Demain c’est le Black Friday, ce festin du shopping d’origine américaine, qui l’an dernier chez nous aussi a battu tous les records. Cette année les grandes chaînes nourrissent à nouveau de hautes espérances, mais les détaillants par contre commencent à s’insurger contre cette « énième action de ristournes consécutive ».
Un Belge sur deux participe au Black Friday
« Le Black Friday est le Golden Friday du commerce belge », commentait la fédération du commerce Comeos à l’issue du Black Friday 2017 qui avait pulvérisé tous les records. Cette année encore les attentes sont élevées : « Selon le spécialiste des solutions de paiement Ingenico, 53% des Belges auraient l’intention de faire du shopping lors du Black Friday. Quasi tous les commerçants y participent », affirme Hans Cardyn, porte-parole de la fédération du commerce qui représente surtout de grandes chaînes.
Vu le succès du Black Friday, les chaînes de magasins et webshops sont de plus en plus nombreux à prolonger l’action durant plusieurs jours : Media Markt y consacre trois jours jusqu’au Cyber Monday, chez bol.com l’action a déjà démarré en début de semaine et Zalando propose des réductions durant une semaine et demi (pour ne citer que ces trois-là).
‘Wake-up Friday’ pour la bonne cause
Pourtant le Black Friday ne fait l’unanimité et certains commencent à s’y opposer, en particulier les petits commerçants indépendants. Ainsi le magasin de chaussures gantois Walk The Line organise un ‘Wake-up Friday’. « La course constante d’une action de ristournes à l’autre est néfaste pour tout le monde », estime la gérante Freija De Baere, qui parle d’une « guerre des prix devenue incontrôlable » : « Les magasins qui ne participent pas, perdent du chiffre d’affaires, et ceux qui participent cèdent une partie de leur gagne-pain. En outre il n’y a plus aucun repère de prix. Les clients sont frustrés lorsqu’ils ont payé le prix plein pour un produit et le voient à moitié prix quelque temps plus tard. »
Même réaction de la part de Kim Smeets de Blabloom – un magasin limbourgeois d’articles pour enfants et de produits d’entretien et de soin – qui en assez de ce qu’elle appelle « le symbole de la société de consommation. » « Cela va à l’encontre de nos normes et valeurs. » Au lieu de semer des ristournes les deux entrepreneuses, chacune individuellement, lancent une action ‘positive’ : elles collectent de l’argent pour une bonne œuvre.
Visiblement elles ne sont pas les seules à remettre en cause le Black Friday. Une enquête du Syndicat Neutre pour Indépendants (SNI) auprès de quelque 500 membres révèle que six commerçants sur dix choisissent délibérément de ne pas participer au Black Friday. La majorité d’entre eux (67%) boycottent le Black Friday parce que ces nombreuses journées de réductions engloutissent presqu’entièrement leurs marges bénéficiaires », explique Christine Mattheeuws, présidente du SNI. Selon elle, le consommateur est de moins en moins disposé à payer le prix plein et il va donc postposer ses achats jusqu’au prochain démarquage. Résultat : les magasins seront de plus en plus nombreux à sombrer, ce qui entraînera un appauvrissement de l’offre.
‘Buy Nothing Friday’
Certains consommateurs prennent eux aussi conscience que c’en est trop. Sur Facebook circulent des messages appelant à ne rien acheter ce vendredi. Cette initiative baptisée ‘Buy Nothing Day’, imaginée par un Canadien dans les années 1990, comme réaction à la consommation effrénée, trouve également des adeptes dans nos contrées, notamment Greenpeace.
Toutefois Freija de Baere de Walk The Line estime que cette initiative est un peu excessive : « Ainsi on punit également les petits commerçants, qui eux vendent des produits durables et équitables. Je suis déjà contente lorsque le consommateur fait un choix réfléchi, au lieu d’acheter des choses dont il n’a pas besoin, uniquement parce qu’il reçoit une réduction. »