites, moins dominantes et plus conformes. » En effet, avec des centaines de millions d’utilisateurs, aujourd’hui les géants de la technologie ont une emprise sur presque tous les aspects du quotidien en Chine.
Icare ou l’artisan de sa propre perte
Il est pourtant surprenant que la Chine veuille soudainement mettre des bâtons dans les roues à ses géants de la technologie, car c’est justement le gouvernement chinois qui a créé l’oligopole actuel dans le pays grâce à un soutien financier considérable, des réglementations à leur avantage et des investissements de l’État. La législation qui excluait les entreprises étrangères a ainsi largement stimulé l’innovation nationale.
Les acteurs BAT (Baidu, Alibaba et Tencent) sont la réponse chinoise aux GAFA américains (Google, Amazon, Facebook et Apple) et, tout comme l’Occident, les autorités chinoises ont désormais peur de leur propre création. Il y a toutefois une grande différence, souligne Bloomberg : le gouvernement chinois a le pouvoir de réagir, contrairement aux autorités occidentales. Si la Chine estime que Jack Ma vole trop près du soleil, elle n’hésitera pas à lui couper les ailes.